
victoires & c . , avoient été de quelque grande utilité à la République, mon-
xoient au C ie l, après leur mort, pour y prendre féance avec les D i e u x &
qu’on devoir les adorer & les invoquer.
Dans ceete perfuafion , on paffoit bientôt, chez les Romains , après la
mort des Princes & Princeffes , du deuil & de la trifteffe à la joie , & les
cérémonies funèbres étoient auffi-tôt changées en pompes les plus brillantes,
les plus glorieufes & les plus réjouiflantes. Les Égyptiens faifoient
le Procès aux Morts; & s’ils approuvoient, louoient & enfeveliffoient avec
■ honneur ceux qu’ils trouvoient avoir fait le bien, ils condamnoient fans
miféricorde & fans partialité ceux qu’ils regardoient comme des méchans :
Rois & Bergers , Riches & Pauvres étoient en te cas privés des honneurs
de la fépulture , blâmés & punis ; cé qui étoit regardé comme le comble
de l’opprobre & de l’ignominie, après la mort. Les Romains, au contraire,
élevèrent indifféremment au comble de la gloire , les bons & les mauvais
Princes , & rendirent les honneurs fuprêmes de la Divinité aux Grands,
indépendemment du mérite. Leurs Apothéofes & leurs Confécrations
couvraient les crimes les plus infâmes & les plus atroces , plus fouvent
quelles n’honoroient la juftice, la bonté, la pudeur & les autres vertus.
Quo i qu’il en foit de leur facilité à changer en un moment des Monftres,
en Divinités, rien n’étoit plus grand , ni plus pompeux, que les cérémonies
de l’Apothéofe ou de la Confécration ; rien de plus digne de l’am-
Lition d’un Mortel. Sans doute queii prodiguant moins leurs adorations,
ils n’euffent pas vu tant de crimes & tant de fiujets d’horreur fur le trône.
Dès qu’un Empereur, ou quelqu’autre perfonne, en faveur de qui ils
étoient réfolus de célébrer cette pompe fi difpendieufe, étoit mort, on em-
baumoit fon corps, ou, ce qui étoit plus ordinaire , on le faifoit brûler , &
l ’on mettoit les cendres dans une urne de verre , de terre , ou de quelque
autre matière , que l’on plaçoit enfuite dans un tombeau, fous des.colonnes
ou des maufolés de différentes formes. Tout cela fe faifoit avec de grandes
folemnités , comme on le verra par le paffage de Dom Montfaucon, & par
les Auteurs qu’il cite pour faire connoître en quoi confiftoit l’Apothéofe
chez les Grecs, & enfuite chez les Romains. Il ne fera pas difficile de s’apper-
cevoir que les derniers n’ont fait dans cette Cérémonie, comme dans bien
d ’autres occafions, que copier les Grecs.
A P O T H É O S E S D E S G R E C S ,
A v e c l’e x p l i c a t i on d’un bas-relief contenant l’Apothéofe d’Homère,
tirée du V e. Volume de l’Antiquité expliquée de Dom Montfaucon, part.
Ire. pag. 1 6 3. & fuiv.
