R É P O N S E à M. D E L A CON D A M IN E ,
le jour de fa réception à P Académie Françoife,
le lundi 21 janvier 1 7 6 1 .
M o n s i e u r ,
D u génie pour les Sciences, du goût pour la Littérature
, du talent pour écrire : de l’ardeur pour entreprendre,
du courage pour exécuter, de la confiance pour achever:
de l’amitié pour vos rivaux, du zèle pour vos amis, de
l ’enthoufiafme pour l’humanité ; voilà ce que vous connoît
un ancien ami, un confrère de trente ans, qui fe félicite
aujourd’hui de le devenir pour la fécondé fois ( f) .
Avoir parcouru l ’un & l’autre hémifphère, traverfé
les eontinens &. les mers, fùrmonté les fommets fourcilleux
de ces montagnes embrafées, où des glaces éternelles
bravent également & les feux fouterrains & les ardeurs
du midi; s’être livré à.Ja pente précipitée de ces cata-
raétes éeumantes, dont les eaux fufpendues femblent
moins rouler lùr la terre que defcendre des nues; avoir
pénétré dans ces vafles défèrts, dans ces folitudes im-
menfes, où l’on trouve à peine quelques vertiges de
l ’homme; où la Nature accoutumée au plus profond
(f) J’étois depuis très-long temps confrère de M. de la Condamine
s l'Académie des Sciences,
fdence,
fdence, dut être étonnée de s’entendre interroger pour
la première fois; avoir plus fait en un mot, par le feul
motif de la gloire des Lettres, que l ’on ne fit jamais par
la foif de l’or: voilà ce que connoît de vous l’Europe,
& ce que dira la poftérité.
Mais n’anticipons ni fur les efpaces ni fur les temps :
vous favez que le fiècle où l ’on vit eft fourd, que la
voix du compatriote eft foible ; laiffons - donc à nos
neveux le foin de répéter ce que dit de vous l’Etranger,
& bornez aujourd’hui votre gloire à celle d’être affis
parmi nous.
La mort met cent ans de diftance entre un jour & {’autre ;
louons de concert le Prélat auquel vous fuccédez (g);
û mémoire eft digne de nos éloges, là perfonne digne
de nos,regrets. Avec de grands talens pour les négociations,
il avoit la volonté de bien fervir l’Etat ; volonté
dominante dans M. de Vauréal, & qui dans tant d’autres
n’eft que fubordonnée à l ’intérêt perfonnel. Il joignoit à
une grande connoifiance du monde, le dédain de l’intrigue
; au defir de la gloire, l ’amour de la paix qu’il a
maintenue dans fon diocèfe, même dans les temps les
plus orageux. Nous lui connoiffions cette éloquence
naturelle, cette force de difoours, cette heureufe confiance,
qui fouvent font néceffaires pour ébranler, pour
émouvoir ; & en même-temps cette facilité à revenir
fur foi-même, cette efpèce de bonne foi fi feante, qui
(g) M. de la Condamine fuccéda à l’Académie Françoife, à M.
de Vauréal, évêque de Rennes.
Supplément. Tome IV D