
main , & dans l’autre une baguette, une toife, une perche, ou plutôt une
fonde propre à mefurer la profondeur des eaux : on plaçoit encore allez fou-
vent un Coq ou un Bélier près de lui. Voilà le fymbole principal déjà accompagné
de plufieurs autres ftibalternés, dont nous allons apprendre la def-
tination.
- G n montroit au Peuple un Anubis paré fucceffivement de tous ces ornemens
fignificatifs, depuis lè lever de la Canicule j ufqu a 1 entree du Soleil
fous le ficme du Capricorne : chacun de ces ornemens avoit par lui-meme
un rapport fimple & naturel à la chofe qu’on vouloit déligner ; rapport que
fon nom, la langue & les coutumes du Pays faifoient encore fouvent mieux
"eonnoître que la figure même avec fes fymboles. Ainfi le C o q annonçoit le
lever de la Canicule, & le Bélier, fymbole du Capricorne, en apprenoit
la durée & la fin. Les ailes aux talons & au chapeau marquoient & la diligence
avec laquelle il falloir fuir l’inondation dont on étoit menacé peu-après
fè lever de la Canicule , & celle qui étoit nécelfaire pour aller, pendant
l’H iv er, fous le règne du figne du Capricorne, commercer dans les Pays
-Étrangers , & faire l’échange des denrées qui abondoient en Égypte, contre
d’autres-chofes effentielles ou utiles qu’on n’y pouvoit trouver. La verge,
' où la fonde qu’Anubis avoit en main, montroit, par la hauteur à laquelle
■ elle étoit croifée , la profondeur des eaux de 1 inondation du N i l , & annon-
çoit en même temps ce que l’on avoit à efpérer de la récolte prochaine. Le
Serpent entortillé autour de cette verge étoit le Symbole de la V i e , que
l ’on tiroit de ces récoltes, & par-confequent des limons que 1 inondation
laiffoit après elle fur les campagnes. Les ailes ajoutées quelquefois au haut
de la fonde fervoient comme nos girouettes propres à connoître les Vents
qui régnoient. Enfin lorfquë l’on prévoyoit par la hauteur des eaux du débordement
que les récoltes feraient fort abondantes, & qu on en tireroit un
grand profit par le commerce j pour réjouir le Peuple par cette agréable nouvelle
, on mettoit dans la main de la figure une bourfe fort enflée, fymbole
des richefles &c des tréfors qu’on efpéroit tirer de ces récoltes. Voila le fimple
le naturel ; voici le myftérieux & le fabuleux de toute la figure.
L ’on oublia bientôt la lignification des fymboles , & 1 on ne s attacha plus
qu’à l’utilité qui en réfultoit. Comme ils fervoient de préfage &c de pro-
noltic pour l’avenir', on en attribua la connoiflance à la figure qui les portoit.
Dès qu’on eut fait ce premier pas, le relie ne coûta plus rien : on donna
libéralement un efprit, une ame & une vie à cette figure : on en fit même
un Perfonnage de conféquence, qui connoifloit le paffé, le préfent & le futur,
comme les Dieux : on le jugea digne d’être rangé parmi eux, même d'être
placé au nombre des plus grands ; enfin on fixa fa forme, fa parure & fes
attributs , relativement à fes fonctions.
La vîteffe de fa marche en fera le Dieu des V o y ageurs : s’il eft même nécef-
faire, en qualité de Meffager des D ieu x , il aura recours à fes ailes pour devancer
les Vents afin de porter & faire exécuter leurs ordres : on lui donnera
en conféquence le titre de Protecteur, de Gardien des grands Chemins & des
Voyageurs ; il deviendra même le Dieu des Voleurs, qui exercent leurs
pillages fur ces Chemins : la bourfe qu’il tient à la main fera en ce cas comme
un figne de l’approbation qu’il donne au vol & au brigandage. Quand on
voudra relever & ennoblir fes fonctions, la même bourfe en fera le Dieu
des Marchands. Le Capricorne apprendra que l’Hiver eft le temps le plus
propre au commerce, en Égypte, & le C o q montrera que la vigilance eft une
qualité nécelfaire pour y réulïir. La baguette qu’il tient an main ne fera plus
alors une fonde, ni une mefure du N i l , mais une marque d’honneur, un
caducée qui prouvera fa dignité. Son Hiftoire s’embellira de façon à ne laifler
aucun doute fur fon elfence divine , & l’on oubliera jufqua l’étymologie du
nom de Mercure, q u i, en Langue Égyptienne, ne fignifie que le Négociant
, l ’Intrigant, ou même le Commerce. Voilà l’origine de cette Divinité.
