
I$S IN T R . A L A S C IE N C E D E S M É D A IL L E S . C hap.V.
une autre' Déefle que la Mufe Calliope , dont on vient de parler. Son nom
lignifie, le grain préparé, ou la provifion de vivres. Néméfe veut dire le
dejféckement ou la délivrance des eaux , en Langue Egyptienne & Phénicienne.
La figure dont on a fait la Déefle Calliope, fous la forme d’une
femme portant une vafe fufpendu au bras, étoit expofée aux yeux du Peuple
, au mois de Juin, avant le débordement des eaux, pour avertir les Ëgyp.
tiens de faire provifion de grain rôd ou propre à rôtir, fuivant leur ufage,
& de tous les autres vivres néceflaires pour la longue durée du débordement.
L a figure dont on fit la Déefle Némèfe, au contraire, ne fe montroit
qu’au mois d’Oétobre, pour annoncer le defîêchement des eaux , & la fête
que l’on célébrait enfuite, par reconnoiflance envers D ieu , pour ce nouveau
bienfait. O n lui donna apparemment pour attribut une roue, ou quelque
chofe de femblable, pour marquer qu’après ce defféchement les chemins
deviendroient praticables pour les voitures, & que l’on pourrait conduire la
charrue dans les champs. O n oublia la lignification de ces deux figures fym-
boliques, & leur utilité engagea par reconnoiflance un Peuple fuperftitieux
à en faire, félon fa coutume, de nouvelles Divinités. Le rapport du nom
de Némèfe, Nemefis, avec celui de la Langue Grecque , qui eft le même,
& qui lignifie, l’Emportement, la Vengeance, & la roue que l’on avoir placée
près de la figure, firent imaginef aux Grecs que la Némèfe étoit une Déefle
Vengerefle, qui préfidoit dans ce Monde & dans L’autre à la punition & au
fuppiice des Méchans. Telle eft l ’origine des Némèfes , félon M. Pluche.
■ Les Némèfes, félon l'Hiftoire , la Fable & la Numifmatique.
Némèfe, félon la Fable, fut fille de l’Océan & de la Nuit. Elle fut adorée
par les Grecs, fous le titre d'Adraftée , parce que le Ro i Adrafte lui fit bâtir
un Temple dans lequel il lui rendoit un culte particulier. O n lui donna
encore le titre de Rhamnufia, parce que ceux de Rhamnufe, dans l’Attique,
en avoient fait leur Divirfité. Quelques Auteurs ont cru qu’il y avoit plufîeurs
Déefles fous le nom de Némèfe ; d’autres fèmblent n’èn confioître qu’une
feule. Les Romains en adorèrent tantôt une feule, & tantôt plufieurs, fans
leur donner aucun nom particulier. Ils facrifioient à Némèfe, ou aux Né-
mefes, avant de partir pour la guerre, & à leur retour, lorfqu’ils étoient
viétorieux. Les facrifices qui precedoient le départ étoient pour demander du
fecours contre les Ennemis de la République ; après le retour, ils rendoient
des actions de grâces de la vengeance qu’ils en avoit tirée.
Némèfe fut regardée par les uns comme la Vengerefle des crimes & des
Méchans, & fur-tout des orgueilleux : d’autres étendirent beaucoup fon pouvoir
, & prétendirent quelle jugeoit les a étions des hommes, pour récom-
penfer les bonnes, & punir les mauvaifes.
