assez connaître combien nous avions besoin
d’eau ; elle s’empressa de nous offrir ceileque contenait
son vase, et quelques dattes.- Avec quelle
avidité nous nous partageâmes cette petite provision
d’eau fraîche ! La jeune femme nous demanda
s’il y avait iong-temps que nous avions
quitté ce fleuve : quatre mois, répondirent mes
Arabes. A ces mots, elle témoigna la plus grande
surprise : Quatre mois ! s’écria-t-efle en fixant sur
nous ses beaux yeux noirs, où la douceur et
ïa pitié étaient peintes; et par un mouvement
spontané, elle tendit vers nous les bras, ajoutant
d’une voix plaintive : O mes amis, ô mes
malheureux frères ! Je récompensai de quelque
argent les soins charitables de cette femme
hospitalière, et nous la quittâmes comblée de
nos bénédictions.
Après une demi-heure de marche sur la lisière
du désert et des terres cultivées , nous passâmes
auprès des tombeaux de la ville ; nous traversâmes
ensuite une belle chaussée bordée de
grands sycomores, et nous arrivâmes à Syout
à dix heures. Depuis notre départ du Fayoum,
nous avions fait environ quatre cents lieues dans
le désert, attendu la sinuosité des routes. C’était
la saison du bar sim, où la vallée abonde en
herbes pour les animaux ; nos chameaux dévoraient
cette herbe fraîche : de notre c ô té , nous
trouvions le pain délicieux. J ’appris en arrivant
que Mohammed bey defterdâr, résidant en
cette ville, venait detre. rappelé au Caire pour
commander une partie des troupes destinées
à l’expédition qu’on préparait pour le Sa’ÿ d :
le capitaine du port s occupait de la recherche
des barques ; ces préparatifs me confirmaient ce
qu’on nous avait annoncé dank l’oasis, J ’espçrais
donc pouvoir entreprendre ce voyage si désiré,
qui devait nous conduire à la connaissance de
l’Ethiopie et à la découverte des ruines de Mê-
roé, objet delà recherche de tant de voyageurs!
Je me flattais, en arrivant à Syout, d’y trouver
des lettres d’Europe , et d’y rencontrer mon
ancien ami le docteur Maruchi, médecin du bey,
qui m’avait témoigné tant daffection lors de mon
premier voyage : mais il avait suivi le bey, et
je ne vis que son interprète. Alors Syout devint
pour moi Un désert : n’y trouvant point de barque
pour me conduire au Caire, je me décidai à
partir dès le lendemain pour Reyremoun avec
nos mêmes chameaux, qui, ayant respiré l’air
du Nil, avaient repris toute leur vigueur.
Plusieurs cheykhs arabes qui m’avaient vu
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