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 devait  pas  nous  donner  de  guide  :  pour  sortir  
 de cet  embarras,  je  ne  vis  d’autre  moyen  que  
 d’aller  m’expliquer  moi-même  avec  le  kâchef.  
 Nous étions éloignés  de  trois  lieues  de  sa  résidence, 
   et  il  fallait  traverser  le  fleuve.  On me  
 fît  espérer  de  trouver  une  barque  une  lieue  
 plus  bas.  Je  m’acheminai  sur  mon  dromadaire,  
 accompagné de mon interprète, et  je trouvai en  
 effet cette  barque,  mais  entièrement  délabrée :  
 le  ray s  ne voulait pas  d'abord  nous y  recevoir;  
 au moyen de quelques piastres,  il se laissa gagner  
 et il  calfata  grossièrement  plusieurs  trous  :  je  
 renvoyai  mes  dromadaires ,  et  nous  nous  livrâmes  
 à  ce  frêle  esquif.  Arrivés  sur  l’autre  
 rive,  nous  avions  encore  quatre  lieues  à  faire  
 pour  aller trouver le kâchef ;  nous  ne pouvions  
 nous  procurer  de  montures,  et  il  était  impossible  
 de  faire  ce  chemin  à pied  :  tout-à-coup  
 un  fort  vent  de  nord-ouest  poussa  vers  nous  
 une barque  qui venait  d’Asouân ; lorsqu’elle  fut  
 en face, nous  déchargeâmes  nos  fusils  pour  la  
 faire  aborder, et  elle  vint à terre  :  elle  allait  à  
 Ouâdy-Halfah.  A  cinq  heures  du  soir,  nous  
 arrivâmes  chez le  kâchef;  je  lui  demandai  les  
 motifs  pour  lesquels  il s’était opposé à ce que le 
 cheykh d’Arguy nous  donnât  un  guide  :  pour  
 s’excuser,  il  me  dit  qu’il  voulait  m’en  donner  
 un  lui-même,  dans  la  crainte  que  je  n’eusse  
 affaire à  un  mauvais  sujet.  Je   le  remerciai,  en  
 lui disant que  j’avais  trouvé  un  homme  qui  me  
 convenait  parfaitement.  Il  me  fît  demander  
 par ses  gens encore quelques bouteilles  derum. 
 Cet  ordre  n’avait  été  donné  que  pour  me  
 faire  voir  son  autorité et  me  mettre  à  contribution: 
   je  lui  promis  de  lui  envoyer  ce  qu’il  
 demandait;  alors  il  me  donna  une  permission  
 d’emmener le guide que j’avais choisi. J ’envoyai  
 de  suite  cet  ordre  à  M.  Letorzec,  afin  qu’il  
 pût  prendre  le  guide,  et  venir  à  la  hauteur  
 d’Ouâdy-Haïfah,  où je  traverserais  le Nil  pour  
 le  rejoindre  et  poursuivre  notre  route.  Ici  
 j’éprouvai un nouveau retard : l’homme que  j’envoyai  
 porter ma lettre ne  put  passer  le  Nil que  
 le  17  au  so ir,  et  ce  fut  le  lendemain  que  
 M.  Letorzec  partit et vint  camper  vers les onze  
 heures  en  face  de  l’habitation  du kâchef.  II  fît  
 tirer  quelques  coups  de  fusil  pour  m’avertir  
 de  son  arrivée,  et  je traversai le Nil  avec  mon  
 interprète, satisfait de retrouver tout mon monde.  
 Je  ne  manquai pas  d’envoyer  un  second  présent  
 au  kâchef;  car  il  était homme à faire  naître 
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