parce qu’elle eft fondée fur un rapport phyfique & invariable
, qui durera autant que l’efpèce humaine, & qu’elle
eft indépendante du temps & de la réflexion que les arts
préfùppofènt.
Mais en prenant même notre échelle denaire dans la
perfection que l’invention des caractères lui a procurée,
il eft évident que comme on compte jufqu’à neuf, après
quoi on recommence en joignant le deuxième caractère
au premier, & enfuite le fécond au fécond, puis le
deuxième au troifième , &c. on pourroit au lieu
d’aller jufqu’à neuf, n’aller que jufqu’à huit, & de-là
recommencer, ou jufqu’à fèpt ou jufqu’à quatre, ou
même n’aller qu’à deux ; mais par la même raifon , il étoit
libre d’aller au-delà de dix avant que de recommencer,
comme jufqu’à onze, jufqu’à douze, jufqu’à foixante,
jufqu’à cent, &c. & de-là on voit clairement que plus
les échelles font longues, & moins les calculs tiennent
de place; de forte que dans l’échelle centenaire, où on
emploîroit cent différens caractères , il n’en faudrait
qu’un , comme C , pour exprimer cent ; dans l’échelle
duodenaire, où l’on fè ferviroit de douze différens caractères
il en faudrait deux, fàvoir 8 , 4 ; dans l’échelle
denaire il en faut trois , fàvoir, 1 , o , o ; -dans l’échelle
quartenaire, où l ’on n’emploîroit que les quatre caractères
o, 1, 2 & 3, il en faudrait quatre, fàvoir, 1 ,2 , 1, o ;
dans l’échelle trinaire, cinq, fàvoir, 1 ,0 ,2 ,0 , 1 ; & enfin
dans l ’échelle binaire, fept, fayoir, 1, 1 ,0 ,0 , 1 ,0 ,0
pour exprimer cent.
• D'Ar i thmé t iq u e morale.
X X V I I *
M a i s de toutes ces échelles, quelle eft la plus
commode, quelle eft celle qu’on aurait dû préférer!
d’abord il eft certain que la denaire eft plus expéditive
que toutes celles qui font au-deflbus, c ’eft-à-dire, plus
expéditive que les échelles qui ne s’élèveraient que jufqu’à
neuf, ou jufqu’à huit ou fopt, ou &c. puifque les nombres
y occupent moins de place; toutes ces échelles inférieures
tiennent donc plus ou moins du défaut d’une trop
longue expreffion, défaut qui n’eft d’ailleurs compenfë
par aucun avantage que celui de n’employer que deux
caractères 1 & o dans l’arithmétique binaire, trois caractères
2 , 1 & o dans la trinaire , quatre caraCtères
3 , 2 , i & o dans l’échelle quartenaire, &c. ce qui à le
prendre dans le vrai n’en eft pas un , puifque la mémoire de
l ’homme en retient fort aifément un plus grand nombre,
comme dix ou douze, & plus encore s’ il le faut.
Il eft aifé de conclure de-là, que tous les avantages que
Léibnitz a fùppofés à l’arithmétique binaire, fè réduifent
à expliquerfon énigme Chinoifè; car, comment feroit-il
poffible d’exprimer de grands nombres par cette échelle,
comment les manier, & quelle voie d’abréger ou de faciliter
des calculs dont les expreffions font trop étendues!
L e nombre dix a donc été préféré avec raifon à tous
les fubalternes, mais nous allons voir qu’on ne devoit
pas lui accorder cet avantage fur tous les autres nombres
fupérieurs. Une arithmétique dont l’échelle auroit eu le
P i j