nombre douze pour racine, aurait été bien plus commode,
les grands nombres auraient occupé moins de
place, & en même temps les fraélions auraient -été plus
rondes ; les hommes ont fi bien fenti cette vérité, qu’après
avoir adopté l’arithmétique denaire, iis ne laiffent pas
que de fe fervir de l’échelle duodenaire; on compte
fouvent par douzaines, par douzaines de douzaines ou
grades, le pied efl dans 1 echelle duodenaire la troilième
puiflance de la ligne, le pouce la fécondé puilfance. On
prend le nombre douze pour 1 unité; l’année fe divifè
en douze mois, le jour en douze heures, le zodiaque
en douze fignes, le fou en douze deniers ; toutes les
plus petites ou dernières mefures affeélent le nombre
douze, parce qu on peut le divilèr par deux, par trois,
par quatre & par fix ; au lieu que dix ne peut fe divilèr
que par deux & par cinq, ce qui fait une différence
elfentielle dans la pratique pour la facilité des calculs &
des mefures. Il ne faudrait dans cette échelle que deux
caraélères de plus, l’un pour marquer dix, & l ’autre
pour marquer onze; au moyen de quoi l’on aurait une
arithmétique bien plus aifée à manier que notre arithmétique
ordinaire.
On pourroit au lieu de douze, prendre pour racine
de 1 echelle, quelque nombre, comme vingt-quatre ou
trenté-fix qui euffent de plus grands avantages encore pour
la divifion, c efl-à-dire, un plus grand nombre de parties
aliquotes que le nombre douze ; en ce cas il faudrait
quatorze caraélères nouveaux pour l ’échelle de vingt-
D’A r ITHMÉTIQUE MORALE. i 1 7
quatre, & vingt-fix caraélères pour celle de trente-fix,-
qu’on ferait obligé de retenir par mémoire, mais cela
ne feroit aucune peine, puifqu’on retient fi facilement
les vingt-quatre lettres de l’alphabet lorfqu’on apprend
à lire.
J ’avoue que l ’on pourroit faire une échelle d’arithmétique,
dont la racine feroit fi grande, .qu’il faudrait
beaucoup de temps pour en apprendre tous les caractères
; l’alphabet des Chinois elt fi mal entendu ou plutôt
fi nombreux, qu’on paffe fa vie à apprendre à lire. Cet
inconvénient ell le plus grand de tous ; ainfi l’on a
parfaitement bien fait d’adopter un alphabet de peu de
lettres, & une racine d’arithmétique de peu d’unités, &
c ’efl déjà une raifbn de préférer douze à de très-grands
nombres dans le choix d’une échelle d’arithmétique ; mais
ce qui doit décider en fa faveur, c ’efl que dans l’ufàge
de la v ie , les hommes n’ont pas befoin d’une fi grande
mefure, ils ne pourraient même la manier aifément, il
en faut une qui fbit proportionnée à leur propre grandeur,
à leurs mouvemens & aux diflances qu’ils peuvent parcourir.
Douze doit déjà être bien grand, puifque dix
nous fùfïit, & vouloir fe fervir d’un beaucoup plus grand
nombre pour racine de notre échelle d’ufage, ce feroit
vouloir mefurer à la lieue la longueur d’un appartement.
Les Altronomes qui ont toujours été occupés de
grands objets, & qui ont eu de grandes diflances à
mefurer, ont pris foixante pour la racine de leur échelle
d’arithmétique, & ils ont adopté les caraélères de l’échelle