
de l’Ifis dont nous venons de parler, fous le nom de Cybele. Il faut fe fbu-
venir ici des deux remarques que l’on a faites au commencement de la Sedtion
précédente, 8c qui fe reduifent à dire que l’on expofoit la figure d Ifis aux
yeux du Public, dans des temps, par des motifs, & avec des ornemens, 8c
des attributs différens, mais tous relatifs à ce que l’on vouloir apprendre au
Peuple. L ’Ifis-Cybèle fe montroi't avec tout ce qui peut répondre aux fêtes
de l’ouverture des moiffons : l’Ifs-Diane étoit expofée en forme de figure
inftruétive, pour annoncer la Néoménie ou les fêtes de la nouvelle Luné.
Alors Ifs-Diane avoit un Croilïant de Lune fur la tête, ou au-deffus dun
Siftre 3 mais quand il s’agîffoit de lui faire marquer la pleine Lune, au lieu
du Croiflant c’étoit une efpèce de difque ou une face toute ronde. Il eft meme
apparent que Y IJis-Diane étoit encore deftinée à pronoftiquer le temps que
nous appelions inter-lunaire, & qui s’écoule entre le dernier jour de la vieille
Lune 8c le premier de la nouvelle, & que c’étoit pour annoncer ce temps
d ’abfence 8c d’une efpèce de mort, que l’on plaçoit fur l’affiche, auprès d’elle ,
le périt Horus couché fur une table, dans un état de repos, de fommeil ou de
mort. Nous avons déjà vu quelques-uns des fy mboles, des attributs & des orne-
mens qu’on donnoit à la même figure d’Ifis lorfqu’on vouloit, fous le nom
de Cybèle, lui faire indiquer l’ouverture des moiffons. Il faut ajouter ici qu’en
qualité de Mère productrice 8c nourricière des biens dont les moiffons nous
enrichiflent, on la repréfentoit couverte de mamelles & environnée de toutes
fortes d’animaux.
O r cette variété d’ornemens, d’attributs & de fymboles que fon donna
aux figures d’Ifis, qui elles-mêmes n’êtoient que des fymboles, produifit
toutes les différentes idées qu’on fe fit d’abord de leur lignification & enfuite
d’elles-mêmes. Je dis de leur lignification ; car , comme on vient de le v oir ,
elles ne furent regardées dans leur origine que comme des lignes ; j’ajoute ,
& enfuite d’elles-mêmes, parce qu’enfin oubliant que Ces figures n étoient que
des lignes, on les réalifa, 8c l’on en fit des perfonnages, & même des
Divinités, auxquelles on donna des noms & des emplois relatifs a leurs fymboles
, & à ce qu’elles avoient lignifié dans leur première deftination. Ainfi
l ’Ifis, qui repréfentoit les phafes de la Lun e , fut prife pour la Lune même, 8c
adorée comme cette Planète ; & comme telle on la nomma Echet, Hécate
ou Ach'ate, c’eft-à-dire, Y Unique, Y Excellente ; ou bien Diana Lucifera,
Diane porte-lumière, Diane qui éclaire. O n lui alfigna le Ciel pour fejour &
pour trône ; peu après on lui attribua la connoiffancerdes chofes futures ; ce
qui s’exprima par le beau nom d'Artémife. Mais pour l’Ifis Multimammée,
productrice de tous les biens, & nourrice des hommes & des animaux , en lui
donnant des fymboles & des attributs rélatifs à l’idee qu’on s’en étoit faite , on
la décora des noms de D e l , de D e io , de Deione, qui lignifient l'Abondance;
ou icRJioea, ou Rhea, qui veulent dire, Mère de l’Abondance , autrement
la T erre ; Ou de Déméter, qui marque la fufffance des pluies ; ou de Cérés, en
Syrie, & en Phénicie, & de D ian e , à Ephèfe, &c. Il fallut, après l’avoir réa-
lifée, lui créer une origine, & une famille : fes Adorateurs s’embaraffèrent
peu de fe trouver diamétralement oppofés les uns aux autres>, en la faifant,
tantôt fille de Jupiter 8c de Deione, tantôt femme & foeur de ce D ie u , fous
le même nom : l’extravagance alla jufqu’au point de la nommer Mère de
tous les D ieu x , quoique fille , femme ou foeur de la plupart d’entre eux.
