
colonnes en forme d’un double portique. Il avoit foixante & onze toifes de
longueur, fur plus de trente-fix de largeur : on y comptoic, comme dans
celui de Bélus , cent vingt-fept colonnes de foixante pieds de haut. Ce
Temple étoit un afyle des plus célèbres, que Tibère abolit à caufe de l’abus
qu’on en faifoit. On n en voit plus que des ruines. Les Médailles repréfen-
tent ce Temple , avec la figure de Diane au milieu ; mais le frontifpice n’y
montre que deux, quatre, fix, ou huit colonnes au plus , parce qu’il n’y a
pas allez d’etpace fur ces Monumens pour en repréfenter davantage.
Le Temple de Jupiter Olympien.
La Grèce avoit un lï grand nombre de Temples, de Chapelles & d’Autels,
qu’on en trouvoit a chaque pas dans les Villes, dans les Bourgades & dans
les campagnes. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à lire les Anciens, & fur-tout
Paufanias, qui s’eft particulièrement attaché à les décrire : il en parle prefque
à chaque page de fon voyage de la Grèce.
Parmi tant de Temples, Vitruve en admiroit fur-tout quatre, qui étoient
bâtis de marbre , & enrichis de fi beaux ornemens, qu’ils raifoient l’admiration
des plus habiles Connoilfeurs, & étoient devenus la régie & le modèle
des bâtimens dans les trois ordres d’Architecture, le Dorique, l’ionique & le
Corinthien. Le premier de ces beaux ouvrages étoit le Temple de Diane, à
Ephèfe, dont on vientide voir la defeription. Le fécond étoit celui d’Apollon,
dans la Ville de Milet, l’un & l’autre d’Ordre Ionique. Ce célèbre Architecte
mettrait dans le troifième rang le Temple dÉ’leufis, bâti en l’honneur
deCérès & deProferpine, qu’Ictinus fit d’Ordre Dorique : il étoit d’une
fi vafte étendue, qu’il étoit capable de contenir une prodigieufe multitude
d’hommes. D ’abord, remarque Vitruve, ce Temple étoit fans colonnes au-
dehors, pour laifler plus de place & de liberté aux cérémonies religieufes qui
fie pratiquoient dans les facrifices ; mais Philon y ajouta dans la fuite un
Portique magnifique. Le quatrième étoit le Temple de Jupiter Olympien,
a. Athènes; il étoit d’Ordre Corinthien. Il avoit été commencé par les foins de
Pififtrate \ mais les Troubles qui fuivirent fa mort laifsèrent pendant près de
trois cens ans l’ouvrage imparfait, jufqu’à ce qu’enfin Antiochus Épiphanes,
Roi de Syrie, fe chargea de faire la depenfe nécellaire pour achever la Nef,
qui etoit fort vafte, & pour les colonnes du Portique. Coffutius , Citoyen
Romain, habile Architecte, fut choifi pour exécuter ce grand ouvrage : il y
reuflit fi bien , qu il y eut peu d’Édifiees qui l’égalaffent en grandeur & en
magnificence.
Pour fuivre le delfein que je me fuis propofé , dans le grand nombre des
Temples que la Grèce offre à notre admiration , j’en choifis deux, dont les
Anciens nous donnent la plus magnifique idée ; celui de Jupiter Olympien,
«n Elide , & celui d Apollon, à Delphes ; ils étoient les plus magnifiques. Le
premier, félon Paufanias, ainfi que la Statue de Jupiter qu’on y admiroit,
etoient le fruit des dépouilles que les Éléens avoient remportées fur les Pi-
fates & leurs Alliés, lorfqu’ils faccagèrent la Ville dePife. CeTemple, dont
Libon, originaire du pays, avoit été l’Architecte, étoit d’Ordre Dorique ,
& tout environné de colonnes en dehors ; enforte que la place où il étoic
bâti, formoit un fuperbe Périftile. On avoit employé a cet Édifice des pierres
du pays ; mais elles étoient d’une nature & d’une beauté fingulière. 'La hauteur
de ce Temple, depuis le rez-de-chauflee jufqu’à fa couverture, étoit dè
foixante
foixante & huit pieds, fa largeur de quatre-vingt-quinze, & fa longueur
de deux cens trente. La couverture étoit non de tuiles, mais d un beau
marbre tiré du mont Pentelique. D u milieu de la voûte pendoit une Viftoire
de bronze doré : au-deflous dè cette Statué étoit un bouclier d’or , fur lequel
on voyoit la tête de Médufe : aux deux extrémités de-la même voûte, deux
chaudières dorées étoient aulïi fufpendues. Par dehors, au-deffus des colonnes,
régnoit autour du Temple un cordon, fur lequel vingt & un boucliers dorés,
confacrés à Jupiter par Mumnius, après le fac de Corinthe, étoient attachés'.
