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 ne  devait-il  pas  ehoquer  l’amour-propre  du  
 prince ?  Je  ne  fus  pas  le  seul  qui  me retirai :  
 MM. Corner et Segato, Italiens, victimes  comme  
 moi  de  l’intrigue et de  la bassesse,  durent aussi  
 renoncer au voyage. 
 Le  6  septembre  au  matin,  nous  passâmes  
 Qéné.  Le  Nil  était  alors  dans  ses  plus  hautes  
 crues :  la nuit  du  7,  au-dessous  de  Belyaneh,  
 nous  entendîmes  les  cris  des habitans,  que  les  
 eaux  avaient surpris ;  une  fouie  d’Arabes  cherr  
 chaient  à  sauver  leurs  enfans,  leurs  bestiaux  
 et  tous  leurs biens,  emportés par le courant du  
 fleuve. 
 Le  8 au soir, nous  étions à la vue  d’Aboutyg.  
 Par  ia  maladresse  du  rays  ,  un  fort  courant  
 nous  entraîna  dans  Un  faux  canal,  au  miiieu  
 du Nil,  ou  ii  n’y  avait  guère  que  trois  pieds  
 d eau,  ce qui était  insuffisant pour lé  passage de  
 ma barque. La nuit nous  surprit; et malgré nos  
 efforts, nous ne pûmes  nous  tirer  de ce mauvais  
 pas : la violence du  courant nous soulevait  parfois, 
   et  nous  y  engageait  de  plus  en pius,  au  
 fieu  de nous  débarrasser. Nous commencions  à  
 craindre  de  ne  pouvoir  plus en sortir, les eaux  
 pouvant  baisser d uii  moment à  l’autre.  Le  9 , 
 à  fa  pointe  du  jour,  nous  nous mîmes  à  l’ouvrage  
 ;  il  fallait  retourner  à  l’endroit  d’où  le  
 courant nous avait  amenés  dans  la  nuit  :  nous  
 portions une  amarre  à  un  pieu  que nous  plantions  
 dans  la  vase,  et  nous  tirions  dessus.  
 Après  quatre heures  d’un  travail  pénible, nous  
 parvînmes  à  nous  remettre  à flot.  Sortis  d’un  
 courant,  nous  retombâmes  bientôt  dans  un  
 autre  :  nous  n’avions  point  de  vent  qui  nous  
 favorisât,  plus  de  rames  pour  nous  retenir,  
 car  nous  les  avions  brisées  la  nuit  précédente.  
 Nous  étions trop éloignés de terre pour appeler  
 et attendre du secours. D nous restait un médréh,  
 dont nous nous servîmes comme de piquet : nous  
 achevâmes  de  rompre  nos cordes  en  tirant  sur  
 ces amarres pendant six heures. Enfin nous nous  
 retirâmes des sables, après avoir éprouvé quelques  
 avaries à la proue  de n.otre  barque. Le  10, nous  
 passâmes  devant  Syout ,  où nous  vîmes les débris  
 d’une très-grosse  djerme  qui  avait  échoué  
 quelques  heures  auparavant,  et  dont  le  rays  
 reçut,  à  son  arrivée  à  Boulâq,  cent  coups  de  
 bâton sous  la plante  des pieds.  Depuis Asouân  
 jusqu a  S y o u t,  je  comptai  jusqu’à  cinq  de ces  
 bâtimens  naufragés  en  deux  mois.  Ils  sont'  
 toujours  tellement  chargés  en  descendant  le