renouvelle tous les ans dans cette saison, qui est
celle de la récolte des dattés. II me fut impossible
de trouver une seule autre personne qui pût
me donner le moindre renseignement sur cette
oasis. M. Kircourt regardait mon entreprise
comme impossible, après la tentative faite, il y
a quelques années, par M. Boutin de Nantes,
colonel du génie; il m’en raconta les détails
tels qu’il les tenait du colonel lui-même.
« M. Boutin | me dit-il, partit d’ici avec des
» Arabes qu’il gagna à force d’argent. II emporta
» avec lui une petite barque pour pénétrer jus-
» qu’à l’île qui existe, assure-t-on, dans un lac
» aux environs de cette oasis. Le quinzième jour
» de son voyage, il arriva à la vue de Syouah.
» Lès chefs de cette ville accoururent au nombre
» de douze, et signifièrent à M. Boutin de ne
» pas avancer davantage : ils se réunirent ensuite
« pour prononcer sur le sort de cet audacieux.
» Plusieurs voix opinaient pour sa mort ; mais,
» en considération de ses drogmans et de ses
» conducteurs, qui implorèrent sa grâce, on
» résolut , après une longue discussion , de le
» renvoyèr et de brûler sa barque. M. Boutin
» employa tous les moyens possibles pour réussir
»dans son entreprise ; il leur offrit de riches
»présens, qu’ils refusèrent, prétendant que ces
» dons leur porteraient malheur : enfin, ils dé-
» clarèrent à ses guides qu’ils ne leur feraient
» aucune grâce, s’ils tentaient une autre fois din-
» troduire chez eux des étrangers. Ces hommes
» simples et superstitieux croient aux talismans ;
» ils craignent que nous ne leur enlevions de
»prétendus trésors qui leur conservent, disent-
» ils, les biens du ciel et le bienfait de l’indé-
» pendance.
» M. Boutin, homme de mérite et d’un ca-
» ractère résolu et intrépide, ne se serait point
» laissé abuser par de fausses apparences. S’il
» n’a pas tenté une seconde fois dé parvenir à
»son but, c’est qu’il en a reconnu l’impossi-
» bilité. Vous savez que cet officier, qui réunis-
» sait à beaucqup de savoir une grande modestie,
» a depuis succombé en Syrie, sous le fer des
» assassins, dans des recherches de même na-
» ture. II faut donc regarder comme imprudentes
» toutes les tentàtives qu’on pourrait faire au jour-
» d’hui pour pénétrer dans l’oasis de Syouah. »
Je remerciai M. Kircourt de ces intéressans
détails; mais je partis de Terrâneh, plus décidé
que jamais à tenter l’entreprise dans laquelle
avait échoué mon malheureux compatriote.