été poffible, de faire infufer de la chair du cadavre dans l ’eau,
ou d’obferver fur lui-même dans leur principe, les petits corps
mouvans qui en font iffus.
D ’après les traits dont je viens de les dépeindre, je crois qu’on
peut les rapporter au premier ordre de Swammerdan. Ceux que
j’ai écrafés, n’ont point exhalé de mauvaife odeur fenfible; leur
couleur n’établit point une différence : la qualité de l’endroit où
ils étoiënt réfferrés, les impreffions diverfes qu’ils ont reçues &
d’autres conditions étrangères, peuvent être les caufes occafionnéiles
de la configuration variable de leurs p'ores extérieurs, & des
couleurs dont ils étoient revêtus. Ori fait que les vers de terre,
après avoir été fubmergé's & avoir refté quelque temps dans l’eau,
deviennent d’un blanc de lys qui s’efface & fe ternit quand on
les a retirés, & qu’ils reprennent peu-à-peu leur première couleur.
L e nombre de ces infeétes ailés a été inconcevable, cela me per-
fuade que leur propagation a coûté peu à la Nature, & que leurs
transformations, s’ils en ont efîùyé, ont dû être rapides & bien
fubites.
Il eft à remarquer qu’aucune mouche ni aucune autre efpèce
d’infedïês ne s’en font jamais approchés. Ces animalcules éphémères,
retirés de deffus la tombe' dont ils ne s’éioignoient point, périf-
foient une heure après, fans doute pour avoir feulement changé
d’élémènt & de pâture, & je n’ai pu parvenir par aucun moyen
à les conferver en vie.
J ’ai Cru devoir tirer de la nuit du tombeau & de l ’oubli des
temps qui les a annihilés, cette obfervation particulière & fi fur-
prenante. Les objets qui frappent le moins les yeux du vulgaire,
& que la plupart dés hommes foulent aux pieds, font quelquefois
ceux qui méritent le plus d’exercer I’efprit des Philofophes.
Câ r comment ont été produits ces infeétes dates' un lieu où
l ’air extérieur n’avôit ni ' communication ni aucune iffueî pourquoi
leur génération s’eft-elle Opérée fi facilement ? pourquoi leur propagation
a-t-elle été fi grande ! quelle eft l ’origine de ceux qu i,
attachés fur les bords des fentes de la pierre qui couvroit le caveau,
11e tenoient à la vie qu’en humant l’air que le cadavre exhaloit!
d’où viennent enfin leur analogie 8c leur fimilitude avec les moucherons
qui naiffent dans le marc du vin î II femble que plus
on s’efforce de raffembler les lumières & les découvertes d’un
plus grand nombre d’Auteurs pour répandre un certain jour fur
toutes ces queftions, plus leurs jugemens partagés 8c combattus
les replongent dans l ’obfcurité où la Nature les tient cachés.
Les Anciens ont reconnu qu’il naît conftamment & régulièrement
une foule d’infeétes ailés de la pouffière humide des
cavernes fouterreines (a). Ces obfervations & l’exemple que je
rapporte, établiffent évidemment que telle eft la ftruéture de ces
animalcules que l’air n’eft point néceffaire à leur vie ni à leur
génération, & on a lieu de préfumer qu’elle n’eft accélérée, & que
la multitude de ceux qui étoient renfermés dans le cercueil n’a
été fi grande que parce que les fubftances animales qui font
concentrées profondément dans le foin de la te r re , fouflraites
à I’aétion de l ’a ir , ne fouffrent prefque point de déperdition, &
que les opérations de la Nature n’y font troublées par aucun
dérangement étranger.
D ’ailleurs, nous connoiffons des animaux qui ne font point
néceffités de refpirer notre a ir, il y en a qui vivent dans la machine
pneumatique. Enfin Théophrafte & Ariflote ont cru que
certaines plantes & quelques animaux s’engendrent d’eux-mêmes,
fans germe, fans femence, fans la médiation d’aucun agent extérieur;
car on ne peut pas dire, félon la fuppofition de Gaffendt
& de L y f te r , que les infectes du cadavre de notre hydropique
aient été fournis par les■ animalcules qui circulent dans l ’air, ni
par les oeufs qui peuvent fe trouver dans les alimens, ou par des
germes préexiftans qui fe font introduits dans fon coips pendant
la v ie , 8c qui ont éclos & fe font multipliés après fa mort.
(a) Pline. Hifl, Nat, lib. x u .