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 Je   tirai  de  lui  des  renseignemens exacts sur  les  
 particularités  dont j’avais besoin  d’être instruit :  
 il  me  dit  que la  route que  je  me  proposais  de  
 suivre, sur la partie gauche du fleuve, était interceptée  
 par des corps de cavaliers chaykyés;  que  
 cinq  soldats  avaient  été  depuis peu victimea de  
 leur imprudence,  pour  avoir  pris  cette route. II  
 devait,  ajouta-t-il,  rejoindre Iarmée , et nattendait  
 plus  que  le  départ  d’une  nombreuse  caravane, 
   pour  en  profiter  et  se  rendre  au  vieux  
 Dongolah;  de  là,  il  voulait  suivre  Iautre  rive,  
 comme présentant moins  de  danger ;  il m.oflfit  
 de  faire route avec lui : il était accompagné d’un  
 kaouâs, Haggy Moustafa,  e t  d un  autre soldat.  
 J ’acceptai  sa  proposition avec plaisir.  On  servit  
 le  dîner,  qui  se  composait  d’un  mouton  entier  
 rô ti,  et  d’un  plat  de  riz.  Quoiqu’il  m’arrivât  
 souvent  de  manger  avec  des  Arabes ,  j avais  
 toujours  conservé l ’habitude  de  la fourchette  et  
 du  couteau;  mais  ici,  je  dus  me  conformer  à  
 l’usage,  et  ne me  servir  que de mes doigts. Kafis  
 Effendy  fit  les  honneurs  de  sa  table,  en  employant  
 toutes ses forces pour écarteïer et mettre 
 en  pièces  le  mouton. 
 Je  p r i s   ensuite  congé de lui  : de bonne heure 
 jetais de retour à ma tente. Le lendemain 17, au  
 matin,  je dus^remonter sur mon dromadaire,  et  
 me rendre chez le mélik* Toumbol,  q u i,  avec le  
 ehéykh Mahammed, commandait les îles d Argo,  
 de Benneh,  et une partie  du territoire  de Dongolah: 
  le prince les avait laissés comme chefs dans  
 les villages, afin de recevoir les contributions des  
 habitans;  ils  en  tenaient  compte  à Ismâyl,  sans  
 toutefois négliger leurs propres  intérêts. La maison  
 de Toumbol était en terre et des plus simples :  
 je  le trouvai assis sur un divan, où il fumait dans  
 un narguileh;  sa mise,  qui  était  fort  modeste,  
 consistait  en  une  chemise  d’indiefine  fine,  un  
 petit bonnet  en  indienne piquée,  et  de  longues  
 sandales de  cuir.  II  avait  auprès de  lui un  sabre  
 couvert  d’argent,  et  il  portait  aü  coude  et  au  
 cou,  en  forme de  collier,  de  petits  sacs de  cuir  
 renfermant  des  papiers  ou  talismans.  Je   jugeai  
 dès-lors  qu’il  netait ni moins ignorant  ni moins  
 superstitieux  que  le peuple. 
 Je lui fis part de la disette où  je me trouvais :  
 il  me  répondit  qu’il  donnerait  des  ordres  pour  
 que  rien ne me manquât de tout  ce que pouvait  
 fournir le dépôt. J e  savais d’avance qu’il n’y avait 
 * Dans  ces  lieux,  on  appelle  malek,  celui  qu’au Sennâr et à  
 Chendy on  nomme  mélik,  mot qui  signifie  rot.