
8 IN T R . A L A S C IE N C E D E S M É D A IL L E S ,
precienfe pour lui que les Corndia Super a , les Tranquillines & lés P ef-
ctnni us-.
” C e n’eft pis que M. l'Abbe Geinoz Veuille condamner ceux qui n’épargnent
rien pour recueillir toutes les têtes des-Perfonnages illuftres de l’Antiquité.
Il avoue que les Médailles ne feroient pas dépouillées de tout mérite,
quand même elles ne fendraient qu’à nous conferver les portraits des Grands
Hommes ; mais ce n’eft point là ce qui doit les faire principalement rechercher
par un Homme de Lettres. Si une Médaille de Pejcennius ne porte aucune
date particulière, fi elle n’apprend aucun fait Hiftorique-, & quelle ne
nous préfente qu’un portrait, il eft indifférent à celui qui veut devenit
favant, que cette pièce rare foit entre fes mains ou dans celles d’un autre.
To u t le monde convientde l’exiftence de Pefcennius -, le Curieux qui pofféde
fa Médaille n’en eft pas plus affuré qu’un autre ; l’Homme de Lettres voudrait
fixer précifement le temps où ce Prince a vécu ; il voudrait apprendre
quelque circonftance particulière de fa vie. Si la Médaille ne peut l’inftruire
de ce qu’il cherche, il eft prefque inutile qu’il l’ait vue. Mais exiger d’un
Curieux, & d’un Curieux Homme de Lettres, qu’il s attache toute fa vie
à démêler la différence de l’Antique & du Moderne, qu’il defcende j ufqu’au
détail de la gravure & de la fabrique des Médailles, n’eft-ce point , dira-
t-on , le réduire à la condition d’un fimple Artifte ? N ’eft-ce point même
lui impofer une obligation qu’il fera hors d’état de remplir, puifque le goût
qu’il doit avoir pour la ledture, ne peut s’accorder avec la diffipation infé-
parable de la vie d’un homme, qui s’occupe à parcourir des Cabinets ?
>> M. l’Abbé Geinoz conviendrait de la vérité de cette objeétion, fila
connoiffance de ce qu’il appelle le matériel de la Médaille , demandoit une
application férieufe pendant un long efpace de temps» ou s’il n’avoit pas
fuppofé un goût.particulier pour les Médailles dans celui, qui veut acquérir
cette connoiffance. En effet, fans ce goût, ce feroit peut-être faire trop peu
de cas de fon temps que de le confacrer à cette étude ; mais il s’agit ici d’un
Curieux en qui 1 amour des Lettres augmente le penchant naturel qu’il fe
fent pour ces précieux relies de l’Antiquité. Il eft vrai que fi ce travaildevoit
être fans aucun fruit, l’on feroit en droit de fe l’épargner ; mais M. l%Abbé
Geinoz prouve furabondamment, par un exemple que lui fourniffent les
Médaillés, que la feule fabrique de ces monumens peut, en certains cas,
répandre un très-grand jour fur des faits que l’Hiftoire n’a pas fuffifamment
éclaircis ; & il en réfulte que l’Homme de Lettres connoiffeur en Médailles ,
les voit d’un oeil bien différent de l’Artifte le plus expérimenté.
» Le nom de Caraufius n’eft ignoré de perfonne. O n fait que ce Prince,
fous le régné de Dioclétien & de Maximien, fe rendit maître de la Grande
Bretagne, & qu’il y prit le titre d’Empereur. Il feroit inutile de remarquer
ici que les Médailles de Caraufius nous apprennent plus de circonftances
de fa vie que nous n’en favons par l’Hiftoire ; ce point particulier feroic
la matière d une ample differtation. M. Geinoz fe borne uniquement à
parler de deux de fes Médailles, fur lefquelles, du côté de la tête, on lit ,
IMP. Caraufius, P. F. A V G . & au revers , Pax A V G G G . avec trois G.
