
Édifice, une partie de la tête d’Agrippa en bronze , un pied de cheval &
un morceau de roue du même métal, il y a apparence que ce grand homme
étoit repréfenté lui-même en bronze fur ce Portique , monté fur un char à
quatre chevaux.
Quant à ce que j’ai dit que ce Temple fubfiftoit aujourd’hui en entier,
on doit l’entendre du corps de l’ouvrage : en effet, il eft pofé fur de lî folides
fondemens, que rien n’a été capable de l’ébranler. A u ffi, félon un Archi-
te&e Romain, dont le manufcrit étoit entre les mains du P. Dom Mont-
faucon , ces fondemens font compofés d’une malfe qui s’étend non-feulement
fous rout l’Édifice , mais encore bien avant au-delà de fes murailles. Pour les
ouvrages fuperbes , les Statues, Sc autres chofes précieufes dont il étoit rempli
tout a été diffipé. Les plaques de bronze doré , qui couvraient toute la
voûte, furent enlevées par l'Empereur Confiance III. Le Pape Urbain VIII.
fe fervit des poutres du même métal, pour faire le Baldaquin de Saint Pierre,
& les groffes pièces d’Artillerie qui font au Château Saint-Ange. Les Statues
des Dieux , qui étoient dans les niches qu’on voit encore dans l’intérieur
du Temple , ont été pillées ou enfouies : il n’y a pas même bien long-temps,
qu’en creufant près de cet Édifice, on trouva un Lion d’un beau marbre
d’Égypte, accompagné d’un autre : ils fervirent à orner la Fontaine de Sixte V ,
fans parler d’un beau & grand vafe de porphyre , qu’on plaça près du Portique.
En général, cet Édifice étoit très-magnifique, parfaitement bien bâti,
dans de juftes proportions il fait encore un des plus beaux ornemens delà
Ville de Rome.
S e c t i o n II.
D e s Autels SC des Trépieds facres.
Noüs traiterons à-peu-près des Autels, comme des Temples ; nous parlerons
i°. de leur Antiquité; z°. des différens noms qu’on leur a donnés;
de leurs différentes formes ; 40. de leurs divers ufages ; j ° . enfin de la place
qu’ils occupoient dans les Temples & ailleurs.
i°. L’ Antiquité des Autels a précédé celle des Temples chez les Adorateurs
du vrai Dieu & chez les Païens. Les Patriarches en dreffèrent avant
Moyfe , par-tout où ils fe trouvèrent plus particulièrement obligés de folli-
citer ou de reconnoître les bontés du Seigneur : les premiers Idolâtres ne
furent en cela que leurs Imitateurs, quand ils voulurent louer ou invoquer
leurs faux Dieux. Tout étoit fimple dans ces premiers temps,’ comme nous
l ’avons déjà obfervé , & ces Autels n’étoient formes que de monceaux de
terre , de gazon , ou de pierres brutes , quelquefois même de bois. Celui de
Jupiter Olympien n’étoit qu’un tas de cendres ; des cornes de boeufs, de
chevreuils ou de différens animaux amoncelées en compofoient d’autres.
Mais cette fimplicité ne dura que jufqu’à la conftruction des Temples.. Alors
on drefTa des Autels de bois, de pierre, de brique , de marbre , de bronze
S c d’or même. Il y en avoit peu de bois : ceux de pierre S c de marbre étoient
plus communs que ceux de bronze ; mais ceux d’or étoient fort rares. On en
voyait un dans un Temple de Jupiter, à Babylone. Il étoit fans doute devant
la Statue de ce D ieu , dont la matière étoit d’o r , comme celle de fon Trône,
de la Table S c du Marchepied : le tout pefoit huit cens talens d’or.
z ° . Les noms quon donna aux Autels exprimoient affez ce que c’étoit.
LesGirecs, par exemple, âppelloient ürt Autel Borftos, mot dont l’étymologie
fignifie une bafe, un Tribunal : ils nommoient Tfïbomos un triple Autel ,
dû Un Autel à trois faces , dédie a trois Divinités, confirait devant leurs
3tàtües, oti trois Autels âdôffés l’un contre l’autre , comme il y en àvoit dans
plüftëifis Tëmplés. Lès Làtifis Ont donné le nom a A lia te , à certains Autels,
fë Qui fi^hifie quelque clidfe d’élëvé au-dëffiis d’une fupèrficie, & celui d'Ara
à d’âiiffes Autels qui étdlëht du plus bas, ou meme crèufés dans la tetré.
