
■ Mais il falloir à des Peuples amateurs du myftérieux & des fuperftitions quelques
Divinités qui préfidaffent à leur vie même, pour en prolonger ou couper
le fil a leur gré : il en falloir même d’autres qui fuivilfent l’homme après le trépas
, pour le recompenfer ou le punir, félon fes mérites : de plus il étoit encore
néceffaire, pour tenir ces Peuples dans l’ordre & les obliger a vivre félon leurs
loix & leur état, de leur montrer dans l’Écriture Hiéroglyfique, & dans les
Figures fymboliques de leurs Affiches, quelque chofe qui leur apprit ce que
les bons avoient a efpérer, & les méchans à craindre pour l’autre vie. Pour
parvenir a un but fi falutaire, on expofa à leurs yeux, en forme d’enfeignes
inftrucKves; i°. les trois Parques, ces terribles fileufes, l’enfuble ou la quenouille
, & le fufeau a la main, pour montrer qu’elles filoient & for-moient la
trame de la vie des hommes ; quelquefois elles avoient des cifeaux dont elles me-
naçoient d’en couper le fil à leur gré ; z?. la Barque défirable, qu’on nommoit
la Tranquillité, & fur laquelle les morts qui apportoient avec eux le témoignage
d’une bonne v ie , etoient conduits à l’agreable féjour du repos & de la
félicité, qu on appelloit d’un feul mot Élyfout, autrement les Champs Élyfées ;
3°. les Furies, ces redoutables vengereffes, la tête coëffée de Serpens, avec
des torches allumées dans chaque main.
O r les Parques, par leur figure & leurs fymboles, étoient propres à infpirer
de la vigilance & de la conduite ; la Barque de la Tranquillité donnoit de
1 émulation & de l’efpérance ; fi les Furies, en imprimant de la terreur, ne
changeoient pas le coeur ni les défirs, elles arrêtoient au moins le cours des crimes
aux yeux du Public.
L e bien qui revenoit de la confidération de toutes ces Figures allégoriques,
fit palier le culte & 1 adoration , avec la reconnoilTance , aux Figures mêmes,
& 1 on trouva bientôt des Dieux de toutes fortes d’efpèces, de goûts, de fonctions
, d humeur & de noms, qui tous avoient rapport à ce qui arrive aux
hommes pendant la v ie , à la mort & pendant l’Éternité. O n apprendra à les
connoître dans la fuite de cet Ouvrage, & l’on ne verra qu’avec étonnement
nosPeres imbecilles donner de l’encens à des Êtres imaginaires, qui n’ont pufe
realifer que dans les ténèbres de l ’ignorance & dans le fein de la cupidité. Chacune
de ces Divinités trouvera fa place, fuivant 1 ordre alphabétique que nous
nous fommes propofe de garder. Revenons aux Dieux qui portent le nom de
F ata , ou de la Dejhnee, & confiderons ces Divinités par leur rapportée leur
Analogie avec les Parques.
Ces Parques font parvenues au rang des Déeffes par la même voie que les
autres ; c eft-a-dire, par celle des reprefentations de l’Écriture Hiéroglyfique
& Symbolique des Égyptiens. Ifis, comme on le fait, étoit la Figure qu’on
prefentoit au Peuple, pour lui annoncer chacune des Néoménies des douze mois
de l’année. Mais les différens attributs, fymboles, ornemens ou inftrumens
qu on lui donnoit, apprenoient quelles dévoient être les occupations à chaque
Lune & a chaque mois. O r les trois mois qui répondoient à ceux de Janvier ,
Février & Mars, étoient deftinés aux ouvrages des Fileufes & des- Tifferands :
pour annoncer la proximité de ces mois, & en même-temps le travail qui leur
convenoit, on imagina une Affiche, un tableau repréfentatif de trois figures
fymboliques ayant l’enfuble, la quenouille, le fufeau, les cifeaux & autres
inftrumens necellàires a la fabrique du fil & des toiles. O n leur donna
le nom de Park, qui, dans la langue du Pays, fignifioit Toile. Ces Images
furent portées en Grèce ; mais comme elles n’y fignifioient rien, parce qu’on y
travailloit en tout temps.aux ouvrages de toile, les Grecs, félon leur goût &
leur
leur coutume, voulurent y trouver du myftérieux : ils crurent donc qu’on les
adoroit parce qu’elles avoient un pouvoir fouverain fur la vie des hommes,
quelles filoient, alongëoient ou coupoient à leur gré, comme un fil. Voilà
l’idée fingulière qui fervit de fondement à la fortune des Parques, & qui
donna la naiffance.aux Dieux appellés F ata, ces Dieux de la volonté defquels
on laifloic dépendre la longueur ou la brièveté de la vie des hommes.
