<2?
ï 4 D i s c o u r s
j 11 r™— : ---------
P r o j e t d’une Réponfe à M. DE Coëtlosquet}
ancien Evêque de Limoges, lors de fa réception
à l ’Académie Françoife. *
E n vous témoignant la fàtisfaétion que nous avons à
vous recevoir, je ne ferai pas l’énumération de tous les
droits que vous aviez à nos voeux. Il elt un petit nombre
d ’hommes que les éloges font rougir, que la louange
déconcerte, que la vérité même blelfe, lorfqu’elle eft
trop flatteufe : cette noble délicateffe qui fait la bienféance
du caractère, feppofe la perfection de toutes les qualités
intérieures. Une ame belle & fans tache qui veut le
conferver dans toute fà pureté, cherche moins à paroître
qu’à fe couvrir du voile de la modeftie; jaloufe de fes
beautés qu’elle compte par le nombre de fes vertus, elle
ne permet pas que le fouffle impur des paffions étrangères
en ternilfe le luftre : imbue de très-bonne heure des
principes de la religion, elle en conferve avec le même
foin les impreffions facrées; mais comme ces caraétères
* Cette réponfe devoit être prononcée en 176 0 , Je jour de la
réception de M. l ’évêque de Limoges, à l’Académie Françoife; mais
comme ce Prélat fe retira pour laillér palTer deux hommes de Lettres
qui alpiroient en même temps à l’Académie, cette réponfe n’a été ni
prononcée ni imprimée.
D E M . D E B U F F O N. j e
divins font gravés en traits de flamme, leur éclat perce
& colore de fon feu le voile qui nous les déroboit : alors
il brille à tous les yeux & fans les offenfer ; bien different
de l ’éclat de la gloire qui toujours nous frappe par éclairs
& fouvent nous aveugle, celui de la vertu n’eft qu’une
lumière bienfaifante qui nous guide, qui nous éclaire &
dont les rayons nous vivifient.
Accoutumée à jouir en filence du bonheur attaché
à l’exercice de la fageffe, occupée fans relâche à recueillir
la rofée célefle de la grâce divine qui feule nourrit la
piété, cette ame vertueufe & modefte fe jfuffit à elle-
même, contente de fon intérieur s elle a peine à fe répandre
au dehors, elle ne. s’épanche que :vers Dieu; la
douceur & la paix, l ’amour de fes. devoirs la •remplirent,
l ’occupent toute entière; la charité feule a droit de l’émouvoir;
mais alors fon zèle quoiqu’ardent eft encore modefte,
il ne s’annonce que par l ’exemple, il porte, l ’empreinte
du fentiment tendre qui le, fit naître , c ’eft la même vertu
feulement devenue plus aélive.
Tendre piété ! vertu fublime ! vous méritez tous nos
refpeéis, vous élevez l’homme au-deflus de. fon être,,
vous l ’approchez du Créateur, vous en faites fer la terre
un habitant des deux. Divine modeftie !, vous méritez
tout notre amour ; vous faites feule la gloire du Sage, vous
faites aulfi la décence du faine état desMiniftres de l ’autel;
vous n’êtes point un fentiment acquis par le commerce
des hommes, vous êtes' un don du C ie l, une grâce qu’il
accorde en fecret à quelques âmes privilégiées pour rendre