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 avec M. Letorzec,  un interprète et deux domestiques  
 arabes.  Le vent était peu favorable; nous  
 fûmes  donc  obligés  de  faire  tirer  à  la  cordelle  
 notre  barque,  à  laquelle  en  était  attachée une  
 seconde  remplie  d’effets.  Le  25,  à midi ,  nous  
 nous  trouvions  tout près  de  la  rive  occidentale  
 du Nil, au-dessous de Zâouy :  la  berge  s’élevait  
 perpendiculairement au-dessus du fleuve,  à  une  
 hauteur de 15  à  18 pieds.  Pour éviter  le  milieu  
 du courant,  le timonier longeait le rivage : ujut-  
 à-coup  une  masse  considérable  de  terre  se  détache  
 et tombe  sur'nos barques. Celle que nous  
 traînions  à la  remorque  coula  à  fond ;  la nôtre  
 ne  fut  pas  submergée ,  mais  elle  fut  presque  
 entièrement encombrée  par la te rre,  qui  continuait  
 à  s’ébouler.  Quoique  nous  fussions  couverts  
 de  terre  et  d’eau ,  nous parvînmes toutefois  
 à  débarquer,  avec  l’aide  des  habitans  
 dont  nous  avions  appelé  le  secours.  La  petite  
 barque fut retirée  de  l’eau ; mais nous perdîmes  
 ses voiles et divers objets dont elle  était chargée.  
 Nous  employâmes le  reste de la journée  à faire  
 sécher  les  effets  que  nous  avions  sauvés.  Ces  
 sortes  d’éboulemens ,  causés par les  courans rapides  
 qui minent la partie inférieure des  berges , 
 sont fréquens,  et ils mettent souvent en péril les  
 barques  qui  naviguent à proximité des rives  du  
 fleuve. 
 Le 26, nous fûmes contraints, par un fort vent  
 du  su d , d’attacher notre  barque près de Zâouy,  
 où  nous  étions  retenus,  tantôt  par  des  calmes,  
 tantôt  par  des  vents  violens  de  Khamsyn  :, le  
 thermomètre  montait  jusqu’à  34°.  Nous  n’arrivâmes  
 que le  4 mai  à Minyeh : j’y  trouvai  l’ancien  
 kiahya bey,  ministre du vice-roi,  que nous  
 avions vu passer la veille, avec un grand nombre  
 de? barques à sa suite;  il  se  rendait  à  Asouân,  
 à l’effet d’y  établir  des magasins de vivres  pour  
 Farmée d’Ismâyl pacha. 
 Le 8 ,  nous arrivâmes à S yoüt,  où j’allai  voir  
 Ahmed pacha,  gouverneur de la Haute-Egypte.  
 C’était un jeune homme de dix-huit à vingt ans, un  
 peu  fier.de remplir un pareil emploi ;  ce qui surprendra  
 peu  à  cet  âge  :  toutefois  il  s’acquittait  
 assez bien de sa charge,  et il ne  se montrait pas  
 aussi cruel  que  ses prédécesseurs.  La  cruauté ,  
 si contraire  à la nature,  est cependant  quelquefois  
 un moyen nécessaire de gouvernement dans  
 les contrées de FOrient  :  c’est  à l ’aide  de ce  terrible  
 ressort qu’Ibrahy m pacha et le defterdâr Mohammed  
 bey sont parvenus à dompter les Arabes,