
S e c t i o n X X I I .
Des Dieux appelles Génies ? <$C en même temps des D ieu x Lares, Manet
oG Pénates, de l'Ecriture facrée des Egyptiens.
>’ Il n’eft ni facile ni raifonnable, dit M. Pluche, dans fon Hiftoire du
•> Ciel Tome I. page iz8 . de vouloir éclaircir tous les fymboles & toutes
» les ceremonies de l’Antiquité, pour fe convaincre que la plupart des figures
» fingulières & ufitées dans les occafions les plus folemnelles n’é toient, dans
•» leur origine, que des fymboles fignificatifs ou des cérémonies inftruCtives >•.
Ajoutons, qu’il n’efl: pas moins difficile de connoître & de faire connoître
les diffiérens fymboles dont on a fait des Divinités, & toutes les fuites de ces
Apothéofes, depuis qu’on en eut oublié la lignification primitive, dont le
propre & le but étoient d’élever le coeur & l’efprit vers l’Être fuprême confidéré
fous quelqu’un de fes attributs, & fous une partie de fes perfections foit
pour l’adorer, foit pour implorer fes grâces & fes bienfaits. Mais on peut
fe difpenfer de cette peine , qui deviendrait inutile : ce que nous en avons
rapporté, jufqu’à préfent, fuffit, à ce qu’il femble, pour prouver que toutes,
ou du moins la plupart de ces faufles Divinités, ont eu la même origine , &
que les ténèbres de l’ignorance répandues fur les hommes, en punition de
leur ingratitude envers le vrai D ie u , leur en ont fait chercher d’imaginaires
dans les figures & les fymboles de l’Écriture Hiéroglyfique ; d’où il faut conclure
que fi ceux des faux Dieux que l’aveugle Antiquité a réputés pour les
plus grands, ont tiré de là leur ridicule origine, ceux quelle a regardés comme
des petits Dieux , & qu’elle a jugé à propos de fubordonner aux autres, ne
pourront fe glorifier d’en avoir une moins rifible & moins méprifable.
N allons donc pas chercher ailleurs que dans cette Écriture, & dans les
figures qui en formoient les caractères, cette foule de Dieux que l’on ap-
pelloit les Génies, les Lares, les Mânes & les Pénates. Uneftatue de bois, de
pierre, ou de métal, une planche, une écorce avec quelques traits, quelques
lineamens , tirés, tournes , ornés & placés de differentes façons, félon
les jours , les temps , les faifons ou Ion etoit, & félon les vues qu’on fe pro-
pofoit , voila ce qui leur a donne 1 etre, & quels ont été leurs commence—
mens : fi, dans la fuite, ils ont ete quelque chofe de plus , ils ne le doivent
qua 1 imagination déréglée de leurs Adorateurs affez infenfés pour ne pouvoir
refiifer leur culte à leurs propres ouvrages.
N ’en doutons point ; dès que les Peuples en général, fe furent attribués le
pouvoir de créer de grands Dieux pour la République, les particuliers ne
tardèrent pas à ufer de la même liberté. Les uns en formèrent des nouveaux
de tout ce qui tomba fous leurs fens , & qui leur paroifloit avoir quelque
rapport à leurs befoins : être utile ou inftruire, inviter a quelque-fête, aux Jeux,
aux plaifirs, & a la débauche, promettre des récompenfes, menacer de quelques
maux, montrer les chemins, garder les portes, pronoftiquer les Vents
ou les orages fur Terre ou fur Me r , annoncer le paffage du Soleil fous quelque
Signe du Zodiaque, c’en étoit affez pour des flatues, des lignes &
des enfeignes, pour etre mis au rang des D ieux , & même pour y avoir
un rang diftingue. D autres, peut-être un peu plus fcrupuleux ou moins fuperf-
titieux, & moins hardis à multiplier les Divinités, firent defcendre les plus
grandes du Ciel &c du Soleil, ou la folle imagination de leurs pères les
avoit
f D E S T Y P E S D E S M É D A I L L E S .
avoit placés : après leur avoir donné d’autres vifages, d’autres habits, d’autres
attributs, d’autres fondions, une autre deftination, une autre fîgnificâtion &
des noms auffi neufs que leur décoration, ils les montrèrent au Public fous
une forme jufqu alors inconnue, pour venir jouet à leurs yeux une nouvelle
lcène fur le theatre de 1 Egypte, de la Grèce , de l’Orient & de l ’Occident.