La forme 8c les fymboles, fous lefquels on reptéfenta l’Ifis, pour annoncer
l’intervalle d’une Lune à une autre , firent croire que pendant ce temps
elle defcendoit aux Enfers, pour donner fon coup d’oeil & fes ordres, dans
cet Empire , appellé le féjour à'Ad'es, c’eft-à-dire de finvifible : elle,
avoit déjà la toute-puiffance au Ciel & fur la Terre ; il ne lui manquoit que
de l’étendre fur les Enfers, dont on lui adjugea encdre le fceptre. O n ne larffa
pas de la faire encore Déeffe particulière des Forêts ; ce qui lui donna Je fur-
nom d’Aféroth , dont on fit peut-être celui à’Aflaroth : elle fut redevable
de cetoe nouvelle dignité aux feuillages 8c aux betes fauves, dont on î ’avoit
environné dans d’autres vues, c’eft-à-dire eh qualité de Mère productrice &c
nourrice, de toutes chofes. Le temps où l’on devoir célébrer les fêtes de La
Néoménie, quand elle les annonçoit, détermina le choix des oifeaux que l’on
devoir faire paraître avec elle, fur le même tableau 3 ceft-à-dire, que fi la
Néoménie ou la nouvelle Lune devoit paraître le foir , c étoit la Chouette ,
oifeau de' nuit, qu’on lui donnoit 3 fi c‘étoit le matin, on fubftituoit le Coq
à la Chouette. Quand on la confidéroit comme Déeffe des Morts’& des Enfers,
on célébrait fes fêtes 8c fes nouvelles apparitions par des cris & des hur*
lemens. Si on la regardoit comme Déeffe des Forêts, on fe préparait aux Sacrifices
& aux fêtes par des retraites, par des jeûnes, par des macérations &
par la continence, qu’on fuppofoit être de fon goût.
Ainfi s’égarèrent nos Pères dans les ténèbres du Paganifme, en adorant
dans la même figure , tantôt une Divinité chafte, tantôt une impudique ;
ornée des plus belles vertus dans un canton; coupable des défordres les plus
honteux dans un autre, 8c confidérée, par un affreux ridicule, comme fille &
femme des mêmes Dieux que d’autres lui donnoient pour enfans. D e quoi
l’homme n’eft-il pas capable, quand il eft livré à fes penfées & à fes paffiqns!
Dans quel abyme ne s’enfonce-t-il pas, quand il n a que fa foible raifon
pour b conduire !
D e la Déejfe D ian e , félon C H fo ir e SC la Fable.
Nous n’avons rien à ajouter à ce que nous venons de dire, pour montrer
la Diane ou de l’Hiftoire ou de la Fable. O n la reconnoîtra dans fon çrigine :
c’eftlà que fes Adorateurs l’ont prife ; c’eft d apres les figures 8c les tableaux de
l’Écriture Hiéroglyfique qu’ils l ’ont dépeinte , réalifee, perfonifiee > 8c divi-
nifée , fous des titres auffi variés, & aufli oppofes que fes ornemens & fes
attributs.
Diane fur les Médailles.
La Numifmatique a copié 8c fuivi la Fable à 1 égard de cette Divinité,
comme à l’égard des autres. Elle a même enchéri, en quelque forte, fur elle,
par le grand nombre de noms & de titres qu’elle lui a donnes, 8c qui ont raie
naître l’envie de chercher 8c de propofer plufieurs Dianes. Quelques-uns de
ces noms répondent aux diverfes fondrions qu’on lui attribuoit ; d autres, aux
endroits où elle reçut un culte plus particulier ; d’autres enfin, a 1 origine que
l Hiftoire, ou du moins la Fable lui a fuppofée. Ces noms font ceux de Diane la
Chaffereffe, Diana Venatrix ; de Diane Lucine, Diana Lucina ; de Diane
Porte-lumière, Diana Lucifera ; de Diane d’Éphèfe, Diana Ephefina ; de
Diane Multimammée ou à plufieurs mamelles, Diana Mulumammea ; de
Diane de Pergée, Diana Pergea ou Pergafa ; de Diane l Fleureufo, Diana
Félix ; de Diane la Vidtorieufe, Diana F iclr ix ; de Diane qui eft de retour
Diance Reduci ; de Diane l’Augufte, Diana Augufta, 8cc.