efpèce de ftrabifine inné, la plus ordinaire de toutes,
& fi commune que tous les louches que j ’ai examinés,
font dans le cas de cette inégalité ; je dis de plus, que
c ’eft une caufe dont l’effet eft néceflfaire, de forte qu’il
n’efl peut-être pas poffible de guérir de ce défaut une
perfonne dont les yeux font de force trop inégale. J ’ai
obfèrvé, en examinant la portée des yeux de plufieurs
enfans qui n’étoient pas louches', qu’ils ne voient pas fi
loin à beaucoup près que les adultes, & que proportion
gardée, ils ne peuvent voir diftinétement d’auffi près;
de forte qu’en avançant en âge l’intervalle abfolu de la
vue diftinéte augmente des deux côtés, & c ’eft une des
raifons pourquoi il y a parmi les enfans plus de louches
que parmi les adultes, parce que s’ il ne leur faut que
ou même beaucoup moins d’inégalité dans les yeux pour
les rendre louches, lorfqu’ils n’ont qu’un petit intervalle
abfolu de vue diftinéte, il leur faudra une plus grande
inégalité, comme } ou davantage, pour les rendre louches
quand l ’intervalle abfolu de vue diftinéte fera augmenté;
en forte qu’ils doivent fo corriger de ce défaut en avançant
en âge.
Mais quand les yeux, quoique de force inégale, n’ont
pas cependant le degré d’inégalité que nous avons déterminé
par la formule ci-deffus, on peut trouver un remède
au ftrabifine; il me paroît que le plus fimple, le plus
naturel & peut-être le plus efficace de tous les moyens,
eft de couvrir le bon oeil pendant un temps : l’oeil
difforme feroit obligé d’agir & de fe tourner direétement
vers les objets, & prendrait en peu de temps ce mouvement
habituel. J ’ai ouï dire que quelques Oculiftes
s’étoient fervis affez heureufement de cette pratique ; mais
avant que d’en faire ufàge fur une perfonne, il faut s’affurer
du degré d’inégalité des yeux, parce quelle ne réuffira
jamais que fur des yeux peu inégaux. Ayant communiqué
cette idée à plufieurs perfonnes, & entre autres à
M. Bernard de Juffieu, à qui j ’ai lû cette partie de mon
Mémoire, j’ai eu le plaifir de voir mon opinion confirmée
par une expérience qu’il m’indiqua, & qui eft rapportée
par M. A llen , médecin Anglois, dans fon Synopfîs
univerfoe Medicinoe.
Il foit de tout ce que nous venons de dire, que pour
avoir la vue parfaitement bonne , il faut avoir les yeux
abfolument égaux en force ; que de plus, il faut que
l’intervalle abfolu foit fort grand, en forte qu’on puiffe
voir auffi-bien de fort près que de fort foin, ce qui
dépend de la facilité avec laquelle les yeux fe contractent
ou fe dilatent, & changent de figure félon le befoin ;
car fi les yeux étoient folides, on ne pourroit avoir
qu’un très-petit intervalle de vue diftinéte. II fuit auffi
de nos obfervations, qu’un borgne à qui il refte un bon
oeil, voit mieux & plus diftinétement que le commun
des hommes, parce qu’il voit mieux que tous ceux qui
ont les yeux un peu inégaux, & défaut pour défaut, il
vaudrait mieux être borgne que louche, fi ce premier
défaut n’étoit pas accompagné & d’une plus grande difformité
& d’autres incommodités. Il fuit encore évidemment