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 devant  l’assemblée.  Deux  cheykhs  étaient  ab^-  
 sens ;  on ne put  prononcer  :  je m’aperçus pourtant  
 que  le  cadeau  d’ïsmayï  avait  déjà  produit  
 un bon  effet  sur  les  esprits.  Quelques  cheykhs  
 tém  ignèrent  encore  la  crainte  que  je  ne  fusse  
 envoyé par Mohammed-Aly,  vice-roi  d’Egypte,  
 pour  observer  l’étendue  de  leurs  terres  et  la  
 valeur de  leurs produits,, ce qui devait attirer un  
 regard  de  convoitise  sur  leur  territoire.  Ces  
 hommes  sentaient tout le  prix  de  leur indépendance  
 :  ils  ne  craignaient rien  tant  que  ïa servitude, 
   et cherchaient  à s’y  soustraire;  cependant  
 ils  ne devaient pas  tarder  à  être  réduits  sous  le  
 joug  d’iin  voisin  redoutable. 
 Sur le  soir,  nous  apprîmes  l’approche  d’une  
 caravane  de  cent  cinquante  chaméaux,  venant  
 de  Barqah-Bengazy  :  le  cheykh Kouroum,  tout  
 effrayé,  accourut  m’annoncêr  cette  nouvelle;  
 l’arrivée  de  cette  caravane  obligeait  à  partir  
 celle  avec laquelle  j’étais  venu,  les  habitans  ne  
 pouvant  nourrir  pendant  long-temps  un  grand  
 nombre  de  chameaux  à-la-fois.  Voulant  me  
 rendre  de  Syouah  dans  la  petite  oasis,  je  ne  
 devais plus  faire route  avec notre  caravane,  qui  
 prenait  sa  direction  au  nord  sur  Alexandrie. 
 Kouroum  me  suppliait  de  partir  avec  e lle ,  
 disant  que nous  pourrions  faire  ainsi  une journée  
 de  marche  et  nous  éloigner  en  sûreté  de  
 Syouah  ;  qu’ensuite  nous  prendrions  la  route  
 de  l’oasis;  que  d'ailleurs  il  avait  pour  ennemis  
 ies  principaux  de  la  caravane  qui  allait  arriver  
 de Barqah,  et qu’il  y  avait  du  sang entre eux *;  
 enfin qu’il m’abandonnerait plutôt ses chameaux  
 que  de  partir  seul  avec  moi  et  les  miens.  Il  
 ajoutait  que  nous  courrions  les  plus  grands  
 dangers, lui et nous ; qu’on nous croirait chargés  
 d’or et  d’argent;  que  les  gens  de  Syouah  eux-  
 mêmes,  nous  voyant  partir  Seuls,  pourraient  
 bien  se  mettre  à  notre  poursuite  pour  nous  
 piller.  Ces  observations  me  parurent  justes ;  
 mais  je  crus  devoir  les  rejeter,  en  assurant  
 que  je  ne  partirais  pas  sans  avoir  vu  Omm-  
 Beydah.  Je  fis  dire  aux  cheykhs  de  Syouah  
 que  je  ne voulais  voir  que  les  ruines,  et  que  
 je consentais à  être  conduit  jusque-là,  les yeux  
 bandés,  renonçant  à  voir  leurs  terres,  leurs  
 dattiers  et  leurs  sources  :  je  regrettais  peu  ces  
 sources  en  comparaison  des monumens, même 
 Cette  expression  est  usitée  parmi  les  Arabes ;  elle  signifie  
 qu’il  a  été  commis  un  meurtre ,  et  que  ce  meurtre  n’a  pas  été'  
 venge.