D e peur que- ces Dreux neufTent quelques procès enfemble, & qu’ils ne
vinifient a fe faire la guerre, on leur affigna leur rang ; on leur prefcrivit l’ordre
qu’ils dévoient garder ; on leur diftribua les charges ; enfin l’on apprit à chacun
d’eux & fon emploi & fon devoir, fouvent même avec menace de déera-
dation & de bannifTement, en cas d’infraCtion des loix établies, & fous peine
d’être jettes dans quelques fombres réduits, ou dans quelques faleségoûts où
tous ces Dieux de bois alloient ordinairement pourrir, lorfqu’ôn s’en 'dé-
goûtoit. C ’eft ainfi que les aveugles Mortels, en croyant adorer plus qu’euxmemes,
selevoient au-deffius même de ce qu’ils adoraient. r 1
1 En conféquencf de l’ordre que l’on mit parmi lès Dieux , & dé la diftri-
butiondes charges que l’on fit entre eux, les plus agiles, ceux qui parurent
avoir quelque chofe ou tendre à quelque chofe de plus fpirituel, de pins
approchant du Feu de l’Air du Ven t, & c ., ceux-là, dis-je, eurent les grandes
commithons : ils furent chargés de préfider aux Empires, aux Royaumes
aux grands Etats, pour y animer, y régler, & y protéger tout. Jupiter &
quelques-uns de les plus proches parens ou de fes favoris eurent bonne part à
ce glorieux emploi, fous le nom de Génies. O n fes appella Génies de l’Empire,
Génies de üEmpereur,- Génies des Armées, Génies du Peuple Romain.
D autres les Lares , que quelques-uns fuppofoient être fils de Jupiter | mais
d’un mariage clandeftin, ou fils de Mercure & de Larunde, comme Inférieurs
a leurs Peres & Mères, firent prépotes les uns à la garde des Chemins, &
on les appella Diales ; les autres à celle de Carrefours , & ils furent nommés
Lompnales ; d’autres à la défenfe des Villes , & ils eurent pour titre , Urbani -
quelques-uns etoient chargés de défendre de leurs ennemis ceux qui s’étoient
mis fous leur protection ; leurfurnom étoit Hofiilii ; enfin il y en avoit qui
avoient ordre de prêter fecours généralement à tous ceux qui en avoient
, / ln/’ C,eC0^ent ^es Prceflites. A quoi n’employoit-on pas ceux que l’on avoit
relegues dans les demeures particulières, près des foyers & dans tous les re- ’
coins des maifons ? L o n ht des uns des tentateurs qui follicitoient au mal :
les autres pafferent pour autéurs & promoteurs du bien.
On plaça de ces fortes de Divinités jufqu’auprès des morts, & l’on en
voulut trouwr jufques dans les tombeaux. C ’eft de-là que font venus les Dieux
lia n e s , quF, a proprement parler, ne peuvent guère avoir été diftingüésdes
Lares & des Penates que par leurs noms & leurs fonctions, & peut-être en-
core par état & la condition de ceux pour qui on les aVoit faits. Car à parler
conléquemment, c'étoient les mêmes D ieux, qui, félon le fentiment de plu-'
leurs Auteurs, aidoient ou tenraient les hommes pendant leur v ie , les récom-
pen oienc ou. es tourmentoient après leur mort ; mais pendant la vie leurs
Adorateurs appelloient Lares, D ieu x Pénates , Dieux Génies deux1
que leurs Parens, Amis & héritiers appelaient D ieux Mânes, après leur
mort. A
D ou eft venu ce nom de Manés ? Q u ’entendoit-on par les Dieux Mânes ?
Quelles fonctions pouvoit-on leur attribuer ? M. Pluche nous l’apprend en
” p ? termes. .. Anubts, dit ce Savant A uteur, Tome I. de l ’Hiftoire du
» C ie l, page 1 8 7 , étoit réellement, comme Signe, la règle des fêtes & l’in