
» bon, & dans la Prophétie de Baruch, en quels excès & en quelle infâme
» proftitution l'ancienne Religion avoit dégénéré. Depuis que la ^cupidité,
» autorifée par la coutume, eût converti les, plaifirs les plus déréglés, en
„ autant d’actes de dévotion , les Temples & les Bois de la Deefle de la gé-
» nération fe remplirent de filles qui y faifoient leurs réfidences. Ces lieux,
•> par cette raifon, furent nommes les Pavillons des filles. Les Européens
» ne pouvoient prononcer le mot Phénicien, Veno th, les fille s , qu en difant
» Vénos ou Vénus ; & entendant fouvent parler des tentes de Vénos , ils
» prirent ce dernier mot pour le nom de la Deefle meme, ou pour le nom
» de la génération.
» C ’eft pour exprimer ce dernier fens, que les Syriens donnoient encore
>» à la même Ifis les noms de Mylitta, ou d’Illithye, & les Arabes celui d’A lita
» ou d’Halilat.
« Quand on lit le Poëme féculaire d’Horace , on eft un peu furpris que
» ce Po'ëte , qui connoifloit fi parfaitement toutes les bienfeances , adrefle à
„ Diane des demandes dont l’accompliffement ne paraît guère de la compé-
» tence , ni du caractère de la chafte Déefle. Il la fupplie d’aider les mères
„ dans leurs couches : il l’appelle Illithye SC DéeJJe -de la génération, genita-
„ lis diva : il lui recommande fur-tout de faire profpérer, par une fécon-
» dite heureufe , les Loix & les Réglemens que le Sénat venoit de faire,
» pour remettre le Mariage en honneur. C ’étoit-là l ’emploi de Vénus, ou
» plutôt de Junon. Diane ne préfidoit pas au Mariage; & elle paffoit pour
» ne pouvoir fouffrir le nom d’Époufe, ni celui de Mère. Comment fe peut-
» il faire qu’il y ait un fi grand fond de refiemblance entre ceslDéeffes, qu’on
» puiffe adreflèr à l’une les qualités & les fonctions, dont les autres font les
« plus jaloufes ? O n ne trouve fans doute que contràdi étions & qu’embar-
w ras , quand on veut leur afligner à chacune leur jufte département, &
» empêcher les querelles. Mais notre explication, qui les rapp elle toutes à
» Ifis, concilie aifément ces démêlés. Elles font différentes , piarce qu’elles
» ont changé de pays, d’habit, & de nom ; mais quoiqu’on en ait de même
» diverfifié les hiftoires, les inclinations & les emplois, elles for.t au fond la
■> même chofe. La févère Diane ne veut point perdre à Rome les titres
» d'Illithye, & de Déefle de la génération qu’on lui donne en O rient. Junon,
» Vénus & Diane ont ainfi les mêmes prétentions , & leurs con flits de juri-
» diction attellent ici l’unité de leur origine. Toutes font proven ues du Sym-
» bole des Fêtes où l’on louoit Dieu des effets de fa fécondité. «
C e paffage de M. Pluche nous fait fuffifamment connoître de quoi nos
Pères., livrés à leurs ténèbres, fe font fait des Divinités, & quelle ■ a été en particulier
l’origine de la Déefle Vénus.
D e la Déejfe Vénus, félon l'Hifloire , la Fable SC la Numifmatique.
O n fait déjà la diftinétion que la Mythologie met entre Vénus la Célefte
& la Populaire. Elle crut devoir multiplier encore cette même Divinité, par
plufieurs raifons ; le grand nombred’Amans ou de Maris, qu’on j ugea à propos
de lui donner, ne fut pas une des moins convenables, afin de li d épargner la
honte & les reproches de fes infidélités.
La Vénus Célefte , ou Uranie, n’infpiroit de l’amour que pour les chofes
céleftes & divines, pour les connoiflances fpirituelles & pour .la vertu. La
Fable la fait defcendre du C ie l , & lui donne Saturne pour Epoux. La Numifmatique
mifmatique la montre comme une femme qui, enlevée fur un char à deux
lions, fe difpofe à fixer fon féjour parmi les Aftres.
La Vénus Populaire, fuivant la Fable & l’Hiftoire, eut des inclinations
totalement oppofées. C ’eft de l’écume de la Mer qu’on prétend quelle fut
formée. O n plaça à fa fuite les Jeux , les R is , les Grâces & tous les Plaifirs.
Eft-il furprenant qu’avec une femblable cour elle eût l’art de charmer , fans
qu’on pût s’en, défendre ? Les Dieux en firent eux-mêmes l’épreuve dans un
voyage quelle fit au C iel ; ils prétendirent tous à l’honneur de l’époufer. Mais
Vulcain , quoique laid & boiteux, eut la préférence, pour avoir forgé les foudres
dont Jupiter fe fervit fi utilement contre les Geans : au refte, la figure
de Vulcain lui attira bien des rivaux ; Mars , Anchife & Adonis furent
entre autres favorifés de la Déefle. Elle eut pour enfans les Cupidons, qu’on
voit quelquefois attelés à fon char ; honneur qu’ils cédèrent, pourtant ,
dans certaines occafions , aux Colombes, ou Pigeons, & a d’autres oi-
feaux.
Les Peuples fe difputèrent à l’envi la gloire de lui donner des Autels,
& d’adorer en elle tout ce qui peut flatter les fens. O n lui confacra des T emples
à Lesbos, à Paphos, a Gnide, à Cythère , à C hypre, à Rom e , & dans
la plupart des Villes du Monde. Augufte, & plufieurs autres Princes & H éros,
crurent ajouter un grand luftre à leur naiflance , en fe faifant defcendre de
cette Divinité. Plufieurs Princeffes la prirent pour leur Déefle tutelaire, &
pour leur modèle. Elles fe firent repréfenter avec fes attributs , fes épithètes
& fon nom : elles lui prêtèrent aufli leur titre d’Augufte. Delà les légendes
des Médailles des Fauftines, des Julies, de Crifpine, deLircille, d’Etrufcille
& d’autres, qui portent, Veneri Augufioe , a Venus l’Augufte ; Veneri Felici,
à Vénus l’Heureufe ; Veneri Gemtrià, à Vénus la Mere , ou à Vénus la
Féconde; Venus Coelefiis , \ é nus la Célefte. Les Empereurs qui lui ont
attribué leurs viétoires, l’ont aufli qualifiée, fur leurs Monnoies , de Véhus
l’Augufte, ou de Vénus de l’Augufte, & de Vénus la Viétorieufe , Vénus
Augujh ; Veneri Viclrici.
La façon dont on la repréfente fur les Médailles , répond à fes titres. O n
l’y trouve fous la forme d’une femme belle & jeune , fans couronne, ou
couronnée, foit de Myrte, foit de Laurier, & quelquefois nue ou à demi-
nue. Sur plufieurs Monumens, Cupidon femble folâtrer autour de fa Mère,
ou lui mettre un collier ; tantôt elle eft debout & appuyée fur une colonne,
ou fur un cippe ; tantôt elle eft aflife fur un fiège, dont la forme varie dans
plufieurs revers; fouvent enfin elle eft montée fur un char traîné par des C u pidons
, des oifeaux, ou des lions.
Par-tout elle eft aifée à reconnoître à fes attributs, aux Cupidons qui l’accompagnent
, la portent, ou la fervent, à la Colombe fon Oifeau favori, &
à la Pomme qu’elle tient , pour montrer la préférence que lui donna Paris
fur Junon & Pallas, dans la difpute fur la beauté. Quelquefois elle fe préfente
une pique à la main, ou avec une ancre autour de laquelle un Dauphin
s’entortille : d’autres fois une petite figure de la Viétoire , une palme, ou un
bouclier lui fervent d’attributs. Quand les légendes lui donnent lepitheté
de Féconde, Venus Genitrix, alors elle eft repréfentée avec quelques enfans
auprès d’elle : enfin on la voit fouvent fous la figure & avec l’air de quelque
Impératrice.
Nous la donnons à la planche X I '. nos- 8. 9. 10. 1 1. 12.. & 13. de iîx
façons. 1 °. Elle porte fur la tête une couronne de M y r te , au-deflus d’une
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