Le 2 1 , ma demande fut portée de nouveau
devant l’assemblée. Deux cheykhs étaient ab^-
sens ; on ne put prononcer : je m’aperçus pourtant
que le cadeau d’ïsmayï avait déjà produit
un bon effet sur les esprits. Quelques cheykhs
tém ignèrent encore la crainte que je ne fusse
envoyé par Mohammed-Aly, vice-roi d’Egypte,
pour observer l’étendue de leurs terres et la
valeur de leurs produits,, ce qui devait attirer un
regard de convoitise sur leur territoire. Ces
hommes sentaient tout le prix de leur indépendance
: ils ne craignaient rien tant que ïa servitude,
et cherchaient à s’y soustraire; cependant
ils ne devaient pas tarder à être réduits sous le
joug d’iin voisin redoutable.
Sur le soir, nous apprîmes l’approche d’une
caravane de cent cinquante chaméaux, venant
de Barqah-Bengazy : le cheykh Kouroum, tout
effrayé, accourut m’annoncêr cette nouvelle;
l’arrivée de cette caravane obligeait à partir
celle avec laquelle j’étais venu, les habitans ne
pouvant nourrir pendant long-temps un grand
nombre de chameaux à-la-fois. Voulant me
rendre de Syouah dans la petite oasis, je ne
devais plus faire route avec notre caravane, qui
prenait sa direction au nord sur Alexandrie.
Kouroum me suppliait de partir avec e lle ,
disant que nous pourrions faire ainsi une journée
de marche et nous éloigner en sûreté de
Syouah ; qu’ensuite nous prendrions la route
de l’oasis; que d'ailleurs il avait pour ennemis
ies principaux de la caravane qui allait arriver
de Barqah, et qu’il y avait du sang entre eux *;
enfin qu’il m’abandonnerait plutôt ses chameaux
que de partir seul avec moi et les miens. Il
ajoutait que nous courrions les plus grands
dangers, lui et nous ; qu’on nous croirait chargés
d’or et d’argent; que les gens de Syouah eux-
mêmes, nous voyant partir Seuls, pourraient
bien se mettre à notre poursuite pour nous
piller. Ces observations me parurent justes ;
mais je crus devoir les rejeter, en assurant
que je ne partirais pas sans avoir vu Omm-
Beydah. Je fis dire aux cheykhs de Syouah
que je ne voulais voir que les ruines, et que
je consentais à être conduit jusque-là, les yeux
bandés, renonçant à voir leurs terres, leurs
dattiers et leurs sources : je regrettais peu ces
sources en comparaison des monumens, même
Cette expression est usitée parmi les Arabes ; elle signifie
qu’il a été commis un meurtre , et que ce meurtre n’a pas été'
venge.