D u Dieu Mercure , félon l’Hifloire & la Fable.
Nous venons déjà de voir comment la Théologie Païenne a fait un Mercure
& un Dieu d’une figure de l’Écriture Hieroglyfique, qui portoit un
chapeau , des ailes, une fonde, & qui avoit à fes côtés un Coq &i un Bélier.
L ’Hiftoire & la Fable ont enchéri fur cette fiétion : celle-ci a d’abord divifé
Mercure en cinq ; favoir, le Dieu de la Fable, celui de l’Aftrologie, celui
de l’Hiftoire , & deux autres Égyptiens. Le Mercure de la Fable fiat fils de
Jupiter &c de M a ia , fille & Atlas. Étant encore enfant il mit tous les Dieux
en garde & en défiance contre lu i, à caufe de fon inclination & de fon adreffe
à voler. Leur vigilance n’empêcha pas qu’il ne prît le Trident à Neptune,
l’Épée à Mars, l’Arc & les Flèches à A pollon, les Tenailles à Vulcain ,1a Ceinture
à Vénus, & le Celle à Cupidon. Si la foudre de Jupiter n’eût été trop
chaude & trop pefante , il s’en fût encore empare ; mais Jupiter n’en fut pas
quitte ; car Mercure lui enleva fon fceptre. Il n’y eut pas jufquà leurs talens
qu’il ne chercha à leur dérober, pour fe les attribuer ; aulfi dit-on qu’il pouffa,
l’harmonie & l’éloquence dans fes difcours, jufqua rendre Apollon jaloux.
Mercure regardoit apparemment les Dieux comme de fort mauvaifes paies,
puifqu’il leur fit tous ces vols pour fe payer par lui-même des. ferviccs
qu’il leur rendoit, en qualité de Meffager , de Maître d’H ô te l, & d’Échan-
fon. C e Mercure étoit repréfenté, comme nous l’avons d i t , avec le Pétafe,
les Ailes, la Bourfe, le Caducée: c’étoient là les différens attributs de fes
charges.
Celui de l’A ftrologie eft une Planète qui ne fe fépare prefque point du
Soleil, & qui étant, pour ainfi dire, comme abforbee dans fon feu & dans
fa lumière, devient par-là prefque Toujours invifible. Auffi la Fable l’a-t-elle
confondu avec le Soleil, au point de la règarder comme lame & l’intelligence
de cet A ftre , dont les Païens faifoient, comme de plufieurs autres, un Etre
vivant 8c intelligent : en conféquence de cette idée l’on envifageoit le Mercure
des Aftres comme le Maître de la Sagefle & de l’Eloquence , comme
l’Auteur des Sciences & des Arts , & comme un Être dominant avec un fou-
verain Empire fur la raifon & la parole. En cette qualité, je veux dire, comme
l’Ame du Soleil & fon intelligence, on lui donna les mêmes ornemens & les
mêmes attributs qu’au Mercure de la Fable, & l’on prétendoit que les ailes
marqueroient l’agilité de fon efprit ; que le Caducée feroit le fymbole de la
Sageffe & de l’Eloquence ; que le Coq montrerait qu’il agit jour & nuit ;
qu’enfin la Bourfe le feroit regarder comme l’Auteur de tous les biens & de
toutes les richeffes.
Le troifième Mercure eft celui de l ’Hiftoire. Il parut d’abord en Phénicie,
où il inventa les Lettres. De-là il paffa en Égypte où il porta fes admirables
& utiles inventions, qui le firent placer au rang des Dieux ,• 8c lui firent
ériger de* autels après fa mort. Que ce foie la le premier des deux Mercures
Egyptiens, ou qu’indépendamment de celui-là on en donne encore deux