
»les, par leur expofition, l’-ordre de leurs Fêtes , les temps propres à leurs
différens travaux , celui de leur retraite & de leur repos, ce qu’ils avoient
à craindre ou à efpérer des faifons, des vents, du débordement du N il, &
du defféchement de fes eaux , enfin ce qu’ils avoient à obferver ou à faire
dans le cours de l’année, foit pour le Sacré, foit pour le C iv i l , foit pour le
Militaire,
Voici à préfenc une autre forte de D ivinités, dont nous avons cru devoir
former la fécondé claffe , parce qu’enfantées par les premières, elles peuvent
être confédérées comme les fuites d’un égarement qui ne pouvoit qu’augmenter
avec l’ignorance des Peuples. Les Divinités , dont il s’agit ic i, font des
vertus morales, civiles ou militaires, des vices, des pallions, des produirions,
& des qualités bonnes ou mauvaifes , que les Anciens- ont perfonnifiés &
déifies.
O n rapporte cesDivinitésà la fécondé clafTe, en premier lieu, parce qu’elles
font poftérieures aux premières, & quelles émanent d’elles en quelque façon;
en fécond lieu, parce que fi les Dieux de la première claffe appartiennent
plus à la Fable qu’à l’Hiftoire, celles-ci ont plus de rapport à l’Hiftoire qu a
la Fable. Mettons ces deux propofitions dans un plus grand jour.
Rapprochons d’abord quelques Divinités de cette fécondé clafTe, de celles
de la première ; par-là il ne fera pas difficile de fe convaincre que celles-là font
les productions & les filles de celles-ci. L ’abondance, par exemple, la fertilité
, l’ubérité, dont les uns ont fait une feule Divinité , & d’autres trois,
ne font-elles pas vifiblement les filles à'IJis, femme d’Ofiris & mère d’Ho-
rus, cette D éefle, dont on en a fait tant d’autres, toutes tirees delà variété de
fès attributs ? C ’eft d’elle que font venues Cérès, Cybèle, Rhéa, autrement,
la Terre ., la Nature, la Mère productrice de tous les biens néceffaires à la
vie. Les figures , dont on a fait ces Divinités , avoient ete deftinees, dans
leur origine , à être montrées aux Peuples principalement pour elever leur
efprit & leur coeur vers le vrai Dieu qu’ils dévoient adorer , louer &c invoquer
comme l’Auteur de tous les biens, & pour les inviter à célébrer les
Fêtes inftkuées pour lui rendre grâces. O n avoit pnis fur leurs tetes ,-dans
leurs mains, ou auprès d’elles des Symboles relatifs à ce qu’on vouloir leur
Élire fignifier. Ces Symboles étoient des fleurs pour les Fêtes du Printemps ;
des feuilles , des pavots, des épies pour celles des Moiffons ; des paniers de
fruits , ou des cornes d’abondance pour celles de l’Automne.: d’autres Symboles
marquoient d’autres objets. Mais, quoique cette manière d’inftruire fi
fimple , fi admirable, fi éloquente , parlât aux yeux & au coeur en même-
temps, les hommes perdirent bientôt le fens& la lignification des Figures &
des Symboles. Alors, comme s’ils euffent été fatigués de s’élever au-deffus
d’eux-mêmes & de pénétrer jufqu’au Ciel par cés fortes de Symboles, ils fe
fixèrent fur la terre , & bornèrent leurs penfées, leurs hommages & leur
culte aux Figures même qui les portoient vers l’Etre fuprême ; ils en firent
des Divinités. Voilà quel fut le premier dégré de leur aveuglement ; ce fut
de divinifer tout ce qui leur annonçoit le vrai D ieu , & tout ce qui étoit pour
eux le ligne de quelque devoir, ou de quelque avantage.
