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 M.  Letorzec  le  plan  de  cette  partie  de  l’oasis.  
 Plusieurs  fois nous  fûmes  arrêtés  dans  nos travaux  
 par les Arabes/à qui  nous paraissions  toujours  
 suspects ;  ils  ne  pouvaient  comprendre  le  
 sujet  de  tant  de  courses. Portant  constamment  
 umfusil  en  bandoulière,  nous leur  disions  que  
 nous  cherchions  des  gazelles: mon  interprète,  
 qui jouissait  de  leur  confiance,  les  assurait  que  
 par- tout  nous  étions  ainsi  continuellement  occupés  
 à  courir,  pour  chercher  des monumens  
 anciens ; qu en Egypte, nous ne faisions de même  
 que  parcourir  le  désert,  afin  d’observer  des  
 pierres;  que  nous  venions de  Syouah,  où  nous  
 avions vu toutes les ruines; bref,  que nous étions  
 des fous;  mais  qu’il s’en trouvait bien,  puisqu’il  
 était récompensé généreusement. Le voyage  de  
 Syouah nous procura une haute réputation dans  
 le  pays :  on  n osait  pas  nous  refuser  ce  que  
 nous  avions  obtenu  d’un  peuple  fanatique  et  
 superstitieux,  qu ils  considéraient  eux-mêmes  
 comme  extraordinaire par son  baractère sombre  
 et  défiant,  et  comme  voué  à la  magie.  Néanmoins, 
  malgré l’habileté de mon interprète, nous  
 rencontrâmes  des  difficultés  sérieuses. 
 Le 2 février, desplaintes furent portées contre 
 nous  devant le  cadi ;  on  nous  accusait  de  parcourir  
 sans  cesse  les  enclos  de  dattiers  et  de  
 nous arrêter à toutes les  sources. Les principaux  
 du  village  s’assemblèrent  en  face  de  la  maison  
 que  j’habitais;  il  s’y  réunit  bientôt une  grande  
 quantité de  curieux  : plusieurs  étaient  armés  de  
 bâtons, et disaient avecarrogance qu’ils voulaient  
 connaître  le vrai motif de  nos  courses  réitérées  
 sur leurs  terres  et auprès  de  leurs  sources. On  
 manda l’Arabe qui nous avait dénoncés. Il prit la  
 parole, et le plus  grand  silence  régna  dans  1 assemblée  
 : il  indiqua le nom  d’un lieu  que  nous  
 avions  visité  dans  son  voisinage.  «  Je   l’ai v u , 
 «  dit-il ; s’arrêter auprès de la source, et y plonger  
 » un  instrument  en  verre et en argent : aussitôt  
 »  après l’avoir retiré de Feau, il s’est misa écrire.«  
 Il  finit  en  disant  que  ces  procédés  magiques  
 étaient  faits  pour  alarmer  les  habitans.  Aussi  
 l’on ne douta plus que nous ne cherchassions des  
 trésors  dans les sources,  ou  au  moins  que  nous  
 ne  voulussions  en  détourner  les  eaux  pour  les  
 transporter  en  d autres  cantons  :  tous  demandèrent  
 à voir  l’instrument de sorcellerie ;  ce  fut  
 un  cri'général. Je pris donc  un  thermomètre,  et  
 je m’efforçai, mais en vain, de  leur en  expliquer  
 l’usage; il me fallut être sorcier bon gré mal gré.