Repréfentér dignement fa Nation fans choquer l’orgueil
de l ’autre; maintenir fos intérêts par la fimple
équité, porter en tout juftice, bonne fo i, difcrétion,
gagner la confiance par de fi beaux moyens ; l’établir fur
des titres plus grands encore, fur l’exercice des vertus,
tne paraît un champ d’honneur fi vafte, qu’en Vous en
ôtant une partie pour la donner à votre noble compagne
d ’ambaflade, vous n’en forez ni jaloux ni moins riche.
Quelle part n’a -1 -e lle pas eue à tous vos aétes de
bienfaifànce ! votre mémoire & la fienne forant à jamais
confàcrées dans les fartes de l ’humanité, par le foui trait
que je vais rapporter.
La rtérilité, fuiyie de la difette, avoient amené le
fléau de la famine jufque dans la ville de Madrid. L e
peuple mourant levoit les mains.au Ciel pour avoir du
pain. Les fecours du Gouvernement trop foibies où trop
lents, ne diminuoient que d’un degré cet excès de misère;
vos coeurs eompatiffans vous la firent partager. Des
femmes confidérables, même pour votre fortune, furent
employées par vos ordres à acheter des grains au plus
haut prix, pour les diftribuer aux. pauvres : les foulager
en tout temps, en tout pays, e’ert profeffer l’amour de
l ’humanité v c ’eft exercer la première & la plus haute de
toutes les vertus : vous en eûtes la feule récompenfo qui
foit digne d’elle : le foulagement du peuple fut alfez
fond, pour qu’au Prado fa morne trifteffe, à l’afped
de tous les autres objets, fo changeât tout-à-coup en
fignes de joie & en çris d’allégrelfe à la vue de fes
bienfaiteurs ; plufieurs fois tous deux applaudis & fuivis
par des acclamations de reconnoiflance, vous avez joui
de ce bien, plus grand que tous les autres biens, de ce
bonheur divin que les coeurs vertueux font fouis en état
de fontir.
Vous l ’avez rapporté parmi nous, Moniteur, ce coeur
plein d une noble bonté. Je pourrais appeler en témoignage
une province entière qui ne démentirait pas mes
éloges ; mais je ne puis les terminer fans parler de votre
amour pour les Lettres, & de votre prévenance pour
ceux qui les cultivent; c ’eft donc avec un fentiment
unanime que nous applaudifions à nos propres fuffrages ;
En nous nommant un confrère, nous acquérons un ami;
foyons toujours, comme nous le fommes aujourd’hui,
allez heureux dans nos choix, pour n’en faire aucun qui
n’iliuftrent les Lettres.
Les Lettres ! chers & dignes objets de ma paffion
la plus confiante, que j ’ai de plaifir à vous voir honorées î
que je me féliciterois fi ma voix pouvoir y contribuer î
mais c ert à vous, Meflïeurs, qui maintenez leur gloire,
a en augmenter les honneurs ; e vais feulement tâcher
de féconder vos vues en propofant aujourd’hui ce qui
depuis long-temps fait l’objet de no-s voeux.
Les Lettres dans leur état aduel, ont plus befoin de
concorde que de proteélion ; elles ne peuvent être dégradées
que par leurs propres diflentions. L ’empire de
1 opinion n eft-il donc pas affez vafte pour que chacun
puiffe y habiter en repos ! pourquoi fo faire la guerre ! eh,