difputes entre les Géomètres fur la façon de prendre
ce calcul, & fur les principes dont il dérive ; on a été
étonné des efpèces de prodiges que ce calcul opéroit,
cet étonnement a été fuivi de confufion ; on a cru que
l’infini produifoit toutes ces merveilles ; on s’eft imaginé
que la connoiflançe de cet infini avoit été refufée à tous
les fiècles & réfèrvée pour le nôtre ; enfin on a bâti fur
cela des fyftèmes qui n’ont fervi qu’à obfcurcir les idées.
Difons donc ici deux mots de la nature de cet infini,
qui en éclairant les hommes fèmble les avoir éblouis.
Nous avons des idées nettes de la grandeur, nous
voyons que les chofes en général peuvent être augmentées
ou diminuées, & l’idée d’une chofè, devenue plus grande
ou plus petite, eft une idée qui nous eft auffi préfente
& auffi familière que celle de la chofe même; une chofè
quelconque nous étant donc préfentée ou étant feulement
imaginée, nous voyons qu’il eft poffible de l’augmenter
ou de la diminuer ; rien n’arrête, rien ne détruit cette
poffibilité, on peut toujours concevoir la moitié de la
plus petite chofe , & le double de la plus grande chofè ;
on peut même concevoir qu’elle peut devenir cent fois,
mille fo is, cent mille fois plus petite ou plus grande; &
c’eft cette poffibilité d’augmentation fans bornes, en quoi
confifte la véritable idée qu’on doit avoir de l’infini ;
cette idée nous vient de l’idée du fini ; une chofe finie
eft une chofe qui a des termes;, des bornes ; une chofè
infinie n’eft que cette même chofe finie à laquelle nous
ôtons ces termes & ces bornes; ainfi l ’idée de l’infini
D’A r i t h m é t i q u e m o r a l e . 1 0 7
n’eft qu’une idée de privation , & n’a point d’objet réel.
C e n’eft pas ici le lieu de faire voir que l’efpace, le
temps, la durée, ne font pas des infinis réels; il nous
fuffira de prouver qu’il n’y a point de nombre actuellement
infini ou infiniment petit, ou plus grand ou plus
petit qu’un infini, &c.
L e nombre n’eft qu’un aflemblage d’unités de même
éfpèce; l’ünité n’eft point un nombre, l ’unité défigne
une feule chofè en général ; mais le premier nombre 2 ,
marque non-feulement deux chofes, mais encore deux
chofes fèmblables, deux chofès de même efpèce ; il
en eft de même de tous les autres nombres : or ces
nombres ne font que des repréfentations, & n’exiftent
jamais indépendamment des chofes qu’ils repréfentent ;
les caraétères qui les défignent ne leur donnent point de
réalité, il leur faut un fujet ou plutôt un aflemblage de
fojets à repréfènter, pour que leur exiftence foit poffible;
j ’entends leur exiftence intelligible, car ils n’en peuvent
avoir de réelle ; or un aflemblage d’unités ou de fojets
ne peut jamais être que fini, c ’eft-à-dire, qu’on pourra
toujours affigner les parties dont il eft compofé ; par
conféquent le nombre ne peut être infini quelqu’aug-
mentation qu’on lui donne.
^Mais, dira -t-on, le dernier terme de la foite naturelle
1 , 2, 3 , 4 , &c. n’eft-il pas infini! n’y a -t-il pas
des derniers termes d’autres fuites encore plus infinis que
le dernier terme de la fuite naturelle ! il paroît qu’en général
les nombres doivent à la fin devenir infinis, puifqu’ils
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