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 avait tant entendu  parler  aux  Européens. I l   ne  
 fut pas plutôt  arrivé  au  village,  qu’ii  fut frappé  
 singulièrement à  l’aspect  des  dépouilles  éparses  
 de momies, des bras, des têtes, des  corps  à demi  
 brisés par les Arabes :  ceux-ci les exhument sou-.  
 vent, soit pour s’assurer de leur état de conservation  
 et  les  vendre intactes,  soit  pour  s’emparer  
 des objets  dont la piété des  anciens  les  décora :  
 ces  dépouilles  sont alors impitoyablement  abandonnées  
 sur le  sol,  et deviennent  la  pâture  des  
 animaux. Indigné de  ce  spectacle, Mohammed-  
 Aly  fit  faire  des  reproches  aux  consuls  et  aux  
 autres  Européens  qui  ordonnent  ces  fouilles.  
 « Quoi  !  s’écria-t-il  en  invoquant  le  prophète,  
 » c e s   cadavres *n’étaient - ils  pas  autrefois  des  
 »  hommes  comme  nous ? On  ne  pense  qu’à ac-  
 »  quérir  de  brillantes  collections ;  et  ces chairs „  
 »  ces  ossemens,  sont jetés çà et là sans  respect ; 
 »  ces  restes  humains  deviennent  tous  les  jours  
 »  la proie des plus vils  animaux ,  et  l’on y  fait à  
 »  peine attention ! » Ainsi,  un de ces Turcs que  
 nous  traitons de barbares ,  ne put supporter  un  
 spectacle  qui n’avait peut-être encore  étonné aucun  
 voyageur européen ! II ordonna sur-le-champ  
 aux Arabes  de  couvrir  de  sable tous ces  débris. 
 Je voulus éprouver mes dromadaires, et j’allai  
 avec  eux  jusqu’à Esné. Le  9 novembre, M. Le-  
 torzec  partit avec ma barque  ; et  le  même  jour  
 au  soir ,  accompagné de mon  interprète  et  d’un  
 Arabe,  je me mis  en  route, monté sur un  dromadaire. 
 A  trois  quarts  de lieue  au  sud  de Gournah,  
 je  vis  un  joli  petit  temple  égyptien,  dont l’intérieur  
 est couvert de sculptures. Ce monument,  
 remarqué par peu de voyageurs,  avait  échappé  
 à  l’expédition  française  :  il  est  sur  le  bord  du  
 désert. N’ayant  pu  m’arrêter  alors  pour  le  reconnaître  
 ,  je  le  vis  plus  tard ;  j’en  donnerai  
 ailleurs la  description.  Notre  arrivée épouvanta  
 quelques  femmes arabes  qui  étaient  renfermées  
 dans  le  temple  avec leurs bestiaux  ;  elles nous  
 prirent pour des soldats, gens dont elles craignent  
 toujours  les  avanies  :  nous  les tranquillisâmes  
 en  continuant notre  route. Une lieue plus  loin ,  
 nous nous arrêtâmes au milieu d’un camp d’Arabes  
 cultivateurs.  J ’acceptai  le  gîte que  vkit m’offrir  
 un  des  principaux  chefs,  qui  nous envoya  du  
 lait  de  buffle  et  du  pain de dourah :  tous  ceux  
 qui  nous  approchaient  voulurent  aussi  nous  
 apporter  du lait et  du  beurre.  J e   fus  touché de  
 leur  attention  :  les  moeurs  hospitalières  sont