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 nous  laissâmes  à Fest  un  chemin  qui  conduit  à  
 Zaoué, village à  quatre  iieues au  sud  de  Syout.  
 Nous voulions  absolument  arriver le  soir; mais,  
 malgré tous nos  efforts,  il nous  fallut  renoncer  
 à ce dessein, quoique nous n’eussions plus qu’une  
 courte  distance  à  parcourir:  nos  chameaux  ne  
 pouvaient plus marcher ; cependant, pour les ménager  
 , il nous était arrivé souvent à M. Letorzec  
 et à moi  de  faire  quatre  à cinq lieues à pied par  
 jour. Nous campâmes après avoir marché pendant  
 près  de treize  heures.  Les nuits  et les matinées  
 étaient fraîches ; mais nous  éprouvions  des  transitions  
 très-rapides  du  froid  au  chaud.  Au  lieu  
 où nous étions, à six heures du matin, ie thermomètre  
 marquait  11°,6,  et  à sept heures  du soir,  
 23°,8 ;  à midi ii allait jusqu’à 28  degrés. 
 Mes  Arabes,  qui  avaient bien prévu  que  ce  
 jour  nous  ne  pourrions  arriver  jusqu’au  Nil,  
 avaient eu ïa précaution de ramasser de ia fiente  
 de chameaux,  qui nous  servit  à faire un peu  de  
 feu  et  à  préparer  un  plat  de  riz ;  ce  qui  avait  
 presque toujours été toute notre nourriture dans  
 ie  cours  de  ce  long  et  pénible  voyage.  Cela  
 n’était rien  encore  en  comparaison  de  la  mauvaise  
 eau  que nous étions forcés  de  boire ;  cette 
 eau saumâtre,  renfermée dans des outres, agitée  
 sans  cesse  par  les  secousses  de  la  marche  de  
 nos chameaux, et exposée à de si fortes chaleurs,  
 finit par devenir  noire,  et par prendre  un  goût 
 de peau  détestable. 
 Notre approche du Nil  avait  répandu  la joie  
 dans  notre  petite  caravane : chacun  se  félicitait  
 des  jouissances  qu’il  alloit  éprouver;  l’un  allait  
 surprendre et embrasser sa femme et ses eîifans;  
 l’autre  allait  revoir  son  pays  natal,  son  vieux  
 père,  ses amis : seuls,, M. Letorzec et moi,  nous  
 ne  pouvions nous bercer d’un  espoir  si  flatteur ;  
 un  espace  immense  nous  séparait  de  notre  
 patrie ;  pouvions-nous  nous  promettre  de  ia  
 revoir  encore ?  Le  bonheur  des  autres  nous  
 faisait  sentir  plus  vivement  encore  ï’amçrtume  
 de  nos  privations.  Le souvenir  de  nos  parens,  
 de  nos  amis,  nous  occupa  long-temps :  pour  
 nous  distraire  un  peu  des  pensées  mélancoliques  
 qui  assiégeaient  nos  ames  et  brisaient  
 nos  coeurs,  nous  nous  efforçâmes  de  ne  plus  
 songer  qu’au  voyage  de FEthiopie. 
 Le  8 ,  à  six  heures ,  nous  nous  mîmes  en  
 marche:  nos  chameaux  doublèrent  ie  pas;  ils  
 semblaient  déjà  sentir  Fair  de  la  vallée  du  Nil.  
 Au  bout  d’une  heure,  nous  arrivâmes  sur  la