Sur les Médailles, on la repréfente plutôt comme Vengerefle que comme
Rémunératrice. Que les figures qu’on y trouve foient d’une feule ou de plufieurs
Nemefes, c eft toujours une figure de femme debout, habillée d’une
robe longue, quelquefois couverte a un grand voile fur la tête, & toujours
avec une roue a fes pieds. Cette roue , félon quelques-uns, eft le fymbole
des fondions des Némèfes, que la Fable faifoit aller & venir fans cefle p u r
examiner les actions des hommes, afin de les traiter fuivant leurs mérites ;
félon d’autres, ces roues ferraient d’inftrumens aux fupplices quelles exerpient
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çoient fur les Méchans. Dans certaines Médailles de Byfance, la Némèfe tient
une efpèce de Rhombe , ou un Inftrument dont on ne connoît ni le nom
ni l ’ufage. Sur quelqu’autres pièces de Sidète, elle tient une pique ou un
bâton avec une fleur en forme de croix : la roue eft d’un côte â fes pieds,
& il y a un Griffon de l’autre. Les Médailles de Smyrne montrent deux Némèfes
placées fur un char traîné par deux Griffons. On les voit encore d une
•manière différente fur d’autres Monumens des mêmes Peuples. Enfin on
-prétend trouver quelques têtes de Némèfes fur les Confulaires de M. Morel.
O n en donne trois différentes repréfentations à la planche IX e. nos. 58. 39. &
40. Elles font tirées de Dom Monfaucon : elles fuffifent pour les faire recon-
noître avec la roue dont ces Déefles font prefque toujours accompagnées.
S e c t i o n X X X V I .
Du Dieu Neptune, des Néréides, des Tritons SC des autres Dieux Marins,
1 félon l ’Ecriture Hiéroglyfique.
Voici des Divinités Marines, formées, comme les autres, des figures de
l ’Écriture Hiéroglyfique, & des Enfeignes Symboliques. Nous n’avons rien,
, dans M. Pluche , qui regarde particulièrement les Néréides & les Tritons ;
j mais ce qu’on y trouve du Dieu Neptune, du Cheval Pégàfe, de Bellèro-
phon & de Typhon, fuffit pour nous faire entendre que tous çes Dieux ont
eu la même origine. Selon ce que nous apprenons de cet Auteur , Neptune
ne fut d’abord qu’une Enfeigne propre â faire connoître 1 arrivée des Phéniciens
, ou de quelqu’autres Peuples qui abordoient dans. 1 Ifle du Phare pour
y acheter du lin , des cuirs de boeuf, des huiles de Sais, des legunies, du
Bled & des provifions de toute efpèceÉ’C e Signe Symbolique etoit repre-
| fenté, par cette raifon , fous la figure d un Offris porté fur un courfier, avec
! des ailes , Symbole d’un Vaiffeau garni de fes voiles, &C quelquefois encore
! par celle d’un autre Ofiris portant à la main un harpon , dont les Bateliers
& les Pêcheurs fe fervent pour piquer & prendre les gros poiffons, ou
I un aviron, inftrument dont on fe fert pour conduire & gouverner les bateaux.
I Comme le bled étoit le principal objet qui occafionnoit le retour de ces Flottes
Phéniciennes, on plaçoit fouvent un boiffeau fur la tête de cette figure , que
: l’on nomma tantôt Poféidon, mot qui fignifie, la provifion des Pays Maritimes
, & tantôt Neptune , qui veut dire , Xarrivée de la Flotte : on donna
auffi le même nom aux Côtes Maritimes de 1 Égypte ou les Vaiffeaux abordoient.
• _
Le Géant T yp h on , qu’on fuppofa avoir tenté defcalader le C ie l , saç-
pelloit d’abord O b , enfuite Phyt ou Phyton. Cemonftre ne fut perfonnifie,
& regardé comme l’Ennemi juré du Soleil ( Ofiris ) & de 1 Égypte, que
par le • défir de réalifer tous les Symboles, & d en faire des Héros ou des
Dieux. Cette erreur vint de la lignification du m ot, qui veut dire Débordement
, Inondation, & tout ce qui petit avoir rapport à un grand amas d eaux,
& â une Mer : comme le débordement du N i l , en Égypte, déroboit à la
Terre l’influence des rayons du Soleil, appellé Ofiris , eft-il donc étonnant
qu’on en ait fait l’ennemi de cette Divinité & des Égyptiens qui 1 adoroient,
& qui fe trouvoient fort à la gêne dans leurs maifons, durant le cours de
l’inondation ?
Le Cheval Pégafe n’acquit de la célébrité, & ne paffa pour un Cheval