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D u Dieu Efculape, félon l’Écriture Hiéroglyfique,
Vo icic e qui donna- naiffance à ce D ieu, felonM. Pluche. L ’Anguille & le
Serpent, qui fe reffemblent affez, furent regardes par les Égyptiens & par
d’autres Peuples'comme les fymboles delafanté&de la v ie; l’Anguille, peut
etre parce qu elle a beaucoup de v ie , & qu’on ne la lui ôte que difficilement ;
le Serpent, non a caufe quil fe rajeunit tous les ans, enfe défaifant de fa
■ vieille peau, mais parce que chez la plupart des Orientaux, comme chez le«
Phéniciens, les Hébreux, les Arabes & autres, avec la langue defquels celle
^’Égypte avoir beaucoup d’affinité, le mot Hevé ou Hava lignifie également
la vie & un Serpent : auffi Celui d’Eve ou de Hévé avoit-il été donne à la pre-
mière femme, pour fignifier quelle étoit la Mère de tous -les vivans. Celui
d Efculape dailleurs fignifie, dans les mômes langues, un homme-chien ou
figure humaine qui a une tête de chien.
Qr cette Figure fymbolique, comme -on l'a vu, étoit auffi celle d'Jnubis,
que l’on expofoit aux yeux des Égyptiens, pour leur annoncer l’arrivée de la
Canicule & le débordement du N i l , qui devoir la fuivre de près. Dans cette
occafion, on lui mettoit a la main une longue baguette que l’on croifoit par
le haut avec une plus petite, en forme de croix, dont les bras marquoient,
par la hauteur où ils étoient placés, celle des eaux du débordement. Lorfque
1 inondation n étoit pas füffifante pour entraîner avec elle & laifler fur les
terres une quantité affiez grande de limon pour leur engrais, l’on ne devoir
efperer quune moiffcm tres-médioçre ; pour lors on ne repréfentoit qu’un
feul Serpent entortille autour de cette baguette, pour pronoftiquer la médiocrité
des productions de.la terre, qui font néceffaires à la vie. Mais quand
1 inondation promettoit & un fort engrais & une heureufe fécondité pour les
campagnes, on repréfentoit deux Serpens ou deux Anguilles, -pour marquer
que I on recueilleroit abondamment de quoi entretenir la vie des Citoyens Si
des Étrangers, qui avoient coutume de recourir à l’Egypte pour fe pourvoir
des grains dont ils manquoient dans leurs Pays.
O n ajotttoit auffi quelquefois des ailes à cette baguette, pour montrer
quels étoient ou quels devoiént être les vents dominans, ce qu'on en pouvoir
efperer , tant pour la crue & le deffiéchement des eaux, que pour le labourage
& fes fuites. Voilà quelle fut l’origine du prétendu Dieu de la Santé, de la
V ie Si de la Médecine. Une Figure accompagnée des fymboles de la V ie , &
un mot fynonyme , qui fignifie en même-temps un Serpent & la V ie , ont
donne lieu à confondre la figure Humano-canine, appellée Efculape, avec ces
memes fymboles de la vie. Après avoir oublié le fens & la lignification de l’É criture
Hiéroglyfique & de fes fymboles, on a imaginé que cette figure, entre
autres, procurait les biens dont elle n’étoit que le fymbole ; enfin on en a
fàk un D ie u , fous le nom d Efculape. Il a fallu enfuite le perfonrtifier ; & cela
n a pis été plutôt exécuté, qu’on en a fait un Roi Botanifle & Médecin ,
auquel on a forge, comme à plufieurs autres femblables Dieux & Rois, une
V ie , une Hiftoire,des hauts Faits, des Guérifons, des Inventions, &c. Les
ailes, les Serpens ou les Anguilles attachés à fa baguette çroifée, ont beaucoup
aidé à rehauirerfapuiffance & fa gloire.
Le
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Le Dieu Efculape de l’Hifioire SC de la Fable.
Cicéron a compté plufieurs Efculapes. Le premier, félon lu i, fut fils d’A pollon;
le fécond de Jupiter, & frère de Mercure ; le troifième, d’Arfippe &
d’Arfinoé.Quelques-autres en ajoutent un quatrième , -qu’ils fuppofent avoir
été formé dans un oeuf de Corneille, dont il fortit, fous la forme d’un Serpent,
La Numifmatique paraît n’en connoître qu’un feul, que l’on prétend avoir
été fils d’Apollon & de Coronis. Il naquit à Épidaure, eut pour nourrice
Trigona, & fut élevé par le Centaure Chiron, qui l’inftruifit dans la Médecine,
dont lui-même exerça l’art, dans la fuite, avec beaucoup de fuccès.
Cet Efculape fut adore par les Grecs & parles Latins, fous plufieurs fymboles
& fous differentes formes. Les Epidauriens l’adorèrent fous celle d’un grand
Serpent ; c’eff ainfi qu’on le trouve fur le revers d’une Médaille qu’ils ont
fait happer. Les Mytiléniens l’ont repréfenté fous celle d’un vieillard affis ,
qui appuie une de fes mains fur une maffue, tandis que de l’autre il donne à
manger à un Serpent dans une patère. Sur les Monnoies des Pergaméniens ,
il eft porté par deux Centaures, fans doute comme leurs difciples dans-l’art
de laMédecine & de la Botanique.
Efculape fu r les Médailles.
Nous le donnons de deux façons, à la planche VIIIe. N os. 1 o. & 1 1. Le
fécond revers le reprefente comme un vieillard appuie furfon bâton, avec un
Serpent devant lui ; le premier le montre comme un jeune homme qui tient
un bâton autour duquel il y a un Serpent entortillé. O n le verra encore avec
Hygée & Télefphore, dans les endroits où nous parlerons de ces deux autres
Divinités, qui font affez aifées à reconnoître auffi-bien qu’Efculape. O n fait
que ce dernier, affis, ou debout, fe diftingue par la maffue ouïe bâton qu’il tient,
Si par un Serpent qu’il a auprès de lui, comme fymbole de là fante & de la
v ie , qui fe confervent au moyen de la Médecine.
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D es D ieu x Fata , ou du D e fiin , félon l ’Écriture Hiéroglyfique.
Ce s Dieux , connus fous le nom du Deftin, peuvent être envifagés de differentes
manières, eu égard à plufieurs événemens dont la chaîne forme ce que.
les Païens appelloient la Deftinée des hommes. Ces événemens avoient rapport
ou a la fanté & à la v ie , ou aux biens & aux maux, ou à laprofperite Si
a l ’adverfité, ou enfin à la mort & à ce qui peut en être laffuite. C ’eft a Cérès ,
Cybèle ou Ifis, que l'on s’adreffa pour demander les biens de la terre : auffi
reprélenta-t-on cette D éeffe, qu’on reconnoît pour la même, foiis cette triple
dénomination, avec tous les fymboles & attributs convenables à l ’idée qu’on
s’étoit faite de ce qu’on appelle ordinairement la fortune. Peut-etre fit-on
choix du fort pour marquer l’acte de détermination, s’il eft permis de parler
ainfi, par lequel la Fortune prétendue fe décidoit pour ou contre quelqu un :
pour obtenir des événemens gracieux &c favorables, on s’adreffa au Dieu
appellé Bonus Eventus , le Bon Evénement ; ce fut à lui qu’on les demanda
&i qu’on les rapporta. To u t cela regardoit le cours de la vie des hommes.