
rigueur, & n’étoient pas admis dans la Barque fans la permiffion des Juges ;
qui les privoient quelquefois de la fépulture. Le Batelier conduifoit le
corps au-delà du lac , dans une plaine embellie de prairies, de ruifleaux }
de bofquets, & de tous les apremens champêtres. C e lieu fe nommoit
Elifout, ou les Champs-Elifees , c’eft-à-dire , Pleine fatisfaclion , féjour
de repos ou de joie. A l’entrée de ce féjour étoit une figure de Chien à
trois gueules, que l’on nommoit Cerbère. Toute la cérémonie finiffoit par
jetter trois fois du fable fur l’ouverture du caveau où l’on avoir enfermé
le cadavre, & à lui dire autant de fois adieu.
» Tous ces termes & ces pratiques , qui ont été copiés prefque par-tout,
étoient autant d’inftructions adrelfées au Peuple. O n lui faifoit entendre
par toutes ces cérémonies, comme par autant de difçours ou de fymboles
très-fignificatifs , que la mort étoit fuivie du compte qu’il falloit rendre
de notre vie a un Tribunal inexorable ; mais que ce qui étoit à redouter
pour les Mechans, n’étoit pour l’Homme Jufte qu’un paffage à un état plus
doux. C ’eft pourquoi la Mort étoit appellée la Délivrance. Nous l ’appelions
le Trépas, c’eft-à-dire le paffage à une autre vie. L a Barque de
tranfport fe nommoit la Tranquillité, parce quelle ne tranfportoit que
les Juftes ; & au contraire le Batelier qui refufoit fans quartier ceux que les
Juges n’avoient pas abfous, fe nommoit la Colère ou la Vengeance.
» Quand à la terre jettée fur le corps, & aux tendres adieux des Parens,
c étoient le devoir naturel & l’expreffion fimple de leurs regrets. Mais ils
ne fe contentoient pas de rendre en paffant cet honneur fur la foffe : ils
plaçoient à l’entrée du cimetière , & au-deffus de la porte du Mort, le Symbole
de l’eftime & de la tendre affeétion qu’ils portoient à leur Parent
mort. Le Chien étant l’animal le plus attaché à l’homme, eft le Symbole
naturel de l’amitié & de l’attachement. Pour exprimer les trois cris qu’ils
avoient pouffés fur la foffe de leur am i, fuivant l’ufage qui n’accordoit cet
honneur qu’aux Gens de bien , ils donnoient trois têtes ou trois gofiers
a la figure du Chien. Ainfi cette figure placée auprès du tombeau , & fur
la porte du Mort nouvellement enterré, fignifioit qu’il avoit été honoré
des regrets de la famille, & des cris que les amis ne manquoient pas de
venir pouffer fur la foffe de celui qu’ils avoient eftimé & chéri pour fes
bonnes qualités. Le fens de ce Symbole n’eft plus équivoque dès qu’on
en traduit le nom : ils l’appelloient Cerbère, c’eft-à-dire tres-fimplement
les cris de lafojje.
» Nous voyons, dit ailleurs M. Pluche, HiftoireduCiel, Tom e Ier- page
73 • & fuivantes, par les funérailles d’Archémore, dans la Thébaïde de
Stace, par 1 anniverfaire d’Anchife, dans le cinquième Livre de l’Énéïde ,
& par les lamentations annuelles des Vierges d’Ifraël fur le fort de la fille
de Jephté , que c’étoit un ufage uriiverfel dans l’Antiquité de pleurer
& de prier fur les tombeaux des perfonnes chères à la Patrie, & de renou-
veller ces Affemblées &-ces Sacrifices après l’année révolue. L ’Ofiris, ou
le Symbole de la révolution annuelle, pouvoit donc annoncer un Anniverfaire
par le changement de fon attribut. Alors , au lieu du fouet, ou
•du harpon , on lui mettoit en main le bout ferré ou l’Aviron d’un Batelier
; ou bien on lui mettoit fur la tête un boilîèau , une mefure de
bled qui fe diftribuoit à chaque Pauvre dans les Fêtes funèbres , & peut-
etre donnoit-on à cette figure le nom de Pélouta, la Délivrance. O n entrevoit
affez pourquoi, & nous remarquerons quç la Barque de paflàge étoit
D E S T Y P E S D E S M É D A I L L E S . zo 7
» le Symbole de la Mort ; que le boiffeau étoit l’annonce d’une diftribution
» funèbre ; & que la délivrance du mal étoit l’idée qu’on avoit ancienne-
» ment de la mort des Juftes. ». Il eft à préfent facile de conclure que le
Dieu Pluton a pris fon origine dans un Signe & dans une Figure de l’Écriture
Hiéroglyfiqne, & que Caron, ce Batelier myftèrieux, ainfi que le
Chien à triple tete, font auffi nés dans les caractères de la même Écriture.
Revenons- au.feul Pluton, & voyons ce que la Fable & la Numifmatique
nous en apprennent.
D u Dieu Pluton, félon l’Hifloire SC la Fable.
Les Phéniciens & les Grecs ont eu chacun leur Pluton. Celui des Phéniciens
fut fils de Saturne & de Rhéa. Comme on lui attribuoit l’établiffe-
ment des cérémonies funèbres, on lui donna un nom qui fignifioit la M o r t,
3c en conféquence on le fit Dieu des Enfers. D ’ailleurs la Fable fuppofe que
Jupiter lui en avoit donné l’Empire après avoir détrôné Saturne. Pour fon
propre intérêt, & par état, il devoit délirer la mort des hommes, afin de
multiplier tous les jours les Sujets de fon Royaume. Les Grecs fe firent un
autre Pluton d’un Ro i des Moloffes, nommé Aidonée ou Orcus. C e fut *
celui-ci qu’ils attribuèrent l’enlevement de Proferpine , & qu’ils donnèrent
le Chien Cerbère : ils en firent outre cela le Dieu des Richeffes.
Pluton fu r les Médailles.
Q u o i qu’il en foit de la pluralité ou de l ’unité de Pluton, on repréfente
ce Dieu , fur les Médailles, avec une tête de vieillard , dont les cheveux &
la barbe font fort négligés. Il y a derrière cette tête un aviron ou un croc ,
dont la Fable prétend qu’il fe fervokpour traîner avec lui les hommes dans
les Enfers. Voyez la planche X e. n°. i z . O n le trouve fous cette forme
dans les Monnoies des familles Claudia, Cornelia, & N onia. Mais on le
verra autrement, à la même planche n°. 13. , fur un revers où Ton a repré-
fenté l’enlèvement de Proferpine.
S e c t i o n X X X I X .
D e la Déejfe Proferpine , félon l’Ecriture Hiéroglryfique.
Pour connoître d’où Proferpine a tiré fon origine, il n’y a qu’à recourir
à la Section X I e. où il a été parlé d’elle & de Cérès , que la Fable lui donne
pour Mere. Il feroit inutile de répéter ici ce qu’on en a déjà dit.
D e la Deejfe Proferpine, félon l’Hiftoire, la Fable SC la Numifmatique.
Proferpine , félon la Fable, fut fille de Jupiter & de Cérès. Pluton, qui
étoit fort laid , ne trouvant pas à fe marier , réfolut d’enlever une femme,
ayant apperçu Proferpine qui cueilloit des fleurs dans les belles campagnes
de la Sicile, près de la Ville d’Enna, il l’enleva, & partagea avec elle le
Trône des Enfers. Cérès inconfolable de la perte de fa fille courut fur le
mont E tn a , ou elle alluma les torches, avec lefquelles on la repréfente ,
pour chercher Proferpine.