
même temps ce qui a donné occafion à en faire la principale des faufTes Divinités.
C e nom vient de Jehov qui, dans l’ufage primitif, fignifioit le Père de la
v ie , l’Être fuprême. Les Grecs le rendirent par celui de Z eus, ou D ios,
Z eus eft dérivé de Z au ou Z a o , q u i, en Langue grecque , lignifie la vie
ou vivre. La lettre Z changée en Z?, a formé le mot grec Dios , & le latin
D eu s , Dieu. Tous ccs mots, Jehov, Z e u s , D io s , Deus ont le mêmefens
Sc prefque le meme fon, peu varie, félon la prononciation différente des
Peuples. O n joignoit quelquefois à ces mots celui de Père qui, n’en étoit que
I interprétation. D e Jehov ôc de Pater 1 on fit celui de Jehov-Piter ou Joupiter,
de Dios avec Pater on forma celui de D io s -P ite r, qui fignifie la même
chofe. Les refpects ôc les adorations que l ’on fit pafTer en premier lieu du
fymbole de Diofpiter ou de Jehov-Piter au Père de la V ie , au vrai Dieu
n etoient que tres-louables. Mais on fit dans la fuite de ce fymbole, comme
des autres ; c’eft-à-dire, une Perfonne, une Div inité, & l ’on commença
pour lors à le prendre ou pour le Soleil,, ou pour un Homme, pour un Roi
qui avoir été tranfporté dans le Soleil pour gouverner le genre humain.
” L Ammon, dit M. Pluche, Hiftoire du Ciel , Tome I. page 149 , con-
» fondu par un amour plein de ftupidité avec D ieu , & avec Ofiris on l’Aftre
» modérateur des faifons, devint le célèbre Jov- Ammon ou le Jupiter-Ammon,
>» ôc fut toujours en poflefîion des premiers honneurs, après que les autres
» fymboles eurent été convertis de même en autant de Perfonnages céleftes
*> ôc de Divinités puiflàntes. La raifon de cette prééminence eft fondée fur ce
» qu’ils ( les Grecs ) attachèrent l’idée de ce Fondateur de leur Colonie au
" plus brillant de tous leurs fymboles; je veux dire, a leur Ofiris. »
_ ^es noms que 1 on a donnés a Jupiter, toutes les fonctions qu’on
lui a attribuées, comme le pouvoir fuprême qu’on lui a fuppofé, la foudre
dont on \ a armé , & que l’on a laiffee comme à fa difpofition , &c. n’ont
donc ete que les fuites des idées qui avoient donné naiffance à cette prétendue
D iv in ité , & qui ont place fon Trône dans le Soleil. O n fera encore
mieux inftruit de 1 origine, & de tout ce qui regarde Jupiter, après
quon aura vu ce que nous dirons, dans la fuite, de Neptune ôc dePluton.
Jupiter , félon FHifloire SC la Fable.
Quelques Auteurs, entrautres Varron, ont compté plus de trois cens
Jupiter. O n en faifoit a mefure qu’on en avoit befoin ; ou plutôt on en
donnoit le nom à tous les Rois, les Princes, & les Grands Hommes ou Héros
que Ion fuçpofoit avoir fuccédé au premier Jupiter, & avoir imité fes
adions enprotegeant leurs États, en faifant de grands biens à leurs Sujets,
& en rempiffant à leur égard ce qu’exigeoit le nom de Jupiter, qui, dans ces
temps, paffoit pour être l’abrégé dejuvans Pattr; c’eft-à-dire, Père Secourable,
J rotedeur, Bienfaifant, &c. D e tous ces prétendus Jupiter on n en a fait
quun feu l, dans la fuite, auquel on a jugé à propos d’attribuer toutes les
adions des autres, pour le rendre plus digne de devenir l’objet de l’admiration
. I e ^es (Adorateurs. La même aventure eft auffi arrivée à Hercule.
C eft ainfi que, d une autre façon, l’on a donné plufieurs noms à une feule
Divinité , afin de pouvoirconciler des faits, ou contraires & oppofés les uns
aux autres, ou trop éloignés d’époques, ou enfin trop multipliés dans un
meme-temps, ôc dans divers Pays, ou dans le même.