Les D ieux Fata , félon l’Hiftoire SC la Fable.
Quoique ces Dieux n’aient point eu d’autre origine que celle dont on vient
de parler, néanmoins il femble que l’Hiftoire ou la Fable, & même la Numil-
matiquene leur prêtent pas la même;car elles les prefentent fouvent fous des
idées, & avec des fymboles différens de ceux que l’on remarque dans la gravure
& la peinture.
Selon l’Hiftôire ou la Fable, les Dieux appellés Fata, ou Deftin étoient
mâles & femelles ; mâles chezdes uns, & femelles chez les autres. Les anciens
Monumens femblent appuyé? ce fentiment : quelques-uns repréfentent cette
Divinité fous la figure a une femme, avéc un globe à fes pieds, comme pour
montrer fon fouverain pouvoir fur le fort, la vie & la deftinée de tous les:
hommes. Elle porte dans fa main l ’Urne fatale, dans laquelle font renfermés'
les noms d’un chacun, afin qu’il n’en échappe point à l’arrêt de mort quelle
a prononcé contre tous.
Les memes Dieux fu r les Médailles.
Sur le revers de deux’Médailles, l’une de Dioclétien, & l’autre de Maximien
, on a fuppofé que le Deftin etoit une triple Divinité, & l’on a cru que
c étoient les trois Parques appellees Clothon , Lachéfis & Atropos , filles de ’
l’Enfer & de la Nuit. La Mythologie leur abandonne la vie des hommes fi
defpotiquement, qu’elles en filent ou coupent la trame à leur gre, ainfi qu’on
l’a dit plus haut. O r , comme cette idée confervoit quelque rapport avec ce que
les Païens entendoientpar le nom de Fortune, on a habille, fur cès Monnoies,
les Parques comme la Fortune, & on leur a donné fes principaux attributs
& fymboles, c’eft-à-dire, le gouvernail & la corne d’abondance. Ces trois
Déeffes font debout fur ces Monnoies ; elles y tiennent chacune une corne
d’Amalthée fur le bras, & non une torche allumée, comme quelques-uns
l’ont penfé. L ’on voit un gouvernail de chaque côté de celle qui eft au milieu :
cette Figure, & celle qui eft à fa droite, portent chacune une main fur le gouvernail
, qui eft entre elles deux, tandis que la troifième, qui eft a gauche,
tient feule le fécond gouvernail. O n lit pour légende, au revers de ces deux
Médailles, Fatis viciricibus, c’eft-à-dire, aux Deflinées, ou aux Parques vic-
torieufes. Ce titre de Viclorieufes leur eft commun avec beaucoup d’autres
Divinités ; on ne pouvoit d’ailleurs manquer de le donner à cglles-ci, puif-
qu’onles fuppofoit Maîtreffes de tous les événemens, heureux ou malheureux.
O n trouvera ces trois Déeffes à la planche VIIIe. N°. i z. Elles font tirées du
Livre intitulé, les Céfars de l'Empereur Julien, page jj». M. Liebe lésa auffi
données dans fon Gotha Nu.mnia.na, page 75.
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