
» donnons ( à la planche X X I I I e. ) dans toute fa grandeur, qui eft d’un pied
» moins quelques lignes dans fa plus grandelongueur, & d’environ dix pouces
” en fa plus grande largeur. Elle eft de figure ovale ; enforte pourtant quelle
-» eft un peu plus large par le bas que par le haut. Celui qui l’apporta fut
» dit-on, l’Empereur Baudouin II, qui, pour recouvrer l’Empire de Conf-
-» tantinople vint 1 an 1 144. demander du fecours aux Princes Chrétiens 1*
« fur-tout à Saint Louis, à qui il vendit cette Agate. L ’ignorance profonde
» de ces temps-là faifoit que l’on prenoit cette Image pour une Hiftoite
’ ’ Sainte : il y en avoir qui croyoient que c’étoit l’Hiftoire de Jofeph : on
» 1 appelloit Le Triomphe de Jojeph, quoique dans tout ce grand nombre de
» figures, il n y en ait pas une qui puiffe avoir le moindre rapport à cette
-» Hiftoire. Un morceau d’Antiquité fi rare ne pouvoir manquer d’exercer
» les habiles gens de ces derniers fiècles, où l’étude de l’Antiquité a été fi
» perfeûiannee. Triftan de Saint-Amand, Antiquaire célèbre & des plus
” Savans du fiècle pafle, a fa it , dans fes Commentaires kiftoriqu.es, une affez
■»» longue differtarion fur cette A g a te , où l ’on peut dire qu'il a très-bien
” rencontre en certaines chofes, mais quil en a mal expliqué d’autres. Dès
» que fon livre parut, il en fit préfent à M. de Peirefc, qui lui témoigna
» dit-il , dans plufieurs lettres la grande eftime qu’il en faifoit. Cependant
» M. de Peirefc étant mort, M. GafTendi fon ami, qui écrivit fa vie, &
» qui la publia, rapporte le fentiment de M. de Peirefc touchant cette
Agate, fort différent dans la plupart des chofes de celui dç Saint-Amand.
« Celui-ci, dans une fécondé édition de fon Livre, rapporte le fentiment de
« M. Peirefc, prétendant que ce grand homme n avoit jamais penfé comme
” cela i qu’on le faifoit parler , ou qu’on avoit mal pris fa penfée ; & il ré-
» fute au loncr fes fentimens, qu’il prétend abfurdes & capables de faire
=’ tort à la mémoire de M. Peirefc, s’ils étoient véritablement de lui. Ce-
” pendant ^Albert Rubens , qui a fait depuis ce temps-là une difïertation
M fur la même pierre, affure que les fentimens de M. de Peirefc fur cette
” belle Agate etoient tels que M. GafTendi les a rapportés ; qu’il s’en
« eft expliqué de la même manière dans plufieurs lettres écrites à Pierre-
» Paul Rubens fon père. Il prétend même que le fentiment de M. Peirefc
” eft préférable en bien des chofes a celui de Triftan : il convient, dans fa
» differtation, tantôt avec l’u n , tantôt avec l’autre ; & il réfute l’un & l’autre
” en bien des endroits. Apres tous ceux-là , M. Jacques le Roi fit une nou-
” velle difïertation, imprimée a Amfterdam en 16 8 3 , où il rapporte tous
” les fentimens precedens, fans en adopter aucun ; il explique toutes les
» parties de cette pierre, en fuivant tantôt l’un, tantôt l’autre , & propofànt
en certains endroits des fentimens nouveaux fur quelques Perfon-
« nages contenus dans la pierre.
” Quoique tant d’habiles gens aient parlé fur le même fujet, la matière
’’ ne rae Paroît Pas encore bien éclaircie. Il y a peu de chofes dans lefquelles
” £ous conviennent : dans les autres, la diverfîté de fentimens ne fert qu’à
« jetter de lobfcurite dans le fujet. Je vais tâcher à mon tour d’expliquer
» en peu de mots toutes les parties de cette pierre. J’avoue qu’il y a quelques
” endroits, meme des principaux, ou je ne conviens avec aucun de ceux
« qui ont parle avant moi ; dans les autres, je prends d’entre les fentimens
» propofes celui qui me paroît le plus plaufible.