g,jr je fronton de devant étoit reprefenté, avec un art infini , le combat de
Péjops avec (Enomaüs. Jupiter etoit au milieu. (Enomaiis& fa femme Ste -
roper une des filles d'Atlas'; le char à quatre chevaux , & Myrtile, Ecuyer de
ce Prince, étoient à la droit du Dieu ; Pélops, Hippodamie, & l’Écuyer avec
fes chevaux , occupoient la gauche. Toutes ces figures etôient d un Peonien,
ordinaire de Thrace. Sur le fronton de derrière , ouvrage d’Alcàmène ,* le
meilleur Statuaire de fon temps, après Phidias, étoit reprefenté le combat des
Centaures & des Lapithes; à l’occafion des noces de Pirithoiis. Une grande
partie des travaux d’Hercule étoit fculptée dans l’intérieur de cet Edifice. Sur les
portes, qui étoient toutes d’airain, on remarquoit, entr autres chofes, la chaffe
Su Sanglier d’Érimanthe , & les exploits d'Hercule contre Diomède , Roi
deThrace, contre Géryo’n , &c. Sans entrer dans un plus grand détail, j’ajouterai
qu’il y avoit un double rang de colonnes qui foutenoient deux Galeries
fort exhaufféés , fous lefquelles on palfoit pour arriver au Trône de. Jupiter.
Ce Trône & la Statue du Dieu étoient le chef-d’oeuvre de Phidias ; l’Am*
tiquité n’offroit rien de fi magnifique , ni d auffi parfait.^ La Statue , d une
immenfe hauteur, étoit d’or & d ivoire, fi artiftement meles, quon ne pouvoir
la regarder fans être frappé d’étonnement. C e E)ieu portoit fur la tete
une couronne qui imitoit parfaitement la feuille d olivier, & tenoit dans la
main droite une Viétoire aulfi d’or & d ivoire , & de la gauche un feeptre
d’une extrême délicatefle, compofé de toutes fortes de métaux, &, Termine
par une Aigle. La chauffuse & le manteau du Dieu étoient d’or : onavoïc
gravé fur ce manteau un nombre infini d animaux & de fleurs. Le Trône
éçlatoit d’or.& de pierres précieufes. L ’ivoire & lehène, avec les animaux
qui y étoient représentés, & plufieurs autres ornemens , formpient par leur
mélange une agréable variété. Aux quatre coins de ce Trône etoient placées
quatre Viftoires, qui fembloient fe donner la main pour danfer : il y en avoit
encore deux autres aux pieds de Jupiter. , . . ,
Les pieds du Trône, fur le devant, étoient ornés de Sphinx, qui arrachoieiît
de tendres enfans du fein des Thébaïdes : au-deffous, on y voyoit po o n &
Diane qui tuoientà coups de flèches les enfans de Niobe. Quatre traverles, qui
étpient aux pieds du T rôn e , & qui s’étendoient d’un bout a l’autre, étoient ornées
d’une infinité de figures : fur une étoient reprefentes fejit Vainqueurs aux
Jeux Olympiques ; on voyoit fur une autre Hercule prêt a combattre es
Amazones ; les combattans de part & duutre etoient au nombre de vingt
neuf. Outre les pieds du T rôn e , il y avoit encore des^colonnes qui le oute
noient. Enfin une grande baluftrade peinte , & ornée de figures, régnoit
autour de l’ouvrage. Panenus, habile Peintre de ce temps-la, y «ivoit repre-
fçnté , avec un art infini, Atlas qui fqutient le Ciel fur fes épaules, & Her-
cule prêt à fe charger de ce fardeau , Théfée & Pirithoiis, le combat d Hercule
contre le Lion de Némée, l’attentat d’A jaxfur Calfandre ,Hippodamie
avec fa mère , Prométhée enchaîné , & mille autres fujets de 1 Hiftoire aiu