
S e c t i o n XI .
D e C e rh , Péréphatta SC Perféphone , félon L’Écriture Hiéroglyfique.
Gérés, Péréphatta & Perféphone font trois mots fignificatifs d un certain
état de la Nature & du Genre humain, que l’on a voulu repréfenter par
l ’Écriture Hiéroglyfique, c’eft- à-dire, par des Figures accompagnées de fym-
boles , d’attributs & d’autres chofes relatives à ce que l’on vouloit apprendre
au Peuple, au fujet de cet état de la Nature & des Hommes.,
Dans les premiers temps qui fuivirent le Déluge, on s etoit fait, comme
on l’a dit plus haut, un devoir & une religion d’établir des F êtes commémoratives
&c repréfentatives du trille état ou fe trouva la Terre & toute la Nature, apres
que les eaux du Déluge furent retirées & delféchées : alors les campagnes
bouleverfées, les terres refoidies aulfi-bien que 1 air, & les faifons dérangées
avoient diminué confidérablement l’abondance des moiflons & la qualité des
grains, altéré par conféquent la fanté des hommes, & mis des obllacles infinis
au bon fuccès du labourage & du travail des hommes. L efprit des Ceremonies
& des Fêtes repréfentatives de ce malheur étoit de le faire fentir, & de
donner en même-temps quelque efperancc d un heureux changement, qui
feroit renaître l’abondance, adouciroit le travail, & contribueroit a la fante.
Ofir is, Ifis & Horus fervirent encore à ce deffein, & y trouvèrent pour ré-
compenfe la gloire & l'avantage de devenir encore une fois de nouvelles D ivinités,
fous d’autres noms.
O n repréfenta, dans les Affemblées, Ofiris avec un air abattu, inquiet,
éploré & propre à infpirer une trifteffe profonde pour un evenement aufli
malheureux, & pour la dcftruétion prefque totale de la Nature & la perte
de fafécondité.. Le nom qu’on lui donna, fut exprelfif ; ce fut celui de Çeres,
qui lignifie fraCture, ruine, bouleverfement. Ofiris transformé, comme nous
venons de le dire, voulut bien le recevoir pour le temps de la Fete.
Pour faire naître l’efpérance de recouvrer les biens , dont Ofris-Ceres de-
ploroit la perte, on imagina de lui donner une fille égarée & fugitive ; mais
quelle pouvoitretrouver en prenant la peine de courir après, & de la chercher
avec beaucoup de foin- Cette fille fignifioit l’Abondance, les Bleds perdus ,
& cachés dans les mauvaifes herbes qui donnoient un nouveau travail, en rendant
le premier prefque inutile fans l’aide du fécond. Péréphatta & Perfephone
furent les noms fignificatifs de ces pertes. Voilà la fille que-1 on fit chercher
à Cérès avec tant d’emprelfement &. à laquelle les Latins donnèrent le nom
de Proferpine, qu’ils fubftituèrent à ceux de Péréphatta & de Perfephone.
