
» En parcourant quelques-unes des faces des grandes Pyramides, Sc des
divers Monumens de l’ancienne Égypte, je trouve fort fréquemment une
piece d’Ecriture fymbolique, dont le fens fe prefente alfez naturellement.
Vers le haut, fe voit le Cercle Solaire, élevé fur de grandes ailes de Papillon
: au bas eft Ofiris fur fon trône. A côté de lui eft Uîs avec la mefure
du N i l , & devant eux eft Horus les habits rélevés avec une ceinture pour
fe mettre à l’ouvrage. Il a devant lui un bananier. Il lève fes mains vers
le Cercle qui domine fur le tout.
•> Cette peinture eft parlante, & il n’eft pas obfcur que le Labourage doit
tout attendre de l’Être fupérieur qui feul peut rendre l’A i r , le Soleil, la
T erre, & la Mefure de l’inondation, favorables aux plantes qu’il cultive.
Mais que veulent dire ici deux petites' croix fufpendues aux ailes du Papillon
? C ’eft le grand objet des défirs de l’Égypte. La croix, comme nous
avons v u , foit longue, foit courte & abrégée, marque la mefure de l’inondation.
Étant répétée & fufpendue aux ailes du Papillon, elle marque
une difpofition d’Air propre à donner une forte inondation, fans quoi
l’Égypte n’eft point fertile, parce qu’il n’y pleut pas, & que le fo l, qui
en eft fabloneux, ne pourrait rien nourrir fans une certaine quantité de
limon , qui ne devient fuffifante qu’a proportion de la profondeur du débordement.
» Pallons à un autre tableau. En voici un où la tête d’Horus eft jointe au
corps du Scorpion. Horus conildère les épies ou la fane des bleds qu’A -
nubis lui montre. C ’eft le labourage , qui, fous le Signe du Scorpion,
c’eft-a-dire , dans le mois de Novembre, voit monter les germes du froment,
& des différens légumes qu’il a femés. Il confidère avec complaifance
le fuccès de fes foins , dont il eft redevable à la Canicule qui l’a averti de
fuir a temps, & de demeurer oifif jufqu’à l’écoulement des eaux, fans
prendre d’autre foin que celui d’obferver le cours de l’A i r , & de mefurer
la profondeur de l’eau, pour décider ce qu’il faudrait faire ou ne pas faire.
>> Dans une autre fculpture je trouve Horus armé d’une flèche, & perçant
un Hippopotame tout environné de feuillages & dé fruits de Lotus.
Par ce monftre, qui fait fa réfidence dans le N i l , & qui en fort pour ravager
& devorer ce qu’il rencontre, on ne peut qu’entendre le débordement.
Le Lotus, qui fructifie au bord de cette rivière, facilite encore cette intelligence.
Horus armé d’une flèche, & vainqueur de ce monftre, ne peut
etre que le Laboureur à qui l’expérience a appris peu-à-peu à régler fes
operations , fi à propos, qu’il puiffe déformais, même après l’abaiflement
du NjJ, , trouver encore le temps d’arpenter & d’enfemencer fes terres ; en
forte qu’il ne lui refte plus rien, ni à faire, ni à craindre, quand fon
Hiver eft venu, c’eft-à-dire, lorfque le Soleil entre dans le Signe du Sagittaire.
C etoit emporter une victoire complette fur ce Fleuve, auparavant
fi redoutable. Une petite pièce de plus, qui accompagne la figure du
monftre vaincu, achève de fixer le fens de l’énigme ; c’eft un arbre dépouillé
de fa verdure, qu’on apperçoit à côté d’Horus victorieux. Cette circonftance
de la chute des feuilles marque au jufte le temps où les Égyptiens ont fini
leurs travaux, font fûrs de leurs récoltes, &c triomphent enfin des infultc*
du Nil.
” L ’Horus ou l’Enfant emmaillotté , & accompagné d’un Serpent d’or
ou d’autre matière, ajoutenotre Auteur, page x i z . , eft le bien-aimé d’O-
firis & d’Ifis : c’eft le Labourage ou l’Induftrie encore foible, & qui fit fub-
„ fifier les hommes avec des bayes fauvages & des graines recueillies, fans
» culture, où l’on en pouvoir trouver ; mais qui apprit peu-à-peu à femer
» à propos des graines d’un meilleur fuc ; a nettoyer le bled à l’aide du
,» van - a faire au pain ; à joindre même quelque délieateffe au fimple
» néceflaire ; à s'affûter toutes fortes de nourritures faines ; à mettre à profit
ie travail des Abeilles ; à mettre en oeuvre la laine des Brebis ; & à faire
s» valoir toutes les productions de la Nature. ^
,> Le Peuple Égyptien, continue M. Pluche, page 143 , après avoir déjà
„ pris l’habitude de confondre le Très-Haut avec le Soleil, qui en étoitle
» Signe, prit peu-à-peu le Symbole du Soleil même, l'Ofiris, Modérateur
„ de Tannée, ou le Gouverneur de la Terre, pour ce qu’il préfentoit à l’oe il,
3» c’eft-à-dire, pour un homme. Ils prirent de meme ïfis pour une femme 3
» Se l’enfant qu elle nourrit auec une tendre affeétion, ils le prirent pour un
,, enfant, pour le fils d’Ofiris & d’Ifis. C etoit entièrement pervertir l’ufage
33 de ces figures. Car un Fdomme fymbolique n eft point^deftxne a figmfier
33 un homme. Ifis n’étoitpas une femme; &c Horus foit enfant, foit homme
3. fait, foit qu’il fut arme d’une flèche , ou qu’il portât une cruche de v in ,
.. étoit tout autre chofe qu’un enfant, ou un homme fa it, ou un chaffeur,
„ ou ua buveur.»Néanmoins ils furent toüs les trois perfonnifiés fous ces idées,
iis ne tardèrent pas à palier pour des D ie u x , dans la Fable , Se fur les
Monumens de toute efpèce. Il y auroic beaucoup d autres chofes a dire fur ces
trois Figures ; mais la première partie de cette Seétion eft déjà allez étendue :
on y oonnoît fans doute fuffifamment l’origine des trois Divinités dont
il s’a°it ici ; Se par celle-là, celle de la plupart des autres : la 1 fuite nous les
ramènera d’ailleurs encore plus dune fois fous d autres idées & d autres
noms : palfons à la fécondé partie.
IQJiris, Ifis & Horus, félon i H'ijloire <SC la Fable.
Ifis, félon l’Hiftoire & la Fable, fut une Reine d’Égypte, qui gouverna
fi fagement fon Peuple, & fe rendit fi utile à d autres Nations, auxquelles
on fuppofe quelle apprit à cultiver la Terre, qu'on la prit p u r cette Divinité
même qui fertilife les campagnes, ou pour la Terre meme <jue 1 on dî-
vinifa, par reconnoiffance, à caufe de fes productions Se. de fa fertilité. O n vient
de voir ce qu’il faut penfer de la réalité de cette Prinçeffe. b
Ifis eft la même que les Romains appeüèrent la grande Mère, magna.
Mater, Se autrement Cybèle : ils ne furent pas les feuls ; Se ce ft de la que
font venus à l’une & à l’autre les mêmes attributs , & igs mêmes fymboles fur
les anciens Monumens, & en particulier fur les Médaillés.
O n a encore pris Ifis l’Égyptienne pour I/o des Grecs; ce qui neft pas
furprenant, puifque I /o Grecque fut aulfi réputée pour la Cybele des Romains.
D ’ailleurs, fous ces différens noms on çntendoit la meme chofe, chez
les différens Peuples ; c’eft-à-dire, la Terre , la Nature , & meme }a Lune^
Le Soleil ferrilifant la Terre , par fes inihueaçes, fur ftippofé avoir epoufe
Ifis, & on lui donna, comme an la v u , le som àOJiris. D e ce naariuge de
la Lune , ou de la Terre avec le Soleil ou Ofiris, on fit naître le petit Ho-
ras ou O rus que l’on identifia ayec les Heures, la Diftinction des temps,
des faifons, des jours, & même le T ravail néeeffaire pour la culture de la
Terre.