Le type n a rien de remarquable ; c’eft la Déeffe de la Paix debout, qui
d une main élève une branche d’olivier , & de l’autre ou s’appuie fur une
hafle, ou la tient en ligne tranfverfale; car il y en a dans ces deux attitudes.
O n diftingue auffi plufieurs lettres dans le champ & dans l’exergue de ces
Médaillés. La fabrique en paraît plutôt barbare que Romaine ; elle eft
telle , en un m o t, que celles de toutes les autos Médaillés de Caraufius.
Mais ce qu’on y découvre de plus fingulier, ce font les trois G. qui défignent
trois Auguftes,, comme tous les Antiquaires en conviennent. Q u i font-ils,
en effet, ces trois Auguftes qui ont fait la paix. avec. Cataüfîus, & qui l’ont
reconnu pour leur Collègue, eh l’affociant avec eux à l’Empire ? Tous les
Auteurs gardent un filence profond fur un fait fi important, dont nous
ignorerions encore la vérité, fi nous n’avions pas d’autres Médaillés exactement
femblables en tout à cëllés'de Caraujius, excepté quelles portent
le nom, les unes de Dioclétien, les autres de Maximien. La fabriqué de
ces Médailles eft fi parfaitement la même , qu’il faut démentir fes propres
yeux, pour douter quelles n’aient été frappées dans le.même lieu , &
dans le même temps, & par Conféquent deftinées à conferver à la poftérité
la mémoire du même evenement.
| | Nous pouvons donc affurer avec confiance, pourfuitM. l’Abbé Geinoz
( & cette confiance nous la devons à la feule infpeétion de la fabrique des
Médailles ) , que Dioclétien & Maximien ont reconnu Caraufius pour
Empereur. Ils y furent forcés, fans doute, par quelque victoire que ce
Prince remporta fur eux. Ils aimèrent mieux lui donner la qualité de leur
Collègue, & confentir qu’il régnât fous ce titre dans la Grande Bretagne
dont il s’étoit emparé, que d’être forcés de rapprocher en deçà de cette Me
les bornes de l’Empire Romain. Cependant, comme dans ce traite tout
l’honneur & tout l’avantage étoient du côté du nouvel Empereur, les deux
anciens ne fe feront point empreffé d’en perpétuer le fouvenir, & Caraufius
au contr aire, n’aura rien négligé pour le faire. De-là vient que les Médailles
oû cet événement eft exprimé, tant celles qui font avec la tête de Caraufius
que celles oû l’on lit les noms de Dioclétien & de Maximien , n’ont point
été frappées à R om e , mais ou dans la Grande Bretagne, au dans quel-
qu’autres Pays qui favorifoit le parti de Caraufius. Il en eft de même des
Médailles fuivantes du même Prince, l'une en petit bronze, qui a pour
légende loetïtia A V G G G . avec trois G. & deux d’argent, fur la première
des quelles on lit Romeo P ictrici, au-tour d’un Temple a huit colonnes y1
dans lequel on voit Rome affife, & fur l’autre, Romanorum Rénova. Abrège
de ces mots , Romanorum Renovatio. autour de la louve qui allaite les deux-
jumeaux.
» A u re fte , dit encore M. l’Abbé Geinoz, ce feroit avoir une idee peu
jufte des Médailles, que de borner leur utilité a des obfervations de cette
efpèce. Q u ’on life l’ouvrage du Savant Sphanheim, & l’on conviendra
aifément que dans une infinité de circonftances les Médaillés font d un
très-grand fecours. N e leur faifons pas cependant 1 honneur de croire que
leur étude fe puiffe féparer de la lecture des Auteurs anciens j fouvent les
Médailles aident les livres j elles éclairciffent des paffages ÿ elles fuppleent
des dates ou des noms, & redreffent même quelquefois des erreurs j mais
pour un fervice qu’elles rendent à l’Hiftoire, elles en reçoivent mille des
Hiftoriens ; & tous d’une fi grande conféquence, qu avec les livres fans les
Médailles on peut favoir beaucoup, & favoir bien, & qu avec les Médaillés
fans livres, on faura peu, & l’on faura mal.