dant ce temps j’avançais mon dessin. Ils étaient
étonnés de ce que nous pouvions remarquer
dans ie soleil, le regardant de tous leurs yeux et
n y voyant rien de plus extraordinaire que les
autres jours. Mon interprète leur fit entendre
très-sérieusement qu’il leur expliquerait l’affaire;
puis il se posait la main sur la bouche pour leur
imposer silence, comme si le moindre bruit eût
du troubler nos observations.
Nous avions chacun notre rôle : un de mes
Arabes, Solymâ* de Syout, parvint à faire
asseoir les habitans en cercle autour de nous ;
ils gardaient le plus profond silence. Quelques
curieux voulurent examiner ma chambre obscure,
mais avec une corde je tournais la glace,
et ijs n y voyaient rien : lorsque mon opération
fut terminée, je retournai mon dessin et je fermai
ma boite. Ceux qui n’avaient pu voir le soleil
dans ma chambre obscure, le regardaient par la
lunette : cette lunette nous servait pour les occultations
des satellites ; elle était montée7 sur un
pied et commode pour 1 observation. M. Letorzec,
pour ne point trop se fatiguer la vue, y
avait fait monter un verre de couleur : j’invitai
lun de ces cheykhs à regarder dans ce'verre;
il aperçut le soleil comme un globe de feu
pourpre et privé de ses rayons ; stupéfait, il
s’écrie : A lla h , allah, Mohammed resoul allah.
Ces Cris piquèrent la curiosité des autres spectateurs
; ils voulurent jouir du même avantage, et
je laissai à mon interprète le soin de satisfaire
leur curiosité : cette condescendance me procura
enfin l’entrée de leur village. Qu’on ne soit pas
étonné si, parfois, je m’attachai à exciter la surprise
des Arabes, et à profiter de leur ignorance,
au lieu de les instruire de choses souvent
très-simples, et de les guérir de leur crédulité:
non-seulement mes efforts eussent été vains ,
mais je me serais privé par-là des moyens de
voir et d’étudier le pays, et d’en dessiner le plan ,
l’aspect et les monumens.
Ce fut le 19 que nous entrâmes dans le village
de Farâfreh; il méritait peu que nous
prissions tant de peine pour y pénétrer. Les
cheykhs appelèrent mon interprète, et le conduisirent
dans le tombeau du cheykh Marzouq,
situé à l’ouest et tout près du village, et pour
lequel ils ont la plus grande vénération; là, ils
le firent jurer par Mahomet qu’une fois introduits
dans le Qasr ou château, nous nous abstiendrions
totalement d’écrire , de mesurer et
de dessiner , et que nous ne leur causerions