mauvais gré d’avoir réduit à fix pieds de haut la taille prétendue
gigantefque des Patagons , accepteront peut-être en dédommagement
une race de pigmées qui donne dans l ’excès oppofé, je
veux parler de ces demi-hommes qui habitent ies hautes montagnes
de l ’intérieur dans la grande île de Madagafcar, & qui y forment
tin corps de nation confidérable appelée Quimos ou Kimos en
langue Madecajfe. Otez-Ieur la parole ou donnez-là aux finges
grands & petits, ce ferait le paffage infenfible de l ’efpèce humaine
à la gent quadrupède. L e caraétère naturel & diftinétif de ces petits
hommes eft d’être blancs ou du moins plus pâles en couleur que tou»
les noirs connus; d’avoir les bras très-alongés , de façon que la main
atteint au-delfous du genou fans plier le corps, & pour ies femmes
de marquer à peine leur fexe par ies mamelles, excepté dans le
temps qu’elles nourriffent ; encore veut-on affurer que la plupart
font forcées de recourir au lait de vache pour nourrir leurs
itouveaux-nés. Quant aux facultés intellectuelles, ces Quimos le
difputent aux autres Malgaches (c ’eft ainfi qu’on appelle en général
tous les naturels de Madagafcar ) que l ’on fait être fort fpirituels
& fort adroits, quoique livrés à la plus grande parelfe. Mais on
allure que les Qu imo s, beaucoup plus aétifs, font anffi plus belliqueux;
de façon que leur courage, étant, fi je puis m’exprimer ainfi,
en raifon double de leur taille, ils n’ont jamais pu être opprimés par
leurs voifins qui ont fouvent maille à partir avec eux. Quoique
attaqués avec des forces & des armes inégales, (car iis n’ont pas l ’ufage
de la poudre & des fufils comme leurs ennemis ) ils fe font toujours
battus courageufement & maintenus libres dans leurs rochers ; leur
difficile accès contribuant fans doute beaucoup à leur confervation;
ils y vivent de r iz , de différens fruits, légumes & racines, & y
élèvent un grand nombre des beftiaux ( boeufs à boffe & moutons
à greffe queue ) dont ils empruntent auffi en partie leur fubfiftance.
Us ne communiquent avec les différentes caftes Malgaches dont ils
font environnés ni par commerce, ni par alliances, ni de queï-
qu’autrç manière que ce fo it, tirant tous leurs hefoins du fol qu’il
pofsèdent. Comme l ’objet de toutes les petites guerres que fe font
entr’eux & les autres habitans de cette île , eft de s’enlever réciproquement
quelque bétail ou quelques efclaves, la petiteffe de no»
Quimos les mettant prefqu’à l ’abri de cette dernière injure, ils favent
par amour de la paix fe réfoudre à fouffrir la première jufqu’à un
certain point, c’eft-à-dire, que quand ils voient du haut de leurs
montagnes quelque formidable appareil de guerre qui s’avance dans
la plaine ; ils prennent d’eux-mêmes le parti d’attacher à l’entrée des
défilés par où il faudrait paffer pour aller à eux quelque fuperflu de
leurs troupeaux , dont ils fo n t, difent-ils , volontairement le facrifice
à l ’indigence de leurs frères aînés ; mais avec proteftation en même
temps de fe battre à toute outrance , fi l’on paffe à main armée
plus avant fur leur terrein ; preuve que ce n’eft pas par fentiment
de foibleffe, encore moins par lâcheté qu’ils font précéder les
préfens ; leurs armes font la zagaie & le trait qu’ils lancent on ne
peut pas plus jufte ; on prétend que s’ils pouvoient, comme ils en,
ont grande en v ie , s’aboucher avec les Européens & en tirer des
fufils & des munitions de guerre, ils pafferoient volontiers de la
défenfive à l ’offenfive, contre leurs voifins qui feraient peut-être
alors trop heureux de pouvoir entretenir la paix.
A trois ou quatre journées du fort Dauphin.( qui eft prefque
dans l’extrémité du fud de Madagafcar ) les gens du pays montrent
avec beaucoup de compiaifance une fuite de petits mondrains
ou tertres de terre élevés en forme de tombeaux qu’ils affurent
devoir leur origine à un grand maffacre de Quimos défaits en plein
champ par leurs ancêtres, ce qui fembleroit prouver que nos braves
petits guerriers ne fe font pas toujours tenus cois & rencoignés
dans leurs hautes montagnes , qu’ils ont peut-être afpiré à la
conquête du plat-pays, & que ce n’eft qu’après cette défaite cala-
miteufe qu’ils ont été obligés de regagner leurs âpres demeures.
Q u o i qu’il en fo it, cette tradition confiante dans ces cantons, ainfi
qu’une notion généralement répandue par tout Madagafcar, de l’exif-
tence encore aétuelle des Quimos, ne permettent pas de douter Sffij