VOYAGE À MÉROÉ,
aucun dommage; iis l’obligèrent de baiser les
quatre coins de cette tombe et de faire une
prière, en garantie des obligations qu’il venait
de prendre en notre nom; puis on déposa dans
le tombeau notre offrande, qui était censée faite
pai Ismayl. Ils avaient juré,.disaient-ils, qu’aucun
chrétien n’entrerait dans le Qasr, et ils ne pouvaient
être relevés de ce serment que par des
prières et par une offrande adressée au cheykh
Marzouq.
Ismayl vint me rendre compte des conditions
que l’on venait de nous imposer, et, pour mieux
jouer son rô le , il me demanda deux bougies
qu’il alluma sur la tombe du cheykh; cet acte
de piété fit merveille. Les Arabes nous conduisirent
en tremblant ; nous traversâmes d’abord
quelques petites maisons ou cahutes en te rre ,
comme sont toutes les constructions de ce pays.
Nous étions suivis de tous les habitans du village
; les femmes montaient sur leurs terrasses
pour nous voir : on marchait dans le plus profond
silence. Ce cortège nous accompagna ainsi
jusqua la porte du Qasr; mais il n’y entra que
les principaux habitans.
Cet endroit est ençlos de murs élevés et fortifiés
; on y arrive du côté de l’e s t i l faut monter
quelques marches formées de pierres assez mal
arrangées; deux murs forment un réduit devant
la porte. Le dessus de cet emplacement est ouvert;
au milieu se trouve une trape qui se lève:
c’est là leur plus grand moyen de défense ;
lorsque leurs ennemis veulent approcher de la
p o rte , ils les assomment à coups de pierres.
Nous franchîmes divers passages étroits et
couverts de chambres contiguës ;. le jour y
pénètre par de petites cours ; , elles sont surmontées
d’un étage peu élevé. Chaque famille
possède une de ces salles, où elle renferme ce
qu’elle a de plus précieux, ainsi que sa provision
pour l’année, comme du dourah, des olives,
les armes ;ef l’argent. Quoique ces cabinets ne
soient pas bien fermés, il ne s’y fait point de
vols ; la plus grande confiance règne .entre les
habitans.
Je montai dans les premiers cabinets, à l’aide
de quelques troncs de dattiers très-inclinés, et
de là je gravis jusqu’aux seconds, où sont les
terrasses,; les planchers en sont très-élastiques,
formés de troncs de palmiers et de petites branches
de dattiers. C’est du haut de ces terrasses
qu’ils se défendent contre les Arabes : elles sont
surmontées, à la hauteur d’un mètre, par des