On
O n a encore eu recours à un autre expédient pour concilier tous ces faits
éloignés ou contraires. L ’on donna l’immortalité à un feul Jupiter. Par-là on
réduifit toutes les difficultés à une feule, qui confiftoit à prouver l’exiftence &
la réalité de ce perfonnage immortel, difficulté qu’on éludoit par le moyen
de la-fuppofition.
Qu o i qu’il en foit de l’unité ou de la pluralité de ce D ie u , püifque
le fyftême de n’en reconnoître qu’un feul eft établi, nous le fuivrons ic i ,
ou plutôt nous le donnerons tel que la Fable l’a imagine & que laNumifma-
tique l’a adopté. Il étoit fils de Saturne & de Rhéa. On fuppofe que fon père
avoir fait un traité avec Titan , fon frère, par lequel celui-ci lui céderoit fon
droit d’aineffie, à condition que fon cadet dévorerait tous fes enfans mâles,
pour biffer à fes neveux la Couronne & l ’Empire. Rhéa étant accouchée de
Jupiter ôc de Junon, déroba fon fils à. la connoiffance de fon père, à qui elle
offrit une pierre qu’il dévora, la prenant pour fon fils. Jupiter fut; élevé &
gardé avec foin par les Curètes ou Corybantes, qui l ’emportèrent en, Crè te ,
où il fut allaité par la chèvre Amalthée. On fuppofe que lorfqu’il fut grand,
il y eut de grands combats,, entre lui & Saturne , & qu’ils fe chaffèrent du
Ciel tour à tour , ôc fe ravirent l’Empire ; mais la dernière yiôtoire rendit
Jupiter Maître fouverain du Ciel ôc de la Terre , des Eaux & de l’Enfer.
Dans un partage volontaire il donna les Eaux à Neptune , & les Enfers a
Pluton. Ses neveux ayant dans la fuite revendiqué leur drôit à la Couronne
de Titan leur père, Jupiter les foudroya & les écrafa fous,les montagnes
qu’ils avoient entaffées les unes fur les autres pour efcalader , le C ie l, dont il
avoit fait le fiège de fon Empire. Jupiter , après la défaite de fes ennemis,
ne penfa plus qu’à jouir des fruits de fa victoire, dans les plaifirs de la vie. Lorf-
. que fes propofitions galantes n etoient point écoutées , ce D ieu changeoit de
•forme, & fe métamorphofoit de toutes fortes de manières, pour tromper les
■ femmes qu’il avoit envie de féduire ; c’eft ainfi qu il prit la figure d un Tau-
reau aux yeux d’Europe , d’un Cigne à ceux de Léda , d un Satyre a, ceux
d’Anthiope, & d un Aigle pour enlever Gany mède, fils de Tros. Il, paraît que
parmi les idolâtres les crimes ne fervoient qu’à illuftrer les Dieux ; auffi en
a-t-on prêté à Jupiter un fi grand nombre , qu’il a fallu lélever au-deffus de
toutes les autres Divinités. Je dis qu’on lui a fuppofé des crimes ; car, fi 1 on
veut remonter à la fource, on trouvera que la plupart de fes prétendus combats',
fes métamorphofes ôc fes concubinages ne font que des idees prifes de ce
qui fe paffe dans le Ciel parmi les Aftres, les Étoiles, & fur-tout parmi les
.Signes du Zodiaque, qui fe fuccèdent, paffent les uns fous les autres, & fem-
blent quelquefois s’allier & s’unir fous diverfes figures , ôc fous des noms
différens. Il ferait trop long d’entrer à ce fujet dans une explication plus
. étendue , ôc l’on peut d’autant mieux s’en difpenfer que 1 idee qu on : en a
pu prendre jufqu’ici, & qu’on développera encore fur l’origine, la naiffance ôc
les a étions des Faux-Dieux , peut fuppléer à cette explication. C e que Ion
dira, dans la Seôtion de Saturne , donnera beaucoup de jour a ce que 1 on
vient de rapporter, d’après la Fable, au fujet de ce D ieu & de fes prétendus
enfans. Venons à ce que la Numifmatique nous a donné de Jupiter.
Jupiter fu r les Médailles.
Jupiter unique, par la grâce des Mythologues, a paru fur une infinité deMo-
numens confacrés à fon honneur, dans la plus haute ôc la plus aveugle Antiquité.