mollefle du climat qui relâche les fibres. On s’en aperçoit
même par les paroles qui fortent de leur bouche à voix
baffe & par de longs & fréquens intervalles (n ). Dans la
partie de l’Amérique, fituée fur les bords de l’Amazone
& du Napo, les femmes ne font pas fécondes & leur
ftérilité augmente lorfqu’on les fait changer de climat ;
elles le font néanmoins avorter aflez fouvent. Les hommes
font foibles & fe ' baignent trop fréquemment pour
pouvoir acquérir des forces ; le climat n’eff pas fain & les
maladies contagieufes y font fréquentes (a). Mais on doit
regarder ces exemples comme des exceptions , ou pour
mieux dire des différences communes aux deux conti-
nens ; car dans l’ancien les hommes des montagnes &
des contrées élevées font fenfiblement plus forts que
les habitans des côtes & des autres terres baffes. En
général tous les habitans de l ’Amérique feptentrionale,
& ceux des terres élevées dans la partie méridionale, telles
que le nouveau Mexique, le Pérou, le C h ili, &c. étoienï
des hommes peut-être moins agiflans, mais auffi robuftes
que les Européens. Nous favons par un témoignage refi-
peétable , par le célèbre Franklin, qu’en vingt-huit ans
la population fans focours étrangers s’eff doublée à Philadelphie
; j ’ai donc bien de la peine à me rendre à une
efpèce d’imputation que M. Kalm fait à cette heureufo
contrée: Il dit (p) qu’à Philadelphie, on croirait que
(n) Hiftoire philofophique & politique, tome 111, page 2 1)2.
(0) Idem, ibidem, page 51 J.
(p) Voyage en Amérique, par M.Kalm. Journal étranger, Juillet
1 7 6 1 .
À l’H i s t o i r e Na t u r e l l e . 531
les hommes n’y font pas de la même nature que les
Européens.
Selon lui, leur corps & leur raifon font bien plus tôt formés,
auffi vieillilfent-ils de meilleure heure. II n’eft pas rare d’y voir
des enfans répondre avec tout le bon fens d’un âge mûr; mais
il ne l ’eft pas moins d’y trouver des vieillards oélogénaires. Cette
dernière obfervation ne porte que fur les Colons ; car les anciens
habitans parviennent à une extrême vieillelfe, beaucoup moins
pourtant depuis qu’ils boivent des liqueurs fortes. Les Européens
y dégénèrent fenfiblement. Dans la dernière guerre, l’on obferva
que les enfans des Européens nés en Amérique, n’étoient pas en
état de Apporter les fatigues de la guerre & le changement de
climat comme ceux qui avoient été élevés en Europe. Dès l ’age
de trente ans les femmes ceffent d’y être fécondes.
Dans un pays où les Européens multiplient fi
promptement, où la vie des naturels du pays eft plus
longue qu’ailleurs , il n’eft guère pofiible que les
hommes dégénèrent, & je crains que cette obfervation
de M. Kalm ne foit auffi mal fondée que celle de ces
ferpens qui félon lui, enchantent les écureuils & les
obligent par la force du charme de venir tomber dans
leur gueule.
On n’a trouvé que des hommes forts & robuftes en
Canada & dans toutes les autres contrées de l’Amérique
feptentrionale ; toutes les relations font d’accord fur cela;
les Californiens qui ont été découverts les derniers, font
bien faits & fort robuftes, ils font plus bafanés que
les Mexicains, quoique fous un climat plus tempéré ( q ) ,
. (q) Hiftoire philofophique & politique, tome VL page g 12 .
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