Je m’embarquai au vieux Caire, le 22 avril,
avec M. Letorzec, un interprète et deux domestiques
arabes. Le vent était peu favorable; nous
fûmes donc obligés de faire tirer à la cordelle
notre barque, à laquelle en était attachée une
seconde remplie d’effets. Le 25, à midi , nous
nous trouvions tout près de la rive occidentale
du Nil, au-dessous de Zâouy : la berge s’élevait
perpendiculairement au-dessus du fleuve, à une
hauteur de 15 à 18 pieds. Pour éviter le milieu
du courant, le timonier longeait le rivage : ujut-
à-coup une masse considérable de terre se détache
et tombe sur'nos barques. Celle que nous
traînions à la remorque coula à fond ; la nôtre
ne fut pas submergée , mais elle fut presque
entièrement encombrée par la te rre, qui continuait
à s’ébouler. Quoique nous fussions couverts
de terre et d’eau , nous parvînmes toutefois
à débarquer, avec l’aide des habitans
dont nous avions appelé le secours. La petite
barque fut retirée de l’eau ; mais nous perdîmes
ses voiles et divers objets dont elle était chargée.
Nous employâmes le reste de la journée à faire
sécher les effets que nous avions sauvés. Ces
sortes d’éboulemens , causés par les courans rapides
qui minent la partie inférieure des berges ,
sont fréquens, et ils mettent souvent en péril les
barques qui naviguent à proximité des rives du
fleuve.
Le 26, nous fûmes contraints, par un fort vent
du su d , d’attacher notre barque près de Zâouy,
où nous étions retenus, tantôt par des calmes,
tantôt par des vents violens de Khamsyn :, le
thermomètre montait jusqu’à 34°. Nous n’arrivâmes
que le 4 mai à Minyeh : j’y trouvai l’ancien
kiahya bey, ministre du vice-roi, que nous
avions vu passer la veille, avec un grand nombre
de? barques à sa suite; il se rendait à Asouân,
à l’effet d’y établir des magasins de vivres pour
Farmée d’Ismâyl pacha.
Le 8 , nous arrivâmes à S yoüt, où j’allai voir
Ahmed pacha, gouverneur de la Haute-Egypte.
C’était un jeune homme de dix-huit à vingt ans, un
peu fier.de remplir un pareil emploi ; ce qui surprendra
peu à cet âge : toutefois il s’acquittait
assez bien de sa charge, et il ne se montrait pas
aussi cruel que ses prédécesseurs. La cruauté ,
si contraire à la nature, est cependant quelquefois
un moyen nécessaire de gouvernement dans
les contrées de FOrient : c’est à l ’aide de ce terrible
ressort qu’Ibrahy m pacha et le defterdâr Mohammed
bey sont parvenus à dompter les Arabes,