A deux heures, nous mouillâmes dans la rade
d Aboutir, fameuse par la perte d’une grande
bataille navale, et plus tard par un triomphe
éclatant. II me semblait voir ce promontoire
encore empreint de toutes les horreurs de la
guerre. Là nous dûmes attendre le moment favorable
pour franchir le boghâz, barre mobile et
dangereuse, àFembouchure du Nil dans la mer;
les .bancs de sable s’y accumulent et obstruent
le passage qui, à tout moment, change de
place. Des pilotes sont constamment employés
sur le boghâz pour reconnaître la passe et l’indiquer
aux barques ; malgré ces précautions, il
en périt fréquemment. Les pertes qui ont lieu
chaque année sur cette barre sont évaluées à
une somme considérable. •
Le 7, à deux heures du matin, nous appareillâmes
à l’approche du boghâz. Tout l'équipage
était à son poste , et le râys attentif suivait
les signaux que nous faisait le pilote : nous
avançâmes bientôt. Aux chants, aux cris tumultueux
des passagers, succéda un morne silence ;
nous passions le boghâz au milieu de vagues
furieuses. Une fois cette barrière franchie, le
contentement et la» joie se peignirent sur tous
les visages. La vue du fleuve, et de ses bords
couverts de villages et de palmiers, ravissait
tous les passagers; chacun se fit un plaisir de
boire de l’eau du Nil. Seulement alors nous
entrions dans l’Égypte : Alexandrie lui est en
quelque sorte étrangère; c’est fart qui a transporté
sur le territoire où cette ville est bâtie les
eaux du Nil, que la nature lui a refusées ; mais
celle-ci semble s’efforcer de rendre ce sol aride
au désert à qui il appartient. Sur les quatre
heurès, nous arrivâmes à Rosette. Le pacha a
fait exécuter un canal qui entraînera la destruction
du commerce de cette ville : il commencé
près d’Atfeh au-dessous de Foueh, et débouche
dans le Port-Vieux à Alexandrie; par cette
voie, toutes les barques chargées des produits
de l’Egypte, et celles qui remontent au Caire,
éviteront le boghâz.
Le lendemain 8 , je pris une autre barque
pour le Caire : nous partîmes le soir. Le 1 1 ,
au jour, nous étions à Terràneh. Je voulus y
faire la recherche des Bédouins avec lesquels
je comptais tenter le voyage de l’oasis de
Syouah. M. Kircourt, Lévantin, employé du
pacha pour une fabrique de nitre , ( m’assura
que, dans ce moment., il régnait à Syouah une
maladie épidémique , fièvre pernicieuse qui se