» d’argent massifs ; cet étranger traîne une barque
» à sa suite : il n’en fallait pas tant pour inquiéter
» les habitans et tenter leur cupidité. » M. Boutin
fut confiné hors du village ; on le tint enfermé
dans une chambre étroite. Baladin parlant bien
l’arabe, et reconnu pour bon musulman, obtint
leur confiance; ils crurent le gagner en lui proposant
de rester avec eux et de prendre leur
costume, ajoutant qu’ils tueraient le chrétien,
que ses armes leur resteraient en partage ; mais
que tout ce qu’on lui trouverait d’or et d’argent
serait pour lui Baladin. M. Boutin, informé de
leur dessein, connut le danger où il était, et
hâta son retour en Egypte : il donna quatre
jours de repos à ses chameaux, et le-cinquième
il sortit de sa retraite pour partir.
Plus on me présentait d’obstacles à ce voyage,
et plus je desirais ardemment de l’entreprendre.
Je passai quelques jours à faire mes préparatifs,
et je m’embarquai à Boûlaq r accompagné de
M. Letorzec, d’Ismay 1 - Abouchenab , mamlouk
français, en qualité d’interprète, et de deux
domestiques arabes.
Le 31, nous mîmes à la voile : la grande
inondation du Nil nous permit de découvrir les
pyramides de Gyzeh et de Saqqârah en entier,
jusqu’à leur base, Un vent du nord souffla toute
la journée, et le soir nous arrêtâmes la barque
à la hauteur de la pyramide de Meydoun. Le
débordement de cette année avait été, comme
celui de la précédente-, très -considérable ; on
avait compté trente-huit pieds au plus fort de
la crue. Depuis vingt ans, on n’avait vu d’inondation
aussi forte : elles ont fait l’une et l’autre
quelques ravages dans la Haute - Egypte. Ces
inondations extraordinaires ne sont pas d’un
heureux présage pour les habitans ; elles font
appréhender la peste. On en avait eu l’expérience
par celle qui eut lieu à l’époque du séjour des
Français en Egypte , et par celle de 1818, qui fut
suivie d’une violente peste, sur-tout au Caire, où,
en trois mois, elle fit périr quinze à seize mille
ames. Le l . eI novembre, un calme nous retint
les trois quarts de la journée sans que nous pussions
faire voile. Le 2 , un vent frais du nord
nous porta à Benysoueyf, où nous arrivâmes
vers le milieu du jôur ; le 3 , j’allai voir Khalyl-
bey , gouverneur de la province : j’appris par
son khaznadar, qui le remplaçait dans son absence
, qu’il s’était joint au kâchef de Medynet-
el-Fayoum, pouç faire une expédition dans le
désert contre la tribu arabe nommée Ouaiad-
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