« Ce saint iieu, me dirent-iis, renferme le sabre
» et ie cachet du grand prophète, ce qui assure
» au pays les bienfaits du ciel et la conservation
» de 1 indépendance dont ces hommes sont jaloux
» et savent sentir tout le prix. Si les chrétiens,
» qu’ils regardent comme très - habiles dans la
» magie, venaient à pénétrer dans cette île , ce
» serait pour s’emparer de Ces objets sacrés; alors
» les habitans n,e seraient plus maîtres chèz eux
» et deviendraient sujets à toutes les vexations
» qu’essuient tant d’autres tribus arabes. Plu-
» sieurs personnes, ajoutèrent-ils, ont tenté, de
» traverser le lac à la nage; elles n’ont jamais pu
» arriver dans l’île; l’eau se séparait devant elles
» par un prodige : d’autres ont fait un radeau
» et s’y sont embarquées ; étant aux trois quarts
» de la traverséé, un vent impétueux les re-
» poussait aussitôt sur le rivage d’où elles étaient
» parties. Il existe dans le désert, près d’el-Garah,
«' me dirent - ils encore, une vallée remplie de
» dattiers, des vignes chargées de raisins et
« beaucoup d’autres productions , avec des
« ruines d’anciennes villes; mais on ne peut y
« pénétrer que lorsqu’on se perd dans ces dé-
« sorts, et que le pur hasard vous y conduit :
« si l’on marchait avec l’intention de la décou-
» vrir, on n’y parviendrait jamais. « Ces bonnes
gens me firent une quantité de contes de ce
genre que je crois inutile de répéter . On ne
peut se faire une idée de la superstition de ces
Arabes ; cependant ils traitent les gens de
Syouah à'abyd, d’hommes fanatiques et sauvages
dans toutes leurs manières, et d une superstition
sans bornes : comment'donc devais-je
juger de ceux-ci par les Arabes qui m accompagnaient,
et qui avaient la prétention d’être
beaucoup plus raisonnables? Cette réflexion
vint ajouter à toutes mes craintes ; et je considérai
comme de plus en plus difficile 1 entrée
de l’oasis.
Le 9 , nous partîmes à sept heures un quart.
Après deux heures de marche, nous descendîmes
par une pente rapide dans une vallée
étroite, bordée par deux montagnes : il fallut
descendre de chameau à ce passage. Nous nous
trouvâmes, au bout d’une heure, sur une plaine
inégale, couverte çà et là de monticules, avec
quelques herbages et des arbrisseaux. Au nord
de notre route, s’élevait une chaîne de montagnes
qui s’avance dans le sud en divers endroits.
Sur le soir , nous découvrîmes à l’ouest
les palmiers de Syouah ; et après une marche de