Slif les bi'ëiiriers Aiitéls , àppêllés A lt aria , on facrifioit aux Dieux du C ie l,
ziil Dieux dë la Terré & dés Enfers indifféremment ; mais on n’offroit
pas âê lâCrifiCès aux Dieux Celeftes fur les féconds appelles A rue, félon certains
Aütëüfs ; cé qui néitipêchê pas que ces deux noms, Altare & Ara
n’âient prèfqiie toujours pâfle póilr Jynonymès. Les Autels de terre ou de
gâzôli s âppelloient A ra Cejfpiüda Ou Gramineoe.
j t . i l y én avoit de forme exaàémént q u a r ré ed ’autres etoientdes quatrés
lôiigs ; d’autres enfin étoient ronds : quelques-uns étoient à plufieurs angles, &
d autres prefquë triangulaires. O n doit compter auffi au nombre des Autels
lès Trépieds facrés, fur lefquëls On facrifioit egalement comme fur les A utels,
fiif-tôüt, les liqueurs. Suivant l’étymologie, ces derniers Autels étoient appelles
Trépieds , parce qu’ils étoient à trois pieds. Les uns étoient fort hauts, &
les autres fort bas ; d autres étoient à pieds de biche ou de lion : il y en avoit qui
étoient pôfés fûr une bàfe ; d’autres fans bafe paroiffoient fortir de la terre
ftü du pavé de l’Édificë. Leurs formes & leurs oniemêns fe trouvent fort variés
, âùffi bien que ceux des autres Autels, fur les Médailles S c fur les autres
Môhûmé'ns, comme on lè verra par quelques repréfentations que nous don*
hérons dans la fuite.
Il faut ôbferver qüë là forme & les ornemens des Autels & des Trépieds
étoient rarement arbitraires, S c que l’on vouloit pour l’ordinaire qu’a la vue
dun Autel ort put cohhoîtfe fans peine à quelle Divinité il étoit confacré :
ç’eft ce qui étoit annoncé ou par fa forme , ou par fon élévation, S c encore
mieux par fes bas-reliefs, fes feuillages S c fes Ornemens. Un Trident & deux
Dauphins, par exemple, défîgnoient un Autel de Neptune ; une Bacchante
avec le Thyrfe, un feuillage de lierré, ou dès pampres de vignes, marquoient
un Autel de Bacchus ; un Homme ou un Génie ailé, dont le manteau flotte
au gré des Vents, S c qui femble jouer du cor avec une longue coquille torfe,
indiquoit un Autel des Vents que l’on adorait à Delphes ; un Corbeau
fur un Trépied fignifioit un Trépied confacré à Apollon ; un Serpent,
ou un Trépied, annonçoit un Autel confacré âEfculape St a d autres Divinités
qu’on croyoit préfider à la Santé ; une Aigle , ou la foudre, étoit la marque
d’ün Autel dédié à Jupiter ; des branches ou des feuilles de laurier défîgnoient
les Aucels d’Apollon ; celles de myrte, les Autels de Vénus ; les épies de bled,
ou bien des pavots, les Autels de Cérès ; le lotus, ceüx de Sérapis, &c.
40. Les Autels ne fervoient pas feulemeht aux facrifices : le refpedt que les
Païens avoient pour eux les engagebit à y avoir recours comme a des elpeces
de D ivinités, dans les affaires de la plus grande importance. C ’étqit devant
les Autels, S c en les touchant, comme nous faifons le Livre dès Evangiles,
que les Rois S c les Peuples juraient les Traités de paix S c d’alliance, les Ma-
giifrats la fidélité, les Particuliers leurs réconciliations S c leurs mariages. C e-
toit encore en préfence des Autels qu’ils faifoient des repas publics, croyant
apparemment par-là y faire régner plus Purement S c plus efficacement 1 ordre,
N n ij