Le 2 janvier 1821, je voulus visiter l’île de
Sâys; mais j’éprouvai de nouveaux obstacles/ on
ne trouva point de barque : deux Arabes me
composèrent un radeau avec quelques morceaux
de dattiers et des roseaux, et je traversai le
fleuve en vingt minutes : j’avais un domestique
arabe avec moi; íes autres poussaient au large,
en faisant agir leurs jambes comme des rames.
Arrivé à terre, je montai sur un âne : après une
lieue et demie démarché dans le nord-est de cette
île , je vis quatre petites colonnes en granit gris,
disposées en carré; on peut croire qu’elles sont
i ouvrage des Coptes; le style en est très-mauvais,
et sans proportions. Les chapiteaux, d’un goût
baroque, sont surmontés de la croix grecque:
quelques décombres en terre qui avoisinent ces
colonnes, annoncent qu’elles appartenaient à
une petite église chrétienne. Près de ces débris,
au su d , est une grande construction en te rre ,
reste d une ancienne forteresse. J ’y vis les ruines
d’un très-petit temple égyptien, où l’on remarque
encore les deux montans d’une porte f ornés
de quelques hiéroglyphes, et deux fragmens de
colonnes. IÍ serait difficile de deviner quelle était
la distribution d’un bâtiment totalement détruit.
On trouve épars quelques morceaux de pierres de
taille, couverts aussi d’hiéroglyphes. Cette grande
forteresse est sur les bords du N il, dans la
partie orientale de l’île; elle devait sans doute
protéger le fleuve de ce côté. On prétend que
le sultan Sélim y fit faire des réparations, et s’y
retrancha : on y voit encore plusieurs petites
pièces de canon turques. II paraît que le sultan a
fait élever des habitations sur des débris de constructions
égyptiennes. Les murs ont trente-cinq
à quarante pieds de hauteur, et sont crénelés.
L’intérieur est entièrement encombré de débris
de murailles en terre : il me fut impossible de
dresser un plan de ces ruines, entièrement dénaturées
par les Coptes et par les Turcs; d’ailleurs
elles offrent peu d’intérêt.
Les bords de l’île sont agréables par leur
fertilité ; on y trouve beaucoup de dattiers : l’intérieur
est désert; une montagne assez considérable
est à la partie orientale. Sa longueur
est de deux lieues et demie, sur une
environ de largeur : c’est une des plus étendues
qui existent dans le Nil. La partie déserte est occupée
par des gazelles et quelques loups. Au
nord ! sont deux autres petites îles du même
nom, qui se réunissent à l’île principale lorsque
les eaux sont basses ; alors on peut passer sans