dattes par an, impôt accablant pour eux. M. le
chevalier Drovetti employa auprès du bey sa
médiation en faveur de ces infortunés, et il obtint
pour eux une forte diminution, en se rendant
d’ailleurs personnellement garant envers le pacha.
Les voyageurs européens voulurent entrer dans
la ville ; mais les habitans s’y opposèrent encore
fortement. Le bey menaça de faire feu une
seconde fois, s’ils ne cédaient pas aussitôt. Pour
satisfaire la curiosité des Européens, Hassan-
pacha se disposait à tenir sa parole ; peu s’en
fallut que le sang ne coulât de nouveau. Les voyageurs
entrèrent dans cette ville, dont j’ai déjà
décrit la construction bizarre.
Je ne doute point que, frappés de cette catastrophe
inattendue, les gens de Syouah ne
se soient bien repentis de nous avoir reçus
chez eux , nous qui leur étions déjà si suspects.
Combien de fois ne durent-ils pas me maudire
, lorsque, deux mois après mon départ, ils
virent arriver l’armée du pacha! Les mers de
sable qui les entourent étaient comme des forteresses
qui, jusque-là, avaient préservé leur
indépendance. Leur opiniâtreté à refuser l’entrée
de leur pays aux étrangers chrétiens, la
crainte que l’on ne connût leurs sources, et
que l’on ne décrivît les chemins qui conduisent
chez eux, sont des sentimens bien naturels chez
un peuple qui peut se suffire à lui-même. On
doit même excuser leur caractère farouche et
sauvage, qui avait pour résultat la conservation
du plus précieux de leurs biens, la liberté.’
N’est-ce pas après avoir ouvert ses portes à
l’étranger, que l’ancienne Egypte a vu commencer
sa décadence ?
En apprenant ces nouvelles, nous nous estimâmes
fort heureux d’avoir quitté Syouah avant
que ses habitans eussent pu soupçonner les dispositions
que l’on faisait contre eux. M. Drovetti et
les autres voyageurs voulant visiter avec sécurité
le lac de l’île Arachyeh, le bey prit plusieurs
cheykhsen otage. Une barque avait été apportée
de Terrâneh, pour voguer siir ce lac mystérieux,
où les voyageurs croyaient trouver le temple
de Jupiter Ammon : mais en arrivant, ils furent
trompés dans leur espoir; ils ne remarquèrent
sur ce lac que quelques îlots et des rochers nus*,
et ne découvrirent aucun monument. Ainsi s’évanouit
la prétendue importance de ce lieu, qui,
plusieurs mois auparavant, avait tant tourmenté
mon imagination. Les voyageurs firent le tour
Et aussi, dit-on , des blocs de natron.