de 1024 , 3 5 7 &c> d’où l ’on , voit combien
l ’elpérance morale diffère dans tous les cas de l ’efpérance
numérique pour le produit réel qui en réfulte ; l’homme
fage doit donc rejeter comme fauffes toutes les propo-
fitions, quoique démontrées par le calcul, où la très-
grande quantité d’argent femble compenfer la très-petite
probabilité; & s’il veut rilquer avec moins de déia—
vantage, il ne doit jamais mettre fos fonds à la groffe
aventure, il faut les partager. Hafarder cent mille francs
fur un feul vaiffeau, ou vingt-cinq mille'francs fur quatre
vaiffeaux, n’eft pas la même chofe; car on aura cent
pour le produit de l’elpérance morale dans ce dernier
cas, tandis qu’on n’aura que quatre-vingt-un pour ce
même produit dans le premier cas. C ’eft par cette même
raifon que les commerces les plus fûrement lucratifs,
font ceux où la maffe du débit eft divifée en un grand
nombre de Créditeurs. Le propriétaire de la maffe ne
peut effuyer que de légères banqueroutes, au lieu qu’il
n’en faut qu’une pour le ruiner, fi cette maffe de fon
commerce ne peut paffer que par une foule main , ou
même ne fo partager qu’entre un petit nombre de débiteurs.
Jouer gros jeu dans le fons moral, eft jouer un
mauvais jeu ; un Ponte au Pharaon, qui fo mettroit dan?
la tête de pouffer toutes fos cartes jufqu’au quinie & le
va, perdrait près d’un quart for le produit de fon elpé-
rance morale, car tandis que fon elpérance numérique
elt de tirer 1 6 , l ’elpérance morale n’eft que de 1 3 ^ry.
Il en eft de même cFune infinité d’autres exemples que
l ’on pourroit donner; & de tous il réfultera toujours
que l’homme fage doit mettre au halàrd le moins qu’il
eft poffible, & que l’homme prudent qui, par là pofition
ou fon commerce, eft forcé de rifquer de gros fonds,
doit les partager , & retrancher de fos Ipéculations
toutes les elpérances dont la probabilité eft très-petite,
quoique la fomme à obtenir foit proportionnellement
auffi grande.
X X I I I .
L ’A n a l y s e eft le foui inftrument dont on fo foit
forvi jufqu’à ce jour dans la foience des probabilités,
pour déterminer & fixer les rapports du hafard; la Géométrie
paroiffoit peu propre à un ouvrage auffi délié ;
cependant fi l ’on y regarde de près, il fera facile de
reconnoître que cet avantage de l’Analyfo for la Géométrie
, eft tout-à-fait accidentel, & que le halàrd folon qu’il
eft modifié & conditionné, fo trouve du reffort de la
géométrie auflibien que de celui de l ’analyfo; pour s’en
affurer, il foffira de faire attention que les jeux & les
queftions de conjecture ne roulent ordinairement que fi.tr
des rapports de quantités diferètes; l ’elprit humain plus
familier avec les nombres qu’avec les mefores de l ’étendue
les a toujours préférés; les jeux en font une preuve, car
leurs loix font une .arithmétique continuelle; pour mettre
donc la Géométrie en poffeffion de fos droits for la
foience du hafard, il ne s’agit que d’inventer des jeux
qui roulent for l’étendue & for fos rapports, ou calculer
le petit nombre de ceux de cette nature qui font déjà