d’une imprudence, ou peut-être d’une calomnie.
Le même jour au soir, nous arrivâmes à
Thèbes: j’y restai jusqu’au 18 ; pendant ce peu
de jours, je me procurai chez les Arabes quelques
morceaux d’antiquités.
Le 20 août, nous passâmes devant Esné ;
le 23 , nous arrivâmes à Darâou : je cherchai à
m’y procurer quelques dromadaires ; j’en achetai
quatre pour le prix de 400 mahboubs [600 francs
environ], et je laissai à mon interprète le soin
de les conduire à Asouân. Le 27 au matin,.
comme le vent et les courans me contrariaient,
je rejoignis mes dromadaires auprès du grand
a’qabah ; je quittai ma barque et je montai un
dromadaire jusqu’à Asouân, où je fus rendu le
soir du même jour.
Ismâyi pacha y était arrivé ; il campait
avec ses troupes à une lieue d’Asouàn, sur la
partie gauche du fleuve. Les rives qui avoi-
sinent Syène étaient bordées de barques , et
couvertes de troupes, de tentes , de chameaux,
de cavalerie, de bagages, de munitions et d’artillerie;
tout annonçait la guerre qu’on allait
porter chez les peuples de Nubie. Ces préparatifs
avaient quelque chose d’imposant : les cris, des
animaux, les acclamations du peuple, le chant
des Albanais , la musique des timbales et des
flûtes, le bruit des tambours; tout tendait à
émouvoir les sens, à électriser l’imagination.
Le camp présentait l'image de la plus vive alé-
gresse ; chacun se livrait à la joie , selon ses
passions ou ses intérêts particuliers : le soldat
voyoit en perspective les fruits du pillage ; le
pacha se flattait de prendre quarante mille
nègres ; l’ambition des Européens était d’atteindre
Méroé ; elle les portait jusqu’aux vraies
sources du Nil : mais pour cela , fallait-il exposer
les autres et soi-même à courir les chances
d’une guerre injuste? Les agresseurs étaient
dans la joie, et ils allaient faire des milliers de
malheureux !
Le 28 , je passai le fleuve pour aller voir
Ismâyï pacha. En traversant son camp, je fus
retenu par un rassemblement d’Albanais qu’une
circonstance fâcheuse avait occasionné : unsoldat,
dormant dans sa tente placée tout près de l’eau,,
venait d’être enlevé par un crocodile ; le vorace
animal avait saisi çe malheureux par une jambe, e t
l’avait entraîné avec lui. Ces tragiques événemens
sont assez communs ; mais lès femmes en sont
plus souvent victimes, parce quelles vont ordinairement
puiser de l’eau au fleuve , dans lequel