Pour perfectionner la repréfentation expreffive des pertes, & nourrir en
même-temps l’efpérance prochaine de recouvrer les biens que 1 on regrettoit,
on donna une Compagne confolante à Cérès ; c’étoit la tendre Baubo ou
Bécubo, que l’on repréfenta venant au devant de Cérès défolee & affamée ,
lui offrant des rafraîchiffemens. & des vivres en abondance, pour lui faire
concevoir la douce efpérance de voir renaître la fertilité de la terre. L e nom
de Baubo rendoit l’aâion d’infpirer cette efpérance & cette joie. A Baubo
l’on joignit C élée, R o id ’Éleufis &Triptolême fon fils, qui, félon le fens de
la repréfentation, venoient apprendre de Cérès à faire & a enfeigner ce que
lignifie leur nom j favoir, le premier à faire des vans, des panniers & d autres
inftrumens propres aux müifTohs-i; lè fécond à ouvrit des filions, à fendre la
terre, à gouverner la charrue. Celeé dans le tableau ou fur l'affiche repré—
Tentative tenoic la place d’Ifis, & Tripûlême celle d ’Horus. Les pavots , les
épies, les panniers pleins de fruits & de vivres, que l’on voit avec ces Figures,
& que l’on portoit réellement dans lès Fêtes quelles annônçoient, enfin l'Enfant
& le Serpent, qui fë trouvent ou dans le van ou dans la corbeille, font
des fymbôles relatifs, les pavots, les épies & les fruits à l’abondance des tnoif-
fons ,' les panniers, la charrue & l’enfant Horus aux travaux du labourage ,
enfin le Serpent a la fanté & au recouvrement des forces : le tout enfemble
marquoit le retour des belles faifons, telles qu’elles pouvoient être avant le
Déluge. Les torches, que l ’on voit entre les mains de Cérès, nous apprennent
qu’après cette funefte inondation, les hommes, faute d’autre invention, furent
obliges de faire des torches & des amas d’ecorces de bois réfineux & dë
femblables-matières combuftibles, pour s’éclairer & fe chauffer.
Les Grecs accoutumées à réalifer & à|perfonnifierles fymbôles, les figures,
& même leurs attributs & leurs, ornemens, ont trouvé dans ce vafte champ
d’idées & de figures, dont nous venons de parler, une pépinière de toutes
fortes de D ivinités, parmi lefquelles ils ont encore fait ou rencontré des Rois,
des Reines, des Héros & deS Héroïnes, avec des aétions, finon belles, du
moins extraordinaires, myftérieufes & furprenantes. L ’amour de la Fable leur
a fourni une fource intariflable de pareils Dieux , dont ils. ont été. les Créateurs.
Voyons ce qu’ils ont fait.de Cerès, en fuivant ce goût dépravé.
D e Cérès SC de Ségétia, félon L'HiJhire SC la Fable.. ■
Cérès, Ifis & Ségétia font trois Divinités différentes en elles-mèmês, félon
la Fable , &les mêmes dans le fond : elles furent connues & adorées fous diffé-
rens noms, dans des temps & chez des Peuples differens. Voici ce que l’Hif-
toire ou la Fable nous apprennent de Cérès & Ségétia. O n parlera plus loin de
la fameufe Ifis..
Cerès eft la même qui fut connue, chez les Égyptiens, fous le nom d’Ifis.
Les Grecs en ont faitune Déeffe particulière, Mère de la T erre, Inventrice des
Arts, & qui préfidoit aux Moiflbns: ils lui ont donné des noms & des •titrés
relatifs aux idees qu’ils avoient imaginées. Ils l’appellèrent D entêter ou Gémé-
ter, c’eft-à-dire, Mère de la T e r r e S ito ou Deeffe Productrice du froment •
Truffera , pour exprimer l’aétion de porter , & de donner des fruits : le titre de
Toedifera, lui eft venu de ce que, pour chercher fa prétendue fille Proferpine,
elle prit, dit-on, deux flambeaux allumés : elle eft fouvent ainfi repréfentée
fur les Médailles & fur d’autres Monumens. Elle eut encore plulieurs autres
noms, qu’il feroit inutile de rapporter ici.
Cérès SC Ségétia fu r les Médailles-.
Elle eft repréfentee de bien des façons fur les Monnoies antiques. A la
face dun grand nombre de Pièces, c’eft ordinairement une tête de femme
fort jeune, couronnée ou coëffée d’épics, quelquefois entre-mêlée de faucilles.
A u revers , elle a fouvent un grand voile fur la tête. Mie eft tantôt debout,
tantôt affife & tantôt placée fur un Char traîné par deux Serpens ou par deux Lions.
On ia trouvera rarement fans épies, foie fur fa tête, foit à la main, foit plates
auprès d elle, à moins quelle ne foit repréfentée comme cherchant Proferpi-
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