ancien Bourguemeftre & Subdélégué de Dunkerque,
avec les renfèignemens fuivans, contenus dans une lettre
dont voici l’extrait :
Je vous envoie, Monfieur, un portrait qui s’eft trouvé dans
une prife A nglo ife , faite dans la dernière guerre, par le Corfaire
la Royale, dans lequel jetois intérefTé. C ’eft celui d’une petite
fille dont la couleur eft mi-partie de noir & de blanc; les mains
& les pieds font entièrement noirs ; la tête l ’eft également, à
l ’exception du menton, jufques & compris la lèvre inférieure,
partie du front y compris, la nai(Tance des cheveux ou laine au-
deflus font également blancs, avec une tache noire au milieu de la
tache blanche ; tout le relie du corps., bras, jambes & cuifles font
marqués de taches noires plus ou moins grandes , & fur les grandes
taches noires il s’en trouve de plus petites encore plus noires. O n
ne peut comparer cet ènfant pour la forme des taches qu’aux
chevaux gris ou tigrés, le noir & le blanc fe joignent par des teintes
imperceptibles, de la couleur des mulâtres.
J e penfe, dit M. Taverne, malgré ce que porte la légende
Angloife * qui eft au bas du portrait de cet enfant, qu’il eft
provenu de l’union d’un blanc & d’une négrefle, & que ce n’eft
que pour fauver l’honneur de la mère & de la Société dont elle
étoit efclave, qu’on a dit cet enfant né de parens nègres (n).
Réponfe de M . de Buffon. Montbard, le 13 Octobre 1772 .
J ’ a i reçu, Monfieur, le portrait de l’enfant noir &
blanc que vous avez eu la bonté de m’envoyer, & j ’en
ai été affez émerveillé, car je n’en connoiffois pas
d’exemple dans la Nature. On ferait d’abord porté à
* Au-deffous d u portrait de cette Négrefïe-pie, on lit Pinfcription fuivaritë :
Marie Sabina, née le 12 Octobre 1 7 36 , à Matuna,. plantation appartenante
aux Jéfuites de Carthagène en Amérique, de deux Nègres efclaves, nommés
JVIartiniano & Padrona,
' (11) Extrait d’üne Lettre de M. Taverne. Dunkerque, le 10 Septembre ryyi .
croire avec vous, Monfieur, que cet enfant né d’une
négrelfe, a eu pour père un blanc, & que de-là vient
la variété de fe s couleurs; mais lorfqu’on fait réflexion
qu’on a mille & millions d’exemples, que le mélange
du fang nègre avec le blanc n’a jamais produit que du
brun, toujours uniformément répandu ; on vient à douter
de cette fuppofition, & je crois qu’en effet on ferait
moins mal fondé à rapporter l ’origine de cet enfant à
des nègres dans lefquels il y a des individus blancs ou
blafards, c ’efl-à-dire, d’un blanc tout différent de celui
des autres hommes blancs, car ces nègres blancs dont
vous avez peut-être entendu parler, Monfieur, & dont
j ’ai fait quelque mention dans mon livre, ont de la laine
au lieu de cheveux, & tous les autres attributs des véritables
nègres, à l ’exception de la couleur de la peau,
& de la ftruéture des yeux que ces nègres blancs ont
très-foibles. Je penferois donc que fi quelqu’un des
afeendans de cet enfant pie étoit un nègre blanc , la
couleur a pu reparaître en partie & fè diftribuer comme
nous la voyons für ce portrait.
Réponfe de M Taverne. Dunkerque, fe 29 Octobre 1772.
MONSIEUR; l’original du portrait de l ’enfant noir & blanc
a été trouvé à bord du navire le Chrétien. de Londres, venant de
la nouvelle Angleterre pour aller à Londres; ce navire fut pris en
1 7 4 6 , par le vaift'eau nommé le Comte de Maurepas, de Dunkerque,
commandé par le capitaine François Meyne.
L ’origine & la caufe de la bigarrure de la peau de cet enfant
que vous avez la bonté de m’annoncer par la lettre dont vous
m’avez honoré, paroiiTent très-probables ; un pareil phénomène