C e premier pas dans l’erreur fut bientôt fuivi des plus grands égaremens :
les Anciens avoient divinifé la figure qui étoit le Symbole principal ; leurs
defeendans firent le même honneur aux Symboles fubalternes. En voyant
des paniers de fruits, des couronnes de fleurs, des cornes d’abondance , des
feuillages, des épies fur les tetes, fur les bras, & dans les mains de ces
figures, pour leur fervir d’attributs & de fymboles, ils crurent que fi la figure
oui les portoit, avoit été divinifée par leurs Pères, fous les noms de T e r r e ,
de Mère qui produit tout, de Mère de l’Abondance , de la Fertilité & de
fUbérité, ils pouvoient, à leur tour, faire des Divinités de ces: trois chofes
aufll néceffaires à la vie. ; & ils les adorèrent fous les noms d Abondance, de
Provifion, de Fertilité, d’U bérité, ÂbiCndantia, Annona, Fertilitas, Ubertas
ou Ubentas : elles devinrent donc des Déeffes aufll-bien que leurs meres, C e -
Cyb è le , Rhéa , TelLus, &c. - C ’eft ainfi que deux âges peu éloignés l’un de
l’autre virent perfonnifier & divinifer d’abord les figures & les mères productrices
, enfuite les Symboles quelles portoient, & même leurs productions.
[On fit-en conféquence des figures nouvelles pour repréfenter ces ^fécondés
Divinités : on les enrichit& on les embellit.des Symboles relatifs à la lignification
de leurs noms. Les fleurs, les épies, les paniers de fruits, & les cornes I d’abondance remplies tantôt de fruits, tantôt des Monnoies, fervirent d attri-
Ibutsaux filles, comme à leurs mères. _ ' _ _
1 Si l’on vouloir fuivre notre fyftême à l’égard des autres D ivinités, & confér
e r toutes celles de la fécondé claffe avec celles de la première, on trouverait
iqu elles font toutes proches Parentes, & que les fécondés ne font autre chofes
Ique les fymboles & les attributs des premières, perfonnifiés & divïnifés. Le
rameau /par exemple, que Cybèle;, Cérès & Ifis tiennent quelquefois comme
J un Symbole de P a ix , de Clémence & de Concorde, fei'vit à former de noiT
IvelleS Divinités fous ces trois noms : on les repréfenta enfuite comme des
îperfonnes, & on leur donna , pour Symbole, -le même rameau , - comme
Tl c’étoit un rameau d’Olivier. La Confiance n a-t-elle pas le cafque , la pique
ou la hafte de l’Ifis-Minerve, & de Pallas ? lé Équité & la Juflice , ces deux
autres Déeffes du fécond rang , portent la corne d’abondance , & la balance
de Junon la Monnétaire. U Éternité a pour Symboles le Soleil , la Lune &
Ile Globe /emblèmes empruntés des Figures Hiéroglyfiqùes, & divinifés fous
les noms d’Ofir is, de Diane &c. , à qui on les avoit donnés, dans l’origine,
jpour fignifier l’éternité du vrai Dieu. La Fécondité ,.eft reprefentee avec^les
jenfans d’Ifis, ou de Vénus la Populaire. La Pudeur, la Prudence , la Piété ,
j la SageJJe partagent les Symboles d’Uranie ou de Vénus la Célefte. Le gefte
j du D ieu Silence, qui porte le doigt à fa bouche, comme pour y mettre un
! fceau, eft pris de celui d Harpocrate, autre Divinité de 1 Egypte. La Colere,
\ la Fureur, & la Vengeance ne font que les pallions des Furies ; & la repréfen-
I tation des unes & des autres, n’infpire que la crainte &c l’horreur. Les DéelTes'
Salut & Santé paroiffent par-tout avec le Serpent d Efculape , & des Dieux
j Médecins. Enfin on a pris la maffue de Hercule , le cafque, le boucher , la
cuiralfe & la hafte de Mars , pour en faire les attributs de Y Honneur , de
la Vertu , de la Valeur & de la Victoire , qui font autant de qualités &
d’avantages que l’on a divinifés pour peupler 1 Olympe. Les Divinités que
nous mettons dans la fécondé clafTe font donc , au moins pour la plupart,
poftérieures à celles de la première : ce ne fon t, a proprement parler , que
leurs Symboles divinifés à titre de vertus, de vices, de pàffions, de qualités
& d’avantages auxquels on a donné de nouveaux Symboles analogues a leurs
noms. ...
Une fécondé Obfervation juftifiera la divifion que nous avons établie entre
les Divinités des Anciens , & le fyftême qui nous engage à placer dans une fécondé
claffe celles dont il s’agit dans cet Article. Les Divinités de la première
claffe appartiennent plus à la Fable qu’à 1 Hiftoire : celles de la fécondé , au
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