” L ’Image eft divifée en trois parties ; la plus haute, la moyenne & la
» baffe : la plus haute repréfente, à mon avis , l’Apothéofe d’Augufte ; la
» -moyenne l’Empereur Tibère qui reçoit Germanicus revenant de Germanie
,1 chargé de lauriers ; la plus, baffe-contient des Captifs & des marques de
„ Viétoire.
» Je crois être obligé d’avertir que les reffemblances ni dans l’Image ni
,i dans l’Agate même ne font pas dans la dernière perfection. Je remarquai
,, cela il y a. quelques années fur la pierre même. Dans les Eftampes, les
„ têtes s’éloignent encore, plus de la reffemblance avec les têtes des mêmes
„ Perfonnages que l’on voit fur les Médailles. Les Graveurs mettenc des
prunelles aux yeux qui n’en ont pas ; & quelque diligence qu’ils puiffent
» y apporter , ils font toujours quelques petits changemens qui ne laiffenc
» pas d’altérer les reffemblances.
» Dans la première- & plus haute partie, qui contient cinq perfonnages,
» il n’y ’en a pas un fur lequel les quatre Auteurs ci-devant nommés con-
» viennent 5 jufque-là que Jacques le Roi croit que le petit Cupidon ailé
» qui mène le Cheval Pegafe par la bride , eft le fils de Germanicus peint
•> en Cupidon. La principale figure, qui eft celle du milieu, a été un fujet
» de conteftation : elle porte une couronne radiale ; derrière les premières
» pointes de la couronne eft un voile qui lui defcend fur les épaules , & elle
» tient, de la main gauche un fceptre. Triftan dit que c’eft Jupiter ; les trois
» autres font contre lu i , & avec raifon : on n’a jamais vu de Jupiter de cette
». forme ; & quoiqu’il y ait eu des- Jupiters fans barbe , les exemples en
»> font rares; c’étoient quelques Jupiters particuliers ou locaux : en un mot,
» cela ne doit point faire exemple, d’autant plus qu’il n y a ici aucun des
» fymboles propres à Jupiter. Les trois qui ’ ont rejetté le fentiment de
» Triftan, prétendent que c’eft Augufte. Je ne puis adopter leur fentiment ;
» je ne vois rien ici qui me puiffe perfuader que c eft véritablement Augufte;
» il n’en a nullement l’air : la couronne radiale ne fe voit jamais fur la tête
» de cet Empereur, ou du moins puis-je répondre que je ne 1 y ai jamais
» Vue : de plus , cette figure a la robe d une femme, comme il eft aife de
» voir en la comparant avec toutes les femmes -qui font deffous, dans le
» fécond rang, hors Agrippine , q u i, comme nous dirons plus bas, porte
„ la chlamyde. Je crois donc que c’eft une Déeffe, & à mon avis Vénus la
» Reine, ou Vénus Génitrice , avec fon fils Énée, qui paroît être fur fon
*> fein, & de l’autre côté Jules-Céfar defeendant dÉnee, a ce quil difoit,
» & à ce que les autres difoient après lui ; Virgile entre-autres qui dit
» que le nom Julius defcend du grand Julus, qui etoit Afcanius fils d Énée.
» A u côté droit de la Déeffe eft Cupidon fon autre fils, menant par la-
» brfde le Cheval Pegafe qui porte Augufte couronné de laurier. Cupidon
» préfente Augufte à fa mère, pour 1 affocier à toute fa famille déifiee. Énee
» préfente à Augufte un globe, apparemment le ^lobe celefte , pour lui
» marquer qu’il va régner dans le Ciel comme il a régné fur la Terre. Voila
» ma penfée , o u , pour mieux dire, ma conjecture. Venus avec tous les
» principaux de fa famille reçoit ainfi Augufte dans la troupe célefte. Cette
» Déeffe couronnée tient un fceptre , marque quelle régné dans le Ciel
» avec fes enfans & fes defcendans. Les Dieux fe voient fouvent avec ces
» couronnes radiales, comme Jupiter , Junon, Ve fta , Hercule & d autres.
» Sut toutes les autres figures de ce rang, je conviens avec quelquun ou
» plufieurs de ceux qui ont expliqué cette pierre. Énée porte, comme jl doit,
» l’habit Phrygien. C e ne peut etre Rom e , comme M. de Peirefc 1 a cru ;
» on n’a jamais peint le Ville de Rome en cette maniéré. Il eft: vrai pour