au 20rae degré de latitude, que cessaient d’apparaître
ces monumens gigantesques qui attestent que la culture
des arts , dans cette partie de l’Afrique, remonte
à des époques qui se perdent dans la nuit des
temps ? Bruce et Burckhardt , en longeant le fleuve
au-delà du Barhar, n’avaient rien aperçu de bien
remarquable en ce genre qui dût fixer l’attention e
qui pouvait se flatter d’ètre plus heureux que ces
deux habiles voyageurs? Cependant, le témoignage
d anciens auteurs dignes de foi constatait l’existence
en Ethiopie, de Méroé et de son île sacrée : cette
ville célèbre avait recélé dans son sein de somptueux
édifices, une population considérable; elle avait été le
siège de l’empire sous quarante-cinq rois éthiopiens!
En mars 1820, je revenais de visiter les Oasis,
et les restes du célèbre temple d’Ammon ; j’avais
parcouru, durant quatre mois , ces vastes déserts
que Ion peut regarder comme des mers de sables,
au milieu desquelles s’élèvent des îles tapissées de
verdure, lorsque les bruits d’une expédition que le
pacha préparait pour la haute Nubie , parvinrent
jusqu’à moi. Dès ce moment , tous les voeux que je
formai tendirent à faire ce voyage; le souvenir de
la fameuse Méroé vint électriser mes sens; je quittai
tout pour me rendre au Caire : là j’obtins de
Mohammed-Àly pacha la faveur d’accompagner son
fils Ismâyi dans cette expédition. D’abord j’eus des
jaloux, des persécuteurs; mais j’eus aussi le bonheur
de vaincre les obstacles quon me suscitait : avec le
temps , j’arrivai, sinon à voir tous mes desseins
couronnés de la réussite , au moins à conduire
heureusement à sa fin une des découvertes que
j’ambitionnais le plus. Près de deux ans s’écoulèrent
dans ce voyage , où je dus beaucoup aux facilités
qu’Ismâyl me procura dans mes recherches, et qui
me permirent de devancer mes rivaux ’dans la carrière:
j’atteignis en effet presque au 10.e degré de latitude,
terme où s’arrêtèrent les rapides conquêtes de ce
pacha. Quoique j’eusse dépassé de plus de cent lieues
l'emplacement où gisent les débris de l’antique
splendeur de Méroé, ce ne fut pas sans de vifs
regrets que je me vis. obligé de revenir sur mes pas,
sans avoir pu porter le nom français jusqu’aux
sources du vrai Nil. Plus tard j’eus lieu néanmoins
de bénir mon étoile, lorsque, étant à la veille de
mon retour, j’appris que le malheureux Ismâyi, dont
j’avais devancé la marche, venait de périr, sur l’île
de Méroé, d’une mort cruelle, qui entraîna le
désastre d’une partie des siens, et fut le signal de
révolutions qui firent couler des flots de sang, dans
des pays conquis presque sans coup férir. L’affliction
que me causait le sort funeste d’un jeune prince à
qui je devais beaucoup de reconnaissance, m’empêcha
de me féliciter de l’accroissement d’importance qu’allait
acquérir par-là le fruit de mes travaux : de long-temps,
en effet, nul voyageur ne pouvait se promettre de