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 Sâys; mais j’éprouvai de nouveaux obstacles/ on  
 ne  trouva  point  de  barque  :  deux  Arabes  me  
 composèrent un radeau avec quelques morceaux  
 de  dattiers  et  des  roseaux,  et  je  traversai  le  
 fleuve  en  vingt minutes :  j’avais  un domestique  
 arabe avec moi;  íes  autres poussaient  au  large,  
 en faisant  agir  leurs  jambes  comme  des  rames.  
 Arrivé  à terre,  je montai  sur un  âne : après  une  
 lieue et demie démarché dans le nord-est de cette  
 île ,  je vis quatre petites colonnes en granit gris,  
 disposées en  carré;  on  peut  croire  qu’elles  sont  
 i ouvrage des Coptes; le style en est très-mauvais,  
 et  sans proportions.  Les chapiteaux,  d’un  goût  
 baroque,  sont  surmontés  de la  croix  grecque:  
 quelques décombres  en terre qui  avoisinent  ces  
 colonnes,  annoncent  qu’elles  appartenaient  à  
 une petite église chrétienne.  Près de  ces débris,  
 au  su d ,  est  une  grande  construction  en  te rre ,  
 reste d une  ancienne forteresse. J ’y vis les ruines  
 d’un très-petit temple égyptien, où l’on remarque  
 encore  les  deux  montans  d’une  porte f  ornés  
 de quelques  hiéroglyphes,  et deux fragmens  de  
 colonnes.  IÍ serait difficile de deviner quelle était  
 la distribution d’un  bâtiment totalement détruit. 
 On trouve épars quelques morceaux de pierres de 
 taille, couverts aussi d’hiéroglyphes. Cette grande  
 forteresse  est  sur  les  bords  du  N il,  dans  la  
 partie  orientale  de  l’île;  elle devait  sans  doute  
 protéger  le  fleuve  de  ce  côté. On  prétend  que  
 le sultan Sélim  y  fit faire des réparations,  et s’y  
 retrancha :  on  y  voit  encore  plusieurs  petites  
 pièces de canon turques.  II  paraît que  le sultan a  
 fait élever des habitations sur des débris de constructions  
 égyptiennes. Les murs  ont  trente-cinq  
 à quarante  pieds  de hauteur,  et  sont  crénelés.  
 L’intérieur est  entièrement  encombré  de débris  
 de  murailles  en  terre  :  il me  fut impossible  de  
 dresser un plan de  ces  ruines,  entièrement  dénaturées  
 par  les  Coptes  et par  les Turcs;  d’ailleurs  
 elles  offrent peu d’intérêt. 
 Les  bords  de  l’île  sont  agréables  par  leur  
 fertilité ;  on y trouve beaucoup de dattiers  :  l’intérieur  
 est  désert;  une  montagne  assez  considérable  
 est  à  la  partie  orientale.  Sa  longueur  
 est  de  deux  lieues  et  demie,  sur  une  
 environ  de largeur :  c’est  une des plus  étendues  
 qui existent dans le Nil. La partie déserte est occupée  
 par  des  gazelles  et  quelques  loups.  Au  
 nord !  sont  deux  autres  petites  îles  du  même  
 nom,  qui se  réunissent à l’île principale  lorsque  
 les eaux  sont basses ;  alors  on  peut  passer  sans