» L ’ufage des Apothéofes avoir paffé des Grecs aux Romains : nous avons
» vu , à la fin du premier T ome, plufieurs. grands Hommes mis au nombre
» des Héros ou des Dieux. L ’Héroïfme fe prenoit auffi pour une efpèce de
» déification ; nous en avons vu un exemple dans Thucydide. Brafîdas,
» fameux Capitaine Lacédémonien, ayant été tué près d’Amphipolis, les
» Soldats & les Auxiliaires fie tenant fous les afmes, l’enfevelirent devant
■ » l’endroit de la Ville où fut depuis le marché. Les Amphipolitains non
» contens de cela , firent une enceinte autour de fon tombeau, lui ren-
« dirent les honneurs qti’on rend aux Héros, établirent des Jeux & des
„ Sacrifices annuels, &t le regardèrent depuis comme le Fondateur de leur
M Colonie. ; ,
». C e que Lucien raconte, dans fon Traité contre la calomnie, touchant
» l’Apothéofe d’Hépheftion ami d’Alexandre le Grand, mérite detre rap-
» porté ici. Hépheftion étant mort, Alexandre quiTai.môit jufqua la folie,
» ne fe contentant pas des funérailles magnifiques qu il lui avoit fait faire ,
» ,1e mit au nombre des Dieux. D ’abord les Villes lui bâtirent des Temples,
» lui érigèrent des Autels, & lui offrirent des Sacrifices ; on fit des fetes par-
» tout en l’honneur du nouveau D ieu , & le plus grand de tous les fermens
» étoit par Hépheftion. Si quelqu un eût ri de tout cela, ^ ou eut paru
» n’avoir pas pour le Dieu Hépheftion tout le refpeét qui lui étoit dû , c’eût
» été un crime capital irrémifhble. Les flatteurs voyant cette conduite
» puérile & fi déraifonnable d’Alexandre, loin de len détourner, envifa-
» géant plutôt leur faveur que l’honneur de leur Maître, 1 animèrent meme
» à en faire davantage : ils feignoient des fionges , & des apparitions dHe-
» pheftion ; ils lui attribuoient des guérifons & des prédirions, & lui facri-
». fioient comme à un Dieu reçu dans la compagnie des autres Divinités,
» & qui délivrait de toutes fortes de maux. Cela fit plaifir a Alexandre,.;
,, il le crut ; il s’enfla de vaine gloire , non feulement comme étant le fils
». d’un Dieu , mais auffi comme ayant le pouvoir de faire de nouveaux
» Dieux. Combien n’y eut-il pas en ces temps-la d.amis d Alexandre qui
„ - étant accufés de n’avoir pas la vénération due au nouveau Dieu bienfai-
» teur de tous les hommes , tombèrent en la difgracc du Roi. D e ce nom-
» bre-lâ fut Agathocle Samien, célébré Capitaine , & fort confidere par
» le Roi : étant donc accufé d avoir pleure en paffant devant le tombeau
» d’Hépheftion, peu s’en fallut quil ne fut par ordre du Roi renferme
» avec un Lion furieux ; mais Perdiccas le fauva, en a.ffurant & jurant par
» tous lès D ieu x , & par H épheftion, qu étant a la chaffele nouveau Dieu
» lui étoit apparu fort clairement, & lui avoit ordonne de dire.a Alexandre
» qu’il pardonnât à Agathocle, parce que s’il avoit pleuré devait fa tombe,
» ce n’étoit pas qu’il regardât Hépheftion comme mort, mais ceft quil
» s’étoit fouvenu de leur ancienne amitié .& familiarité.
« L ’Empereur Hadrien fit mettre au nombre des Dieux Antinous fon
» mignon : 011 lui bâtit des Temples ; on lui attribua des Oracle? . on le
» voit dans certaines infcriptions appelle Synthrone des Dieux -, ce. qui veut.
» dire , participant au même Trône que les Dieux. Le culte d Antinous.
» fut encore continué après la mort d Hadrien. t , ,
.. L'Apothéofe d’H omère, tirée d’un marbre Romain , a ete expliquée.
>> par plufieurs favans H ommes, favoir le P. Kircher , M. Cuper, M. Span-
» heim, M , Fabtreti qui n’a donné fur ce Monument que quelques notes,
« mais fort exadtes, & enfin M. Schott qui a fait en 1714 . une belle di.-
» fertation pour l’expliquer : quelques autres en ont auffi parle ; mais voila
» les principaux. Le fond de l’Image eft une montagne, que le P. Kircier
« a pris pour le Parnaffe ; M , Cuper aime mieux croire que ceft le mont.
» Olympe; l’antre des Mufes fembleroit faire pour le premier fentiment,
» mais la chofe eft trop peu importante pour s’y arrêter prefentement..
. » Prefque au fommet de la montagne on voit Jupiter affis fur une rocfie,
>* demi-nu, à fon ordinaire, tenant de la main droite un fceptre , 1 Aigle
?» qui eft à fies pieds, e ftl’oifeau qui l’accompagne ordinairement. 1 lufieur»