
A R T I C L E U N I Q U E ,
S e c t i o n p r e m i è r e .
D e s Temples , Chapelles <5C Oratoires cortfacres aux faujffès Divinités.
R é f l e x i o n s P r é l i m i n a i r e s .
N Ous n envifagerons d’abord les Temples qu en général ; mais dans la fujte
nous parlerons en particulier de quelques-uns des principaux, des plus magnifiques
& des plus renommés : dans ce détail nous prendrons pour guides
M. l’Abbé Banier, dans le premier Tome de fa Mythologie, M Simon
•dans les Mémoires de l’Academie des Infcriptions & Belles Lettres Ier. Vol, J j
pag. 19 9 ., & quelques autres Auteurs aufli connus.
Pour ce qui regarde les Temples , en général, nous avons à examiner
i° . en quel temps oh commença de les bâtir ; i° . quelle en étoit la forme
■ ordinaire ; 30. quelles étoient les formalités requifes pour leur conftrudion;
40. enfin quelles furent les' Cérémonies de leur confécration.
r£ Quant à l’origine des Temples, il paraît que les Idolâtres n’en eurent
tl’abord d’autres que les bois que l’on appella , Bois-J'acrés, à caüfe du
culte qu’on’y rendoit aux D ieu x , & Luci , a caufe des lumières dont on le
“éclairait pendant la nuit, temps ordinaire où l’on s’y alfembloit. Les campagnes
fervoient aufli fouvent de Temples ; on y élevoit de fîmples Autels de
pierres brutes ou de gazon , pour y offrir des louanges, des voeux & des facri-
fices. Il eft probable que les Egyptiens n’en ont pas eu d’autres jufqu’au temps
de Moyfe , puifque ce faint Legiflateur n’en a point parlé dans lès Livres,
quoiqu’il en ait eu fouvent occafion. O n croit même que le Tabernacle qu’il
fît dans le defert, & qui étoit un Temple portatif, fut le premier de tous les
Temples : il paraît même, par la forme que l’on donna à la plupart de
ceux que l’on conftruifit, dans la fuite, pour les faulfes Divinités, qu’il fut kj
modèle que l’on fuivit dans leur conftrudion, quoiqu’ils ne fuflent point portatifs.
Il y a apparence que lesEgyptiens furent les premiers Imitateurs de Moyfe;
mais leur exemple fut bientôt fuivi par la plupart des autres Peuples, qui voulurent
aufli elever desTemples. Quelques-uns d’entre eux néanmoins, comme
les Parfes, les Indiens, lesGètes & les Daces, s’en tinrent encore long-temps
à l’ancien ufage , dans l’idée qu’il ne faut pas renfermer dans l’enceinte des
murailles, des Divinités pour lefquelles tout doit être ouvert.
La coutume dé bâtir desTemples pafla donc des Ifraélites aux Égyptiens;
de l’Egypte en Grèce, & de la Grèce en Italie. Les uns attribuent la fondation
des premiers Temples, dans ce dernier pays, à Janus, Divinité par l’invocation
de laquelle on commençoit tous les facrifices , & les autres à Faune;
d’ou ils firent le nom de Fanum , donné aux T emples des faux Dieux ; mais
il efl probable que ces Temples n’étoient encore que des bois-facrés, puifqu’au
rapport de Varron , les Romains furent cent foixante & dix ans fans avoir
de Temples. Ainfi celui de Jupiter le Férétrien , & celui de Jupiter Stator,
n’étoient point apparemment confacrés, & le Temple de Janus ne doit être
confidéré que comme un Monument de l’union des Romains & des Sabins,
dont
D U C U L T E D E S I D O L A T R E S .
dont la Statue de ce Dieu étoit le fymbole , comme elle étoit celui de la paix
& de la guerre, du palfe & de 1 avenir , & de plulieurs autres chofes dont on
parlera dans la fuite.
z e. Les formalites requifes pour 1 etabliffiement d’un Temple , étûient
l’autorité des Loix , & l’obfervation des Aufpices. Un Magiftrat qui avoit
fait- voeu de bâtir un Temple., n’engageoit point la République fans fort
confentement. Quand la conftrudion du Temple avoit été réfolue dans le
Sénat, il falloit unekL o i , ou ymPlébifcite, pour l’exécution du projet. Sous les
Empereurs , leur volonté tenoit lieu de loi.
Enfuite on conduirait les Duum-Virs, c’eft-à-dire, les Officiers des Villes,
& les Commiffaires nommés pour la conduite de l’ouvrage. Ces Officiers
commençoient par le choix du terrein : ils avoient égard à la nature & aux
fondions des Dieux auxquels le Temple devoit être confacré. Suivant les
obfervations de Vitruve , les Temples de Jupiter, de Junon & de Minervé
dévoient être confixuits fur des hauteurs, parce que ces Divinités avoient
xnfpedion fur toutes les affaires de 1 Empire , dont elles prenoient un foin
particulier. Mercure , Ifîs & Sérapis, Dieux du Commerce , 'avoient leurs
Temples près des Marchés. Ceux de Mars 5 de Bellone, de Vuleain & de
Vénus étoient hors delà Ville, parce qu’on lesregardoit comme des Divinités
turbulentes ou dangereufes. Il eft vrai que ces convenances n’ont pas toujours
été exadement obfervées. Le choix du terrein une fois fa it, les Augures
prenoient les Aufpices ; s’ils étoient favorables, ils traçoient le plan du
Temple ; c’eft ce qu’on appelloit Effari , ou Sijlere Templum. On pofoit la
première pierre avec plus de cérémonie encore. Les Veftales accompagnées
de jeunes garçons & de jeunes filles ayant père & mère , arrofoient la place
de trois fortes d’eaux : on la purifioit encore par le facrifice d’un taureau
blanc & d’une vache. Le Grand-Prêtre invoquoit les Dieux auxquels le
Temple étoit deftiné : la pierre fur laquelle étoient gravés les noms du
Magiftrat & du Souverain Pontife , étoit mife dans la fondation , avec des
Médaillés d’or & d’argent, & du métal tel qu’il fort de la mine ; cette cérémonie
fe faifoit aux acclamations de tout le Peuple qui s’empreffoit de fervir
les Prêtres & les Ouvriers.
30. Lorfque le Temple étoit bâti , on en faifoit la Dédicace. Cette
fondion appartenoit, dans les premiers temps, aux grands Magiftrats ; mais,
a caufe des diffentions qui furvinrent à cette occafion , on eut recours dans
la fuite â la puiffance du Peuple. Enfin on en laiffa la difpofition au Sénat,
avec 1 intervention des Tribuns du Peuple, qui n’y eurent plus départ fous
les Empereurs.
Le jour de la Dédicace d’un Temple étoit une Fête folemnelle, accompagnée
de réjouiffances extraordinaires. O n immoloit des vidimes fur tous
les Autels. On chantoit des Hymnes au fonde la Flûte. Le Temple étoit
orné de fleurs & de bandelettes. Le Magiftrat qui faifoit la cérémonie, métrait
la main fur le jambage de la porte , appellant à haute voix le Souverain
Pontife, pour lui aider â s’acquitter de cette fondion, en prononçant devant
lui la formule de la Dédicace, qu’il répétoit mot â mot. Ils étoient fi fcrupu-
leux fur la prononciation de ces paroles , qu’ils s’imaginoient qu’une feule
fyllabe oubliée, ou mal articulée, gâtoit tout le myftère. C ’eft pourquoi le
grand Pontife Metellus , qui étoit bègue, s’exerça plufieurs mois pour pouvoir
prononcer le mot d'Opiferoe. Le deuil étoit incompatible avec cette folem-
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