
S e c t i o n X X X I X .
D e s Amphithéâtres,
L e nom d’Amphithéâtre, mot Grec , lignifie deux Théâtres joints
Cnfemble, ou un Théâtre formé par la réunion de deux autres. A Rome,
ces Edifices, qui d’abord n étcient que de bois, furent dans la fuite conftruits
■ de belles pierres, & ornés avec une grande magnificence. L ’Empereur
Vefpafien en fit bâtir à Rome un qui pouvoit contenir jufqu’à quatre-
vingt mille Spectateurs : la Dédicace en fut réfervée à T ite ; auffi eft-ce
fur fes Médailles que nous en trouvons la forme. Quoiqu’il y en ait eu
quantité d’autres dans l’Italie , & dans différens pays, nous ne voyons que
celui de Vefpafien dans la Numifmatique.
O n fera fans doute curieux de trouver ici une Defcription abrégée de
ce Monument, dont les veftiges fubfiftent encore , & d’apprendre en même
temps quelle étoit la deftination des Amphithéâtres, & ce qui pouvoit y
avoir du rapport ; car, fans cette connoilfance, l’idée qu’on pourrait en
prendre fur une Médaille, où la repréfentation fe trouve fi fort en raccourci,
lerviroit à peu de chofe. Nous allons donc emprunter le langage de Dom
Montfaucon, dans la fécondé Partie du Tome IIIe. de fes Antiquités expliquées
; nous l’abrégerons autant qu’il fera poffible.
O n donnôit, dans l’origine, â ces Edifices deux autres noms que celui
d ’Amphithéâtre ; celui de Cavea , & celui d'Arena. Le premier venoit
de ce que cê lieu deftiné aux Speétacles étant ovale ou rond , il reftoit un
creux au-dedans, lorfqüe les Spectateurs étoient rangés & affis tout autour.
L e fécond lui fut donné à caufe du fable ou des matières pulvérifées qu’on
repandoit dans faire.
O n divifoit tout l’Édifice en plufieurs parties ; chacune avoit un nom
propre : il y avoit les A rènes, Arena ; les L o g e s , Cavete ; le Podium ; les
Précinclions, ou Baltei ; les Vomitoria ; les Cunei, &c.
Les Arènes étoient le plus bas lieu de l’intérieur de la place. T o u t autour
des Arènes il y avoit des Voûtes ou des L o g e s , Caveoe , dans lefquelles
on mettoit les animaux qui dévoient fervir aux SpeCtacles : tout cela for-
moit le plein-pied de l’Edifice. Ces Arènes étoient ceintes tout-au-tour
d’une muraille, fur laquelle étoit le Podium. La partie ainfi appellée, étoit
une avance de m u r , en forme de Quai , ornée de petites colonnes & de
baluftrades ; c’étoit-là la place des Sénateurs , pour le SpeCtacle : les
Magiftrats s’y mettoient auffi fur leurs lièges curules ; ils étoient accompagnés
de leurs LiCteurs & autres Miniftres publics. O n y plaçoit une
efpèce de trône couvert, pour l’Empereur. L ’Editeur , ou celui qui don-
noit le SpeCtacle & les J eu x , y avoit fon Tribunal. Enfin les Dejlales
avoient également le privilège du Podium. Quoique ce Podium fut élevé
de douze ou quinze pieds, les Sénateurs n’auraient pas été en fûreté contre
les infultes des Eléphans, des Lions , des Léopards, des Panthères & autres
bêtes féroces , qui fe battoient fur les Arènes, fi l’on n’y avoit mis tout
autour des treillis qui garantiffoient les Spectateurs, fans cependant les
empêcher de voir. Il y avoit auffi fur le bord du Podium de gros troncs
de bois ronds & verfatiles, qui tournoient quand les bêtes vouloient faire
quelques efforts pour y monter ; ce qui ne les empêchoit pas en certaines
occafions de caufer quelques défordres dans les rangs des Spectateurs. O n
tâcha d'y remédier en faifant des euripes ou canaux tout autour, pour les
en écarter.
Au-deffus du Podium étoient les dégrés difpofés â-peu-près de la même
manière que dans tous les autres Théâtres. Les uns, deftinés pour s’âffeoir,
étoient plus hauts & plus larges , & régnoient dans tout le contour de
l’Amphithéâtre ; les autres, plus bas & plus étroits, s etendoient de haut en
bas, en ligne droite, à travers des fièges, à la manière de ceux des Théâtres,
avec cette différence pourtant que ceux des Amphithéâtres., du moins de
celui de Vefpafien , ne traverfoient point tous les dégrés, ni toutes le>
Préemptions, mais fe prolongeoient feulement du milieu d’une précinCtion
au milieu de l’autre ; précaution fage, fans doute, pour éviter la cônfu-
fion & l’embarras qui auraient pu s’y trouver fi ces dégrés, qui étoient fort
étroits, euffent pris fimplement du haut en bas. Les dégrés propres à s’affeoit
de l’Amphithéâtre de Vefpafien avoient un pied deux pouces de hauteur, &
deux pieds & demi de largeur. On leur donnoit cette largeur, pour laiffer
le paffage libre entre deux à ceux qui venoient après les autres, comme à
ceux qui'vouloient fe retirer pour quelque néceffité. Il faut ajouter que
cette largeur étoit auffi néceffaire , parce que les pieds de ceux qui étoient
affis au rang fupérieur, dévoient trouver place fur le dégré inférieur, Les
Préemptions étoient comme des ceintures faites de dégrés plus hauts & plus
larges que les autres, & qui diftinguoient les fièges plus hauts des plus bas,
pour faciliter le paffage a la foule des Spectateurs qui accouraient au
SpeCtacle. Ces Précin étions s’appélloient auffi Baltei ( des Baudriers ) ,
comme qui dirait de larges ceintures qui régnoient autour des Amphithéâtres.
O n en remarque quatre dans celui de Vefpafien , en comptant
la plus élevée auprès du Portique.
O n appelloit Vomitoria les avenues, ou les portes placées au haut de
chaque eicalier, dans l’Amphithéâtre de Vefpafien , où l’on arrivoit par des
voûtes couvertes & cachées ; la quantité de monde qui entrait par ces
portes, faifoit qu’on les appelloit Vomitoria, parce quelles fembloient vomit
une foule de gens qu’on n’avoit point apperçue auparavant. Il y avoit quelques
dégrés pratiqués pour paffer aux fièges , & pour fervir à l’écoulement
des eaux ; ce que femblent marquer certaines crénelures , qui ne pouvoient
guère avoir d’autres ufages,.
On appelloit Cunei, ce qui fe trouvoit enfermé entre les Préemptions
& les Efcaliers ; c’étoient des places divifées en certaines daffes ; car les
places des Théâtres étoient féparées, félon la qualité des perfonnes , par la
Lo i Rofcia. La même chofe fe pratiqua dans des temps poftérieurs pour les
Amphithéâtres & les Cirques , o ù , dans l’origine , on affiftoit confufément
& fans diftindtion de qualités. O n a vu que les Sénateurs avoient leurs
places au Podium : celles des Chevaliers étoient immédiatement après,
jufqu a la première Préemption ; il y avoit ordinairement quatorze rangs
de fièges deftinés pour eux. Les gens de la campagne, les pauvres & tout
le bas Peuple vêtu de couleur brune , étoient aux rangs les plus hauts &
les moins honorables. Quelques Spectacles extraordinaires occafionnoient
des concours fi grands, que les rangs ne pouvoient y être obfervés.
Il y avoit dans différens endroits du Théâtre des tuyaux qui fervoient à
répandre des liqueurs odoriférantes, pour procurer une